Ce 17 janvier 2008, lors de sa dernière décision (n° 2007-561 DC), le Conseil Constitutionnel est mort à seulement cinquante ans, d’une
crise aiguë de déni de justice.
Je m’en réjouis absolument.
Cette noble institution était née dans la glorieuse année 1958, et son apport à la construction du droit en France a été inestimable. En
effet, son indépendance ne pouvait être sérieusement remise en cause, nonobstant le caractère éminemment politique de son mécanisme de désignation des membres. Même si historiquement, seuls douze
de ses membres sur soixante-douze en tout s’avéraient orientés à gauche, les personnalités choisies avaient toujours eu jusqu’à quelques années de cela une haute conscience de leur devoir et de
l’importance de leur fonction de juge de la constitutionnalité des lois françaises, quitte à mettre de côté leurs inclinaisons politiques le temps d’une décision.
Depuis trois ou quatre ans toutefois, nous avions pu observer une dégradation de la qualité des décisions rendues, une interprétation
particulièrement large des règles constitutionnelles, parfois même au mépris du bon sens (la déclaration de constitutionnalité du CNE, balayée en brèche par la récente décision du B.I.T., en
fournit un excellent exemple).
Nous avions pu nourrir un certain espoir lorsque Jean-Louis Debré avait été nommé à la Présidence du Conseil, lui qui d’une part ne
pouvait être soupçonné de sympathie pour Sarkozy, mais aussi et surtout, d’autre part, était le fils de l’auteur de la Constitution de 1958. Espoir balayé. Le Conseil constitutionnel n’est plus
aujourd’hui juge de la constitutionnalité des lois, mais se contente, en gendarme collaborationniste au front bas, de juger la forme… Sa principale mission depuis trois ans a en effet consisté à
pourchasser les cavaliers législatifs (NB : les amendements qui ne rentrent pas dans le domaine du projet de loi examiné)… avec des objectifs chiffrés par le
gouvernement ?
Avant de saluer sa mise en bière lors d’une ultime et inique décision reconnaissant pleine validité constitutionnelle à la loi ratifiant
l’ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 portant nouveau Code du travail, attachons-nous un instant sur la qualité de ses membres. Le singulier est employé ici volontairement, puisque sur ses
onze membres, huit sont passés par Sciences Po Paris. Oui, Guy Canivet n’a pas suivi ce chemin, mais soulignons tout de même qu’il y est professeur… Giscard l’X quant à lui se rattache à la
petite famille par un autre biais : l’ENA (qui comme chacun sait n’a jamais formé un juriste de droit constitutionnel), tout comme six de ses collègues. En un mot, on pourrait disserter à
loisir sur les origines communes, trop probablement, des membres du Conseil, mais nous nous contenterons de mettre un seul point en exergue.
Si le Conseil compte un peu plus de la moitié de ses membres comme juristes de formation (Debré et Pezan ont un troisième cycle ; Denoix
de St Marc, Dutheillet de Lamothe et Joxe sont titulaires d’une licence, tout de même, ça impressionne et justifie pleinement leur nomination ! Steinmetz et de Guillenchmidt font mieux avec
une maîtrise…), aucun ne s’avère en revanche un véritable spécialiste de droit constitutionnel.
Le Conseil constitutionnel a donc validé la réforme du Code du travail comme s’étant faite « à droit constant ». C’est au moment précis de la fin de la lecture de la décision que les remugles de la courte formation juridique initiale de la majorité
de ses membres provoquèrent d’abord un malaise de légitimité, avant que celui-ci ne dégénérât en crise aiguë de déni de justice, cause du décès selon les constitutionnalistes
légistes.
Ni rires, ni crachats.