Un rêve blanc et étrange m’avait
saisi quelques jours auparavant, duquel avait résulté une forme de malaise érotique, une atmosphère de changement… Aujourd’hui, tout s’éclaircit : avec Anne, nous participons au tournage
d’un court métrage, dont la tête d’affiche est assurée par Frédérique Bel, alias « La blonde » de Canal +.
La scène où nous intervenons se
déroule autour d’une table, à l’occasion d’un dîner. La voix et l’élocution de Frédérique, nasillarde pour la première et traînante pour la seconde, m’étonnent, l’ensemble molasse contrastant
singulièrement avec ce que je connaissais de son œuvre télévisuelle. Malgré le gnangnan, la scène se tourne néanmoins sans anicroche, du moins aux yeux du réalisateur, et c’est là
l’essentiel.
Le plan suivant voit la blonde
seule dans un cadre de type Saint Maclou ou Foucray. Elle est assise sur un haut tas de larges pans d’étoffe et de laine, et adossée aux fameux rouleaux de moquette transversaux que j’aurais tant
rêvé de dérouler lorsque j’étais gamin. Elle est toute de blanc vêtue, une robe courte dévoilant une gorge relativement généreuse et de petits escarpins, une coiffe située entre la vannetaise et
le bouquet anarchique de muguet. Elle déclame son texte sur le même ton que la scène du dîner, alors que tous les figurants, dont moi-même, assistent au monologue de derrière la
caméra.
Cette fois, le phrasé ne paraît
pas convenir au réalisateur à casquette, qui se lève en riant, s’approche de Frédérique et lui recouvre la tête du pan de laine sur lequel elle était assise en premier lieu. Les techniciens du
son et de l’image, hilares, se précipitent et en font de même avec les couches suivantes du siège de fortune, le mille-feuilles de tissu se refermant sur l’actrice pleurant de rire mais
commençant de mal respirer. Je m’approche à mon tour des jambes de la blonde qui battent l’air convulsivement. Plutôt que de la débarrasser de sa cangue d’étoffe, je me saisis de son pied gauche
et lui retire promptement son escarpin. Je masse la face supérieure de ce pied si blanc, en demi-cercles légers, avec mes pouces tandis qu’index et majeurs successivement descendent sur la voûte
plantaire. Les mouvements saccadés des jambes de Frédérique cessent aussitôt au profit d’une certaine langueur. Elle apprécie sans doute mon massage, que je continue durant de longues minutes,
toujours de la même manière et sur le même pied. La blonde n’a rien dit.
Plus tard, lors d’une
interruption du tournage, nous nous retrouvons dans le couloir du vieil hôtel hébergeant l’équipe et les acteurs. La blonde me fait signe de venir. Je m’exécute, non sans m’être auparavant
retourné et avoir muettement demandé une confirmation en pointant mon pouce vers ma poitrine d’un air interrogatif, le tout pour m’assurer que le signe m’était bien adressé. Elle fait une bonne
demi-tête de plus que moi, m’aperçois-je alors que sa main se pose sur mon épaule droite. Elle m’indique une direction vers laquelle je la précède. Nous entrons maintenant dans un grand salon
éclairé par la seule lumière du couloir. Le temps que mes yeux s’habituent à la pénombre, et je distingue la décoration, quelques meubles anciens contre les murs blancs, une table centrale
rectangulaire et immense, un parquet de bois non vernis. Nous éloignant du sas et de la source de lumière, nous évitons la table et nous dirigeons vers le côté opposé de la pièce. Nous nous
arrêtons puis nous faisons enfin face. Le visage de la blonde a changé. Son maquillage yeux de biche a coulé, comme si elle avait pleuré, impression que confirme son air contrit et sa lèvre
supérieure frémissante. Elle bredouille quelques mots incompréhensibles et m’attendrit, en suscitant étrangement une pulsion physique en moi.
Homme marié, je ne saurais agir
pour répondre favorablement à cette sensation. J’aime Anne de tous mes abats (tripes, cœur et cervelle) et la tromper me serait insupportable. Frédérique serre alors mes trapèzes de ses deux
mains, l’émotion sur son visage se révélant de plus en plus sensible. Je devine, la voyant plus bas que mon regard, que son inspiration la dirige vers le sol. Si fait, voici qu’elle s’assoit,
puis s’allonge sur le parquet. Je m’agenouille à côté de ses pieds chaussés de sandales multicolores, à dominante turquoise ; je remarque également malgré l’obscurité des liserés rouges
entremêlés.
Malgré ma répulsion éthique, je
cède à la pulsion et me saisis de la lanière d’une sandale, et tire doucement dessus pour la dégager de son cran métallique. La blonde se redresse sans rien dire, d’un air réprobateur : j’ai
dû tirer trop fort et pincer la peau de son pied d’albâtre. Je lui retire ses deux sandales avec d’infinies précautions, d’une façon qu’elle doit apprécier puisqu’elle s’est rallongée, les bras
croisés sur la poitrine, la tête légèrement tournée de côté et les yeux clos. Sa respiration reste calme alors que je compte la chair de ses mollets sans aspérités. Elle retient un soupir lorsque
mes mains glissent lentement le long de ses cuisses, remontant du même coup sa fine robe blanche, peu à peu, jusqu’aux hanches.
J’ai encore honte de ce que je
suis et fais lorsque vient à se dénébuler le lieu de ma convoitise… qui me surprend. Pas de culotte posée sur les crêtes iliaques… Juste un… bout de carton, semble-t-il, plié à la manière d’un
bateau en papier, mais retourné coque en l’air, l’objet de mon avidité insensée étant celé par l’étrange élément. Comment celui-ci tenait-il jusqu’à présent ? Je l’ignore, mais la question
ne me retient pas plus de quelques instants. Je m’en saisis et le retire délicatement, m’en débarrasse vite pour mieux retourner à la vue que je veux merveilleuse…
Ce
n’est pas le bout de mes surprises ; le sexe de Frédérique Bel est recouvert d’une dense toison brune, laquelle pour en être peu étendue et bien taillée en triangle, n’en masque pas moins
jusqu’à la forme et la couleur de ce que j’étais impatient de découvrir. Elle ne bouge toujours pas, me laissant à ma déception. Je ne bouge plus, la laissant à son désir inconnu. Nous ne
bougeons plus ; jamais je ne tromperai Anne.