Frappé de manière prématurée par le vieillissement, ainsi ai-je vu un collègue abandonné quelques jours auparavant, frétillant de santé,
et que je retrouve immobile au coin d'une rue, devant une porte close en miroir.
Comme le ciel avec lequel je me confonds, je deviens sombre et ébahi à la pensée que cela pourrait aussi m'arriver. Il ne paraît pas
malade ou défaillant de ses articulations débiles, pourtant...
Alors au volant de ma voiture, quand nous sortions tous du bureau en file indienne, j'observe la scène qui s'efface avec la nuit
pluvieuse. L'eau hache les tunnels de lumière vaguement esquissés par les phares des véhicules. Je ressens confusément que nous devons aller quelque part. Comme souvent, j'arrive le premier. Peu
après, deux filles en font de même, descendent de leur auto et se plantent devant la mienne, sous le crachin, regardant le sombre où je me tiens. Elles ricanent de manière méprisante ; j'ignore
pourquoi d'ailleurs, et me retournant dans la direction de leurs sarcasmes, je ne peux voir qu'une haie de troènes apposée le long d'un mur.
Elles se retournent aussi, et marchent vers un bâtiment dont l'entrée s'illumine, naufrageuse.
Pendant ce temps, encore halluciné par des heures de vaine recherche, je me remets en mémoire l'image terrible du vieillissement, de la
calvitie chenue, du dos voûté, en pensant bien, entre deux éclairs oranges clignotant dans la brume, que cela ne saurait m'arriver : tout comme le cancer, je n'attraperai pas la vieillesse : je
suis contre.