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Hontes

Souffrances, amour, désespoir, moquerie, musique et philosophie... La vie, quoi !

R63 TIC, openspace et respect de la vie privée

Publié le 31 Juillet 2012 par Luc dans Nécromancie (du 11-8-08 au 12-2-09)

Je sens mon regard pourrir sur un écran cubiste. L’immobilité me gagne, et seule me rappelle au tressaillement la désagréable sensation d’être observé. C’est le cas. La baie vitrée de mon bureau s’agrandit brutalement pour passer de ma droite à derrière mon dos, puis jusqu’à l’horizon de ma gauche. Au dessus des écumes de papier, un visage à la fois débonnaire et ironique me jette un regard brillant, puis s’approche sans toucher le sol après pourtant avoir frappé de manière sonore sur le carreau.

 

Les cubes de mon écran s’agitent de manière confuse, jusqu’à ce que des albums photos apparaissent, que j’étais sensé regarder, qui étaient sensés m’appartenir. Ils me parlent d’endroits que je ne connais pas, dans une absence remarquable de présence humaine. Les hésitations de mes commentaires donnent plus de poids à la voix douce et grave sur mon épaule. Je sais qu’il sait, mais qu’il n’a pas la moindre preuve fors mon désarroi.

 

Alors je renifle bruyamment l’air plein qui s’écoule comme une pâte dans mes poumons brûlants.

 

Alors je vais pleurer.

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R101 Uchronie

Publié le 12 Juillet 2012 par Luc dans Eternel retour de fin (du 1-5 au 14-10-11)

Je suis à Paris, en formation probablement, et tue le temps le temps de régler les modalités pratiques de mon retour. Dans un hall d’université, la Sorbonne puisqu’une discussion littéraire sur le romantisme attire mon attention, se trouvent trois jeunes étudiants qui moquent gentiment ce concept. J’interviens en me redressant de ma position avachie en disant :

 

- C’est sûr, il y a du vrai dans vos propos,

mais pour que les envolées lyriques et sanglantes,

ces images exagérées et pleines de pompe

et ces situations extrêmes de souffle toujours haletant

ne deviennent pas ridicules, il faut du génie. -

 

Une jeune fille sans charme à la chevelure brune ondulée abonde à mesure que je m’affaisse de nouveau dans la banquette marron, perdant l’attention générale. Une autre fille brune, les cheveux soigneusement tirés en arrière, à la peau autant reprochable que son œil s’avère brillant, aborde le problème collatéral de la qualité des traductions dans l’expression du génie chez les romantiques. Cette fois, c’est à mon tour d’être d’accord ; je rassemble mes dernières forces pour reprendre le crachoir.

 

- Exact ! Sans parler de France Prešeren, Przybyszewski, vous connaissez ?

Il écrivait en allemand comme Goethe et s’était lui-même traduit en polonais,

ce que chacun s’était dès alors accordé à considérer

comme un grand massacre de l’œuvre originelle, De Profundis,

et bien figurez-vous que c’est à partir de cette version là

que l’œuvre a primitivement été traduite en français !

Après ça, on ira s’étonner que personne ne connaisse Stanisław en France ! -

 

A peine avais-je achevé la moitié de ma phrase… haletante… que deux jeunes filles étaient déjà parties et que la dernière ne me jetait plus que des regards nerveux, gênés et nauséeux, de temps à autre, par pure politesse nonobstant le non-lieu absolu de ma présence ici. Je le réalise bien en m’avachissant plus encore, croisant de mon regard les jambes de celle qui est restée.

 

Je me relève avec difficulté, pose mon cartable sur le pupitre, l’ouvre afin d’y trouver le détail de mon trajet de retour, sur le billet électronique, les heures de départ et d’arrivée m’intéressant très vivement depuis le camouflet subi. Après tout, peut-être est-il déjà l’heure de se mettre en route, avec un peu de chance, pour sortir de cette ambiance sentant trop fort le mépris à l’égard de ma personne. Je saisis mon portable, l’allume et constate avec désagrément qu’il me demande de renseigner l’heure, comme après une coupure de batterie. La date sombrement surlignée s’avère quant à elle intangible : nous sommes le 25 juin 1988, trois jours avant l’obtention de mon permis de conduire, le jour précis où j’écrivis ces lignes :

 

- Encore des combats, de la violence…

Les pensées embuées se délaissent le long des âtres éteints.

Je joue seul, pitre, l’idiot qui donne le rire aux autres.

Je ne fréquente guère les salons, où l’on boit en courant,

Sous les ponts où courent les rats de ma vie ;

Ne pouvant entendre le dernier son du soir.

Je tue et suis tué, me moque et suis hué.

Saleté, viscosités, on baigne le sang ;

Sois pur, avec finesse, sois plus doux et attaque

Sans relâche vers le son et la lumière des rats.

L’effet se provoque, il n’y a qu’à… -

 

Rien ne change donc, même à vingt-trois ans d’intervalle, je suis toujours un idiot, laid et sans intérêt. Mais quelle est cette date !? On est le 1er mai 2011 ! Calmons-nous, l’effet se provoque, il n’y a qu’à… Je m’enquiers avec néanmoins une certaine discrétion de la date auprès d’un étudiant qui me la confirme, l’air soupçonneux. Je suis abasourdi, et finis par demander tout haut, par désespoir, si pour quelqu’un ici nous ne sommes pas le 25 juin 1988. Un jeune homme chevelu me fait signe et nous nous dirigeons d’un pas rapide vers sa voiture. Une fois assis, portes et fenêtres closes, il m’explique que lui aussi est la victime de distorsions du temps depuis quelques jours mais que l’on s’y fait.

 

Cette accoutumance progressive contribue à éclaircir l’étrangeté que pourrait constituer de prime abord le fait de rouler sur une bande de bitume sans signalisation au sol, tracée au sommet d’un terril, à une vitesse folle et deux roues dans le bas-côté de poudre noire. Le conducteur finit par dévaler le terril à toute allure avant d’atterrir lourdement sur une départementale. Des centaines d’animaux se mettent à traverser la route, que nous traversons sans coup férir. En solo, par couples ou triplettes, des kangourous bruns, des chiens oranges et des bananes jaunes se jettent sous nos roues comme des bars de machine à sous qui disparaissent au premier contact sans percussion. Pendant cet étrange manège, mon conducteur m’indique qu’il connaît un centre où l’on se remet bien des uchronies.

 

Allons-y donc, puisque mon train ne partira que dans un peu moins de vingt-trois ans et que dans l’attente je suis un réfugié du temps.

 

Ce pourrait être un endroit qui ressemblerait à Sainte Maxime, Place Jean Mermoz pour être précis, mais qui constitue au principal le grand champ clôturé d’un entrepôt pentagonal. Après avoir garé la voiture, nous parvenons à une entrée du bâtiment, anguleuse, de béton blanc et verre fumé. Nous poussons la lourde porte d’acier, nous retrouvons dans un couloir sombre et marronnasse pour parvenir à une pièce dans laquelle les gens s’avèrent sombres et concernés. Mon pilote et moi-même sommes invités à rejoindre d’autres personnes dans notre situation.

 

J’y reconnais tout de suite va paotr goz Tristan qui d’un coup de cil me fait comprendre qu’il faut se casser d’ici, où de fait nous sommes des prisonniers. Nous n’avons pas besoin de parler, un échange de regards suffit.

 

Quelques minutes plus tard à peine, alors que tous les détenus sont assis en silence dans le grand open-space, je profite avec lui d’un allègement momentané de la surveillance invisible et nous courons dans le couloir finalement orange sombre grâce à la lumière d’où nous nous extirpons. Nous passons la porte et Tristan se met à courir à toute vitesse vers la gauche. Je tente de lui emboîter le pas de course, mais il me distancie rapidement, alors que j’ai toujours été le plus sportif des deux.

 

Pendant que nous contournons l’arrière de l’immeuble en ciment blanc, sur le chemin de goudron gris longeant la haute clôture, je vois à la seule fenêtre de cet angle le visage et le bras d’un grand noir, de type Mister T. sans bijoux, qui me fait signe de ne pas continuer dans cette direction, de rebrousser chemin au plus vite. Un prisonnier ? Un gardien à la conscience tourmentée ? N’eus forzh, je stoppe, hèle Tristan sans succès et fais lâchement demi-tour. Revenu au trot à mon point de départ, l’endroit semble désert ; j’avance un peu, avec précaution, mais j’aperçois au loin, à deux angles de pentagone de là, surgir le maître-chien avec ses deux molosses roux.

 

Pas question de m’y piquer ! Je pose mes mains tremblantes sur la porte de l’immeuble dotée d’un poussoir au mécanisme similaire à celui des sorties de secours. Mince de chance ! Elle s’ouvre, et je rejoins piteux la salle d’où je m’étais évadé peu de temps auparavant, sans plus de surveillance qu’avant ma cavale. Un microphone nasillard nous ordonne au moment où je m’assieds de sortir en urgence du bâtiment et de nous aligner le long du mur extérieur pour un appel général. Je m’exécute comme mes compagnons en constatant la fébrilité de l’encadrement. Nous nous asseyons en ligne le long du mur, sur un mince parterre de cailloux blancs et ovoïdes, chauds. Je suis irréprochable ; j’ai finalement raté mon coup en le réussissant, mais il semble bien que la course infernale de mon cher Tristan ait porté ses fruits ! La fièvre inquiète des matons m’en persuade : il est parvenu à s’évader, quand je demeure ici, humilié et lâche, que nous fussions en 1988 ou en 2011.

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Mâchoires

Publié le 6 Juillet 2012 par Luc dans Hacadences (du 16-2 au 9-7-2009)

Il va me falloir desserrer les dents pour pouvoir dormir. La mâchoire est endolorie et l’émail menace ruine, oui, il faut cesser.

Le souci demeure néanmoins que lorsque je relâche la pression, je sens de nouveau le sang cogner dans mes dents et gencives. Il s’agite en mesure et abat son marteau liquide sur les racines à vif, s’évacue en un abominable tourbillon aspirant la pulpe, pour revenir aussitôt.

De la même manière, quand je cesse la pression de mes deux mâchoires, le sang vient frapper derrière mes arcades sourcilières, en faisant monter la pression que je souhaitais atténuer. Les sinus en trompettes couinent et soufflent, gargouillent de douleur dans des spasmes intestins.

Il suffit que mes mâchoires se disjoignent, hors de leur cangue du ciment de ma seule volonté, pour que mes jambes se prennent de frénésie, se repliant brutalement ou envoyant des coups de pied dans le vide des draps, bientôt imitées par les bras et le tronc, soulevé et retombé, inerte et épuisé.

Je renonce au calme total.

Je ne pourrai dormir que les mâchoires serrées.

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R56 Bavure d'une police sans âge

Publié le 5 Juillet 2012 par Luc dans Cercle noir (du 26-2 au 17-7-08)

Après maintes aventures étranges, me voilà reparti… trop vite sûrement. Je n’ai pas bouclé ma ceinture. Après la première courbe, je constate la présence d’un barrage de gendarmerie, à la composition habituelle : un véhicule, plusieurs gendarmes. L’un d’eux se place sur la voie, en position de tirailleur, souplement appuyé sur ses jambes fléchies. Il fait signe à quelqu’un qui ne saurait être autre que moi de s’arrêter.

 

Au même instant, en pestant contre la malchance qui seule explique la présence d’un barrage alors même que je porte toujours la ceinture de sécurité, je tente de ramener ladite ceinture en bandoulière vers son point d’attache, dans le sot espoir que le gendarme n’avait pas vu que je ne l’avais pas bouclée. C’est donc d’une main que ralentissant, je me déporte vers la droite pour finalement immobiliser mon véhicule.

 

Dès avant, mon attention aurait dû être éveillée par la tenue inhabituelle de ce gendarme. Gants blancs immaculés, fourragères éclatantes à sénestre, la tenue de parade. L’homme est âgé, manifestement. Je vois ses yeux bleu fou et le cheveu très court, plus sel que poivre entre oreille et képi.

 

Je suis rangé désormais, et attends qu’il se dirige vers ma portière, qu’il me demande de baisser la vitre pour demander de fausses explications sur l’évidente violation du Code de la route, la production de mes papiers… Par la fenêtre passager, je vois passer un autre gendarme, encore plus vieux que le premier et claudiquant. Il dépasse la voiture, et je ne m’aperçois qu’alors qu’il ne boîte pas : il a des béquilles de bois. Il paraît soudain alerté. Je m’étonne de sa tenue : de gendarme, il n’a que la vareuse et porte en bas des pantalons civils de toile beige. Il sort vivement de son holster de ceinture un Lüger 9 mm. J’en regarde l’œil noir non rayé et m’étonne encore de ce type d’arme, totalement suranné et bien différent du Beretta réglementaire. Il le pointe en ma direction.

 

Il tire et mon pare-brise vole en mille-feuilles. Je ne sais si j’ai été touché. Je ne parviens pas à me libérer de l’étreinte de ma ceinture pour me protéger sous le tableau de bord. C’est la panique du monde. Je ferme les yeux, fais ou suis le mort, une vive douleur à la poitrine, sans savoir si j’ai été frappé d’une balle.

 

J’entends un deuxième coup de feu, et le néant s’empare de moi dans la terreur. Je perçois toutefois la conversation étouffée de gendarmes selon qui l’arme aurait explosé à la tête de son détenteur lors du troisième coup de feu. Et maintenant encore, j’ignore si je suis mort ou non.

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Appeau de mort

Publié le 3 Juillet 2012 par Luc dans Dégradation (du 1-7 au 30-12-10)

Alors ce serait ainsi, la mort ?!

Ce vain et puéril réconfort.

Sa simple idée ne me touche pas

Quand elle n’est que vulgaire appât.

 

Les larmes refoulées des orbites,

Vain et insupportable prurit,

Finissent par couler d’intérieur,

Pensant à l’insoupçonné malheur.

 

Il faudra leur dire doucement,

Que ma mort vaine ne les concerne

En rien, malgré tout l’amour pour eux

 

A qui je manquerai sûrement,

Mes larmes de pendu en lourds cernes

Refleurissant mon amour pour eux.

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R48 L'ivresse de la propriété

Publié le 2 Juillet 2012 par Luc dans Erwann (du 11-10-07 au 21-02-08)

Je marchais dans la faible clarté d’un samedi matin, le long d’un chemin forestier. Le samedi était le jour du bois. Au détour du sentier de pierraille blanche et la luminosité baissant, je remarquai Didier Guignard manipuler des rondins lorsque surgit des taillis ce qui devait être leur propriétaire, dont la légitimité ne m’interrogea pas. Il se posa, martial, les jambes bien écartées et les bras croisés, et manifesta son mécontentement dans le silence. De leur discussion houleuse, je ne percevais que bribes étouffées. Toujours fut-il que Didier rebroussa chemin, pour se poster en tirailleur dans le fossé peu profond de l’extérieur du premier virage sur sa route. J’imaginai qu’il devait attendre que le propriétaire jaloux de son bois partît avec la satisfaction d’avoir protégé efficacement son bien. Espoir déçu, l’autre personnage demeurait dans sa position de guetteur supérieur, sans ciller. J’entendis plus distinctement cette fois Didier se fendre du mot « Merde ! », dans le même temps qu’il sortit de son affût, bondit au dessus du chemin et se précipita sur la réserve de troncs d’arbres qu’il se mit à gravir.

 

Le propriétaire recommença ses caquètements en restant parfaitement immobile. C’est à peine si j’apercevais ses lèvres se mouvoir, des postillons s’extraire en cascade de sa bouche moustachue et chenue. Didier continuait son ascension mais un tronc sous sa main droite d’appui bougea. Il tenta de compenser avec son pied opposé, mais le tronc sous ce dernier commença également à rouler. Il en fut ainsi de celui placé sous sa main gauche puis sous son pied droit, tandis que l’autre le conspuait sans cesse dans ce que je devais bien, désormais, qualifier de nuit claire.

 

Didier continuait son escalade immobile du tas de troncs en évitant ceux qui roulaient sous ses pieds et ceux qui chutaient par-dessus sa tête. Arriva le moment prévisible où il en reçut un sur le haut du dos. Je m’étonnai de sa résistance de troisième ligne centre, le choc n’ayant pas paru le déstabiliser. Tout l’amas de troncs menaçait maintenant de s’écrouler mais Didier persistait dans sa lutte devant l’épouvantail ivre de propriété. Je le voyais maintenant se débattre dans des vagues de troncs sombres chutant sans fin jusqu’à ce que la mer de bois l’engloutît sans rémission, une main peut-être surgit du flot qui l’emporta avec le reste du paysage et le propriétaire huant. Une mer de troncs en furie bordait désormais le chemin forestier que j’arpentais sans espoir.

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