Réfugiés au domaine de Kerguéhennec, près de Bignan, entre Plumelec et Locminé, nous nous attendions à un assaut des milices hostiles. Le soleil se levait à peine et je revenais de patrouille quand du parc arboré voisin des tirs emplirent l’air. Avec deux camarades nous nous repliâmes rapidement vers l’aile droite du château pour nous protéger derrière l’avancée du bâtiment principal. Ca défouraillait de tous les côtés et nous étions déjà à court de munitions. Je reposai mon FM en bandoulière et pénétrai dans le corps de garde où je trouvais une sorte de fusil à pompe d’un modèle inconnu, idée hétérodoxe d’un ingénieur breton un peu fou à partir d’un Benelli M3. L’arme noire devait faire un mètre quatre-vingts de long et m’obligea à m’étirer pour actionner le résistant garde-main. Je ressortis du bâtiment en gueulant et vis un groupe de trois ennemis sur la terrasse, se protégeant de tirs alliés derrière une grande vasque de granit au-dessus de laquelle était agité par le vent un gros ballon gonflable, vestige de la dernière fête au Domaine. Je tirai au jugé sur le groupe d’assaillants, mais fus surpris par l’imposant recul de mon arme. Trop haut : mon shrapnel traversa le ballon rouge, qui ne creva pourtant pas. Des coulées violacées d’un liquide visqueux s’écoulèrent de ses blessures tandis que les trois Arabes, terrifiés, battaient en retraite au-delà de l’aile gauche du Domaine, derrière une butte. Des sept cartouches de 12,7 qui graillaient encore mon chargement tubulaire, j’arrosai le promontoire, sans succès.
Je retournai dans le bâtiment pour trouver des munitions pour mon FM, qui était plus efficace à distance. Rien à faire, rien dans l’armurerie, aucun des autres partisans ne disposant de suffisamment de chargeurs pour me dépanner. Ouvrant fébrilement tous les tiroirs de la salle d’armes, je tombai sur un petit FM argenté ressemblant à un M16 nain, avec des chargeurs vides et de nombreuses munitions. Étonnant mais mieux que rien. Je m’appliquai fébrilement à grailler les chargeurs, mais quelque chose coinçait. Je me résolus à en démonter un, et à la place du ou des ressorts, je constatai la présence de rails distincts émaillés de dizaines de fines petites pièces métalliques, donnant de l’ensemble une image proche de celle d’une recharge d’agrafes partie en plusieurs morceaux car mal disposée dans le rail de l’agrafeuse. Rien à faire avec ce truc manifestement pas au point, pas de temps à perdre à tenter de le réparer ou à tout le moins comprendre comment il marche.
Je ressortis et rejoignis les camarades tandis que les balles sifflaient encore, dans les nuages de poussière, comme le merle sur sa haie.