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Hontes

Souffrances, amour, désespoir, moquerie, musique et philosophie... La vie, quoi !

cercle noir (du 26-2 au 17-7-08)

Découverte

Publié le 8 Juin 2016 par Luc dans Cercle noir (du 26-2 au 17-7-08)

Quelque chose me gêne désormais, que ma culpabilité et son avatar naturel, l’indulgence pour l’autre confinant à la pusillanimité, m’empêchaient de vivre pleinement. La question s’avère fine : qu’a-t-elle fait pour moi ?

Je m’emmêle souvent les pinceaux dans la toile que je souhaite peindre, sinon d’un monde, du moins d’une vie sans conflits, ni heurts ni passions désagréables au sens où l’entendait le Maître du Jardin. Lorsque je ne m’excuse pas car convaincu de mon bon droit, je rampe avec humilité pour faire cesser le feu meurtrier. Je me contrains à ce damné aller-vers que j’abhorre, je me livre à mille tâches exécrées, à la détestable habitude des petits cadeaux, le tout pour faire retomber la colère. Je me fais donc violence dans la tristesse, deux humeurs négatives à fuir absolument.

En contrepartie de quoi… rien. Lorsque la colère la prend, la faute ne saurait peser que sur moi, même si les faits qui causèrent le dysfonctionnement ne me sont aucunement imputables, même si prétendre le contraire relève de la pure fantaisie. Il n’existe plus dans ces cas de figure de velléité d’objectivité, de mode probatoire, de conscience ni de simple raison : la faute postulée justifie le blâme qui m’est adressé, qui lui-même ne peut qu’entraîner ma pitoyable et immédiate demande de pardon, sauf à encourir les foudres de la colère et du mutisme le plus hostile.

Je ne saisis plus la justification de cet impératif catégorique que constituerait ma faute originelle, tellement chrétienne et qui entraîne, évidemment, la haine de soi et de son corps.

Je la comprends d’autant moins que je constate que la réciproque n’est que peu vraie : jamais un acte de contrition en cas de tort, jamais d’excuses en cas d’emportement excessif, jamais un pas vers moi-même lorsque la colère s’est atténuée.

Cela dit, je ne me révolte pas. Si ma raison me souffle de fuir ce qui me nuit, mon cœur s’empresse d’acquiescer à toutes les actions d’expiation du quotidien. C’est probablement parce que je n’ai jamais été amoureux de la vie mais d’une autresse qu’endolori, j’en supporte les conséquences de manière aussi bonhomme. Il n’y a même pas de hiatus tant les choses de la raison et celles du cœur sont éloignées et étrangères les unes des autres. Il ne sert à rien de se battre, la fierté et l’orgueil n’étant que de biens beaux concepts sans existence réelle autre que la bêtise.

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Kounnar (colère)

Publié le 12 Septembre 2013 par Luc dans Cercle noir (du 26-2 au 17-7-08)

 

Je marche dans le silence
Auquel rien ne peut remédier.
Un visage fermé me tance,
Muet, de colère irradié.

 

Des bruits vains s’arrêtent
Et je me sens vieillir, veule
Plissant les yeux que dévêtent
Les joies oubliées de la mort qui feule.

 

Je parle désormais au marbre
D’une statue qui me méprise,
Me donne la leçon mal apprise.

 

Alors je ne suis plus rien, un arbre
Maigrelet balancé par la bise
D’une blessure dans ma sottise.

 

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Orgue de malaise

Publié le 7 Juin 2013 par Luc dans Cercle noir (du 26-2 au 17-7-08)

Tout avait commencé un peu moins de deux jours avant, un matin pour être précis. J’avais pu croire une seconde payer les modestes abus de la veille au soir, qui eussent pu expliquer le malaise du jour se levant. Généralement, cet état fébrile ne résiste guère à la vie plus de quelques heures, mais cette fois, il a perduré et s’est confortablement installé dans le doux creux de mon estomac, jouant avec enthousiasme sa partition bondissante dans l’unique tube œsophagique de son orgue sourd.

La nuit dernière, derrière les paupières closes, les éclairs de lumière multicolore avaient quelque chose d’une guerre spatiale et les yeux tournaient, vibraient, s’écarquillaient par leur volonté propre, dans un tournis que ne tarda pas à rejoindre le corps dans son ensemble. Ma seule espérance consistait à faire en sorte que ma conscience devînt l’axe, le moyeu, le pivot du mouvement giratoire, pouvant dès lors observer immobile le chaos du monde. La force centrifuge était néanmoins la plus forte et mes pensées se déportaient sur des orbites de plus en plus éloignées du centre du trouble, de plus en plus rapides et insensées. L’accélération faisait vibrer mes paupières, menaçant même de les rouvrir, mais ces vieux volets se contentèrent de tenir en claquant de temps à autre, préservant un mauvais repos.

Ce matin, plus rien ne tourne et la course à la lumière a dû s’achever durant mon sommeil, mais de l’orgue du malaise demeure encore le bourdon grave et éternel, que l’on écoute assis et immobile, nauséeux et implacablement condamné à la soumission.

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R60 Génocide d'insectes

Publié le 18 Mars 2013 par Luc dans Cercle noir (du 26-2 au 17-7-08)

Je passe une soirée seul dans un appartement étroit et inconnu. Accoudé sur la haute table de salle à manger, je regarde un vieil écran de télévision qui ne retransmet que la fameuse neige d’après la fin des émissions.

 

Je me dirige donc vers la cuisine, et je constate des formes étranges et immobiles sur la porte du réfrigérateur. Il s’y trouve une sorte de gros cafard, un insecte non identifié ressemblant à un mélange de mille-pattes noir, de scolopendre cuivré et de chenille processionnaire luisante. Je vois aussi une grosse larve blanche d’une trentaine de centimètres, accrochée par la tête à la surface métallique, pouvant laisser penser à un grand préservatif presque opaque et gorgé d’un liquide visqueux.

 

C’est alors que je m’approche pour débarrasser la porte de ces importuns nocturnes, que ressentant ma main courir vers elle, l’épais scolopendre s’envole à tire d’ailes. Qui eût cru que cet animal pouvait voler ?! Je ne me laisse pas démonter et je calcule la trajectoire de l’insecte, pour lui asséner un formidable smash. Je l’ai eu, mais au lieu de tomber sur le sol carrelé, il est resté agglutiné dans ma main. Celle-ci commence à picoter, pour vraiment brûler quelque secondes plus tard, tandis que je regarde la victime de mon mouvement agoniser sur ma paume. J’ignore si ses propriétés sont urticantes, irritantes ou corrosives, mais toujours est-il que d’un mouvement brusque du bras, je m’en débarrasse, pour courir me laver les mains à l’évier de la cuisine. Le frottement du savon sous l’eau froide endort la douleur, et je peux maintenant sortir rejoindre mon peuple.

 

J’appartiens en effet, à ma demi-surprise, à un petit groupe de Cro-Magnons qui déambule le long d’un gai ruisseau longeant lui-même une haute falaise de roche grise. Au détour d’un méandre, je constate la présence d’un étroit portail de bronze, plein en sa partie inférieure. Je vais m’accrocher à ses barreaux supérieurs pour voir s’il y a quelque chose derrière. C’est à ce moment que des cris d’alerte me font lâcher la prise. Je me précipite vers la source de ces cris, et là, sur un rocher lisse, je retrouve tout à la fois un congénère du spongieux insecte volant que j’ai tué et une autre larve blanche. Ma grande épée à la garde noire sort immédiatement de son fourreau et d’un coup de taille précis, je coupe le premier en deux, qui choit dans l’herbe sans avoir pu battre des ailes. D’un autre coup d’estoc, je perce la grosse larve qui s’affale également. Je rayonne de la facilité de ma victoire, mais un phénomène étrange se produit : de profil, je constate que la larve est en réalité un bébé sur un nid d’ange. Affolé par les conséquences éventuellement dramatiques de mon acte, je me jette à genoux face à l’enfant, dont le visage serein change encore : ses yeux deviennent rouges pâle et sa face se déforme dans un rictus haineux. Je relance un coup d’épée de bas en haut et ouvre la créature dans ce même sens. Un flot de sang d’une couleur identique à celle des yeux s’expulse de l’outre, qui se dégonfle en baudruche épuisée. Mes peaux de bête se secouent sous les grognements de mes camarades.

 

Je suis ivre de fierté. Revenu dans la cuisine après avoir franchi le portail de bronze, une sauterelle est perchée sur un bibelot non loin de moi. Je lui lance un large revers de lame et la décapite sans coup férir. Quelle précision dans ce geste ! Je m’approche du malheureux insecte, pour m’emplir de dépit aussitôt : la sauterelle ressort sa tête d’entre ses frêles épaules et me toise de ses deux yeux ronds et stupides. J’entends de manière confuse de vaines tentatives de consolation (« Allez, tu as peut-être eu les antennes ! », et autres bêtises). Je n’ignore pas désormais que le venin dans ma main gauche commence de produire ses pleins effets. Je vois les autres premiers hommes rouler des yeux effarés, grogner de terreur. Je dois donc mourir, ou pire, me transformer. Le son cesse et seule la neige grésille maintenant devant mon regard.

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R59 Casse avorté

Publié le 21 Février 2013 par Luc dans Cercle noir (du 26-2 au 17-7-08)

Comme d’habitude, tout commence par du sport. Nous sommes tellement nombreux dans ce gymnase surchauffé où j’imagine que nous devons jouer au handball. Il est procédé à la distribution des maillots jaune traversés d’un demi-losange bleu soutenu. Je saisis le mien et tente de l’enfiler mais ma tête ne passe pas par l’encolure, au grand éclat de rire de mes coéquipiers. J’ai toujours eu une grosse tête, en ayant toujours craint que l’une se transforme en la.

 

Le temps de l’effort achevé, vient celui des libations, et nous nous retrouvons attablés à un bistrot ensoleillé, dan la vapeur duquel je me fonds en toute humilité pour écouter quelques collègues discuter de leurs projets d’avenir. L’un d’eux, quadragénaire au cheveu et à l’œil clairs, s’étonne de la proposition quelque peu malhonnête d’un autre, que je ne vois pas. Il donne le plan détaillé d’un casse dans une entreprise de zone artisanale. Tout y est : itinéraire calibré, heure pétante, entrée par la réserve non surveillée et chargement du camion en un temps éclair, le tout pour dégager cinq mille euros nécessaires à la viabilité du mystérieux projet. Le premier homme finit par se rendre, en état de nécessité, aux conclusions du second dont le fort accent méridional se perd maintenant dans le vrombissement du moteur de la camionnette.

 

C’est en esprit léger que je m’y installe, flottant dans l’air chaud, entre deux particules de pollen. L’homme conduit calmement en suivant l’itinéraire de mémoire, arrive à l’heure prévue et gare le véhicule dans un coin discret de l’espace de réception. Il pénètre dans la réserve à pas de loup et je me sens me fondre en lui peu à peu. Par une empathie incroyable, je ressens forte et claire son émotion lorsqu’il constate la présence, sur le mur du fond du petit entrepôt, du tableau du système d’alarme dont l’œil rouge clignote agressivement. Ca y est, c’est fini, nous avouons-nous, nous sommes pris dans une grimace abominable, notre marche s’étant arrêtée dans un instantané merveilleux d’équilibre douloureux.

 

Rien ne se passe néanmoins, et nous décidons de poursuivre notre avancée. Je demeure sur ma faim, à titre de ce qui me reste de personnel, puisque pour ressentir tout ce que l’homme ressent, je n’en ignore pas moins ce que nous devons dérober, devant me contenter du principe abstrait d’un vol valant cinq mille euros.

 

Nous arrivons par les vastes toilettes carrelées d’écru et aux portes d’un bleu étrangement similaire à celui de nos maillots quelque temps auparavant. Il retient son souffle, m’empêchant de respirer à mon aise, mais nous sortons bien vite de cet endroit et parvenons dans un hall triangulaire, croisée de couloirs dont toutes les portes sont du même bleu.

 

Soudain, l’une d’elles s’ouvre et dans l’angoisse terrible du malfrat pris sur le fait, nous voyons déboucher une petite fille au visage indéfinissable, tenant dans sa main un dessin maladroit et un crayon de couleur. Elle nous jette un regard. Sans doute va-t-elle s’étonner de notre présence, crier peut-être ? Cette fois nous y sommes, ar peurzorn eo [1], me dis-je… Non, elle entre dans les toilettes et nous n’entendrons plus parler d’elle.

 

Cette fois, mon osmose s’accomplit lorsque nous poussons la porte par où la petite fille est venue et que je débouche dans un open-space tristement moderne. Le sapin verni des bureaux, les lampes de bureaux allogènes, les écrans d’ordinateurs, l’absence de cris d’orfraies à ma vue par les quelques personnes présentes, je sens que je connais cet endroit. Sensation immédiatement confirmée par les mots que m’adresse un petit homme grisonnant au complet gris, son nez busqué immobile sur sa moustache fournie poivre et sel :

 

-         Ah Luc ! qu’est-ce que vous faites donc là un samedi ?

 

Il connaît mon nom ! Il m’a reconnu quand je ne sais rien du corps dans lequel je viens de me confondre. Je dois donc travailler dans cette entreprise : voilà qui explique bien l’absence d’hésitation de l’homme que j’ai parasité jusqu’à sa disparition dans le suivi de l’itinéraire d’accès à l’entreprise.

 

Je décide donc de m’approcher de son bureau, mais constate rapidement que le haut fauteuil sis en face de lui est occupé par une cliente de petite taille. Je tente de me dégager mais maladroitement, sous les pouffements d’une jeune collaboratrice brune à la peau d’albâtre.

 

Je prends mon mal en patience et voici enfin mon tour. Je m’assieds à l’invite et articule avec difficulté ma doléance :

 

-         Hem… Voilà, je souhaiterais faire un emprunt de cinq mille euros pour financer mon projet…

 

Je manque de m’étouffer à l’audition de mes propres mots : ah le beau vol que voilà ! Un emprunt ! Je croyais que c’étaient les banquiers, les voleurs ! De toute façon, l’autre est manifestement en train de renaître en moi, et il s’avère lâche. Cette violation de ce qui avait été prévu me navre et me met en colère, quand bien même je ne sais foutre toujours pas ce qu’il y avait à voler, ni quel serait ce fameux projet. Il me paraît juste avoir saisi, dans cette tentative de reprise de son corps par l’autre, que lui et le compère méridional comptaient créer une PME. Quelle idée absurde ! Je roule donc des yeux ronds et délavés, que le petit chef au veston gris remarque aussitôt.

 

-         Ouh là là ! Mon bon Luc, c’est une somme tout de même, et vous ne me semblez pas pouvoir justifier de garanties suffisantes de solvabilité et de sécurité pour que je puisse accepter votre demande, surtout dans ce contexte délicat des subprimes américaines…

 

Leue dour diskenn [2]… Je profite d’un mouvement de la jeune assistante brune qui déplace sa moderne lampe de bureau pour rejoindre le champ lumineux et quitter ce corps. Je reviens seul, une particule de lumière à la matérialité douteuse et schizophrène.



[1] C’est la fin du battage.

[2] Crétin alpin.

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Réveil de haine

Publié le 24 Janvier 2013 par Luc dans Cercle noir (du 26-2 au 17-7-08)

Le vrombissement halluciné de griffes jouant sur la fibre de verre m’a extrait de la torpeur du petit matin avec la grâce et la tendresse d’un dentiste médiéval ambulant. Alors mes incisives se sont affûtées les unes avec les autres dans un grincement insupportable. Mes gestes ne furent alors plus que ceux d’un automate cocaïnomane doté d’une immense envergure, de bras articulés puissants et maladroits. Je sus dès cet instant que j’étais voué à la vertu, à l’impatience, à la colère rentrée.

 

Le premier cri me fit sortir les yeux de la tête et deux dents se fendirent sous le poids de mon ire. Les premiers gestes battant l’air sans raison que je relevai firent se rejoindre mes gencives dans un hoquet sanglant. Le premier visage contrit et fermé que je rencontrai me vrilla les nerfs, me transformant en une torsade immobile et allant s’effilochant en tournant imperceptiblement, un vieux bout mangé par le sel et les courants, à qui l’on eût demandé d’amarrer le paquebot mondial du matin.

 

Alors je me suis dévoré pour ne pas subir mon propre cri de haine.

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Rejoindre le Vrai

Publié le 10 Décembre 2012 par Luc dans Cercle noir (du 26-2 au 17-7-08)

Dans la pièce confinée, un trait de lumière se dessinait par l’entrebâillement du volet incomplètement fermé. Il traçait une règle brisée sur les éléments qu’il parcourait. La douceur matinale s’insinuait dans chacun de mes pores, qui eût pu me bercer de l’illusion de la respiration. Le silence avenant, teinté de bruissements d’herbes folles et de la conversation sans importance des graviers derrière la fenêtre, aurait dû m’emplir d’inspiration, ma poitrine se soulevant alors avec la simplicité agréable du bien-être.

 

Tout cela n’avait que l’apparence du réel, qui m’a brisé violemment l’occiput ce matin. La contrition du visage qui accueillit mes premiers pas trop tendres avait immédiatement suscité ma méfiance quant au devenir des minutes suivantes. Mon agitation confuse, destinée à ne pas laisser la colère et le ressentiment s’emparer trop facilement de moi, provoqua l’effet inverse, et comme à l’accoutumée, le réel se montra sous son jour le plus orageux, terrifiant et irreprésentable par la simple raison, annihilant les vains efforts du sophiste calme ensoleillée au dehors.

 

Le réel de la pièce confinée contredisait celui de la nature.

 

Combien de temps cela pourra-t-il durer avant que la meurtrière de séparation se comble de haine et qu’une étrange autant que subite allégresse me la fasse franchir d’un bond alors léger ?

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R58 Homosexualité échouée (interdit aux - de 18 ans)

Publié le 16 Novembre 2012 par Luc dans Cercle noir (du 26-2 au 17-7-08)

NDLA : peut-être ce texte a-t-il été influencé par l'insignifiant débat agitant nos médias depuis quelques semaines relativement au "mariage pour tous"...

 

Tout a commencé par la phrase enflammée dans mon esprit, « Le bonheur de te quitter », que je ne comprenais pas, balloté que j’étais dans les vagues écumantes de la colère. Je ne voulais plus faire d’effort et décidai d’aller dormir chez ma sœur. Elle m’accueillit tellement discrètement que je crus un instant m’être berné sur sa présence réelle. Je m’allongeais donc sur l’immense divan d’un salon étrange. Il avait la forme et la taille d’un vieux moulin, percé de grandes baies vitrées d’où je pouvais percevoir la campagne inconnue, parsemée d’arbres ventrus et feuillus, de vertes collines et de chemins clairs, presque un dessin d’enfant. Ecrasé par ma petitesse et l’harassement, je ne tardai pas à connaître un mauvais sommeil, trop agité pour ne pas s’érotiser.

 

Je me retrouvai prendre un bain chaud, allongé à côté d’un jeune homme, dans une profonde et large baignoire. Nos nuques étaient apposées sur le rebord, et nous pouvions voir nos pieds, nos jambes et nos sexes tenter de remonter vers la surface limpide, à peine désordonnée par quelques cercles concentriques issus de la recherche de la position de détente idéale. J’étais surpris du mouvement de flottaison de nos glabres attributs, comme des montgolfières doubles qui eussent volé à l’envers, la nacelle vers le ciel. Le jeune homme parla de son désir, et je n’eus plus aucun doute sur son homosexualité, alors qu’il empoigna ma verge, fit quelques mouvements de va-et-vient et s’apprêtait à en rapprocher sa bouche. Me dégageant alors dans une brume de pensée, je lui expliquai que j’étais désespérément, définitivement hétérosexuel, et ce, malgré le frisson érotique de curiosité qui me parcourait à cet instant. Il sortit du bain et s’allongea sur une serviette de bain, ne me cachant rien de sa rigidité naissante, de son appel à l’aide. Je le vis mieux alors ; il était brun et plus petit que moi, plus jeune aussi. Son visage ne m’inspirait aucun désir, ni aucune répulsion. Je sortis à mon tour de la baignoire et m’agenouillai à côté de lui, pris d’une pitié incompréhensible face à ce renoncement complet et sans espoir de la pudeur confrontée au désir. Il me passa par la tête que je ne pouvais le laisser ainsi, et j’approchai timidement ma main de son sexe ridiculement petit et brun. Je m’en saisis et commençai à le masturber avec douceur de la main gauche, pour quelques instants plus tard caresser de ma main droite ses testicules fermes et glabres. Je remontai alors le regard vers ses yeux et je sentis la détresse s’emparer de lui, le visage en piété et la mâle roideur s’évanouissant sous ma main. Il ne voulait pas de ma pitié maladroite, avait réalisé mon absence complète de désir pour lui, irrémédiable et définitif hétérosexuel que j’étais.

 

Je me réveillai en sursaut, en prise à un malaise abominable. Je devais partir, sans attendre le jour. Je sortis dans la cour de la maison et m’emparai d’un antique 103 Peugeot orange, parmi les premiers modèles probablement, parfaitement identique à celui que m’avait légué mon grand-père voici plus de vingt ans. Talonnant le variateur, je démarrai en trombe et roulai à l’aveuglette dans le cône du faible phare jaune. Je parvins rapidement à un grand échangeur routier à plusieurs niveaux d’entrelacs, dans un cadre urbain dont je me persuadai qu’il s’agissait de Marseille, alors même que j’étais incapable de me situer.

 

Soudain, le mugissement d’un klaxon me tira de l’hypnotique cône de lumière mordorée. Personne derrière moi, ni à mes côtés, ni devant. Je levai la tête et vis ma sœur et son mari juchés sur une moto sur la voie supérieure, lui souriant tout d’abord, et elle me fixant avec dureté. Ils descendirent par le talus et me reprochèrent d’avoir emporté le petit-déjeuner. J’étais éberlué, et le fus plus encore lorsque je m’aperçus qu’une carriole était accrochée au porte-bagages du 103, dans laquelle, bien évidemment, trônait un imposant paquet de madeleines que mon beau-frère s’empressa de me brandir d’un air narquois et finalement peu réprobateur. Ils détachèrent la carriole et j’en profitai pour demander mon chemin vers le nulle part hors de la colère auquel j’aspirai. Il me montra la direction de l’échangeur le plus élevé, et je m’empressai de filer. Pour y accéder au plus vite, je décidai de couper à travers les nombreuses collines naines et herbues qui m’en séparaient. Je faisais cirer ma roue arrière dans la terre humide à chaque virage, des éclats de boue marquant mes passages. Je ne pouvais plus sortir de mes cercles. Je ne peux plus sortir de mes cercles.

 

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Plomb

Publié le 18 Octobre 2012 par Luc dans Cercle noir (du 26-2 au 17-7-08)

La stupeur m’a encore pris devant la violence inattendue du reproche. Ce matin donc, mes joints sont trop secs, mes coudes douloureux et mon siphon bouché par trop de nervosité. Je tremble et vibre dans une cacophonie métallique, en gouttant pitoyablement.

Avec le temps, les bourdonnements répétés de mon crâne d’acier m’ont fait aspirer encore à la solitude, rejeter la mixité, condamner le mélangeur, et l’eau chaude qui coulait dans mes veines s’est tarie au profit d’un liquide basique, toujours à température ambiante, s’adaptant selon le temps du moment.

Je supporte de moins en moins que l’on me manipule de droite et de gauche, que l’on m’agresse de gestes trop vifs qui font craqueler mes joints précaires et provoquent mon habituelle incontinence lacrymale.

Mes propres bruits m’insupportent désormais, suscitent ma honte. Je ne voulais que rester là, purement ornemental, à rêvasser devant une fenêtre ensoleillée, au-dessus d’un précipice en pierre de Rognes. Là j’aurais brillé de mille éclats argentés, aurais suscité admiration et convoitise aux temps chauds. Ma forme légère et mince aurait presque été belle dans la sérénité, et mon saturnisme oublié.

 

Mais non, on veut que je bouge, serve de quelque chose, toujours à disposition, respectant toutes les décisions, qu’elles soufflent le chaud ou le froid, toute faiblesse étant prohibée. La dernière fois fut cette nuit, durant laquelle j’eus le malheur d’éprouver les pires difficultés à me mettre en action, ce qui suscita sur moi les déluges d’une ire apocalyptique. Marqué, pointillé et gouttant tristement tout en me renfermant derrière mon dur visage de métal, je suis ravagé et tordu. Combien de temps encore vais-je pouvoir feindre mon assentiment ?

 

Sans filer la métaphore plombière, je ne suis plus ce matin qu’un vieux robinet rouillé.

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Pauvre petit poussin

Publié le 2 Octobre 2012 par Luc dans Cercle noir (du 26-2 au 17-7-08)

La montagne ruminante de mes échecs

Luit grise et sombre au dessus des toits,

Des cimes époussetant l’air humide.

 

Elle s’élève en masse dense, une vague

Immobile et menaçante, mais n’entretient

Pas ma terreur, juste mon renoncement attristé.

 

Je demeure debout et chancelant,

Plus par habitude que par désir, exténué

Par mon identité de nature avec cette montagne.

 

Je sais que je regretterai toujours le passé,

Et cela me navre absolument, de ne pouvoir

M’élancer par-delà les murs nuageux.

 

Le dénouement de cette succession de hoquets

Vains et absurdes est peut-être proche,

Pour enfin rejoindre la ligne régulière.

 

L’achèvement des soubresauts d’une épilepsie

Faiblarde va peut-être survenir, me libèrera

Du fumier infécond qui m’entrave les pieds.

 

Je suis donc un producteur de compost stérile,

Toujours au sommet de mon tas, contemplant

La lumière hersée que je devine au-dessus du ciel.

 

Et je pépie fatigué de la clarté trop lointaine

Quand les larmes pointent leurs gemmes à la lisière

De mes yeux mi-clos se pénétrant de l’air fautif.

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