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Hontes

Souffrances, amour, désespoir, moquerie, musique et philosophie... La vie, quoi !

Sève noire

Publié le 29 Septembre 2016 par Luc dans Contrôle (du 4-6 au 26-9-07)

La tige de métal

S’est fichée juste là,

Entre nez et œil bas,

Et la douleur s’installe.

Je me tortille sans but

Dans la vaine détresse

De ce que je n’ai su

Mais maintenant me blesse.

La brûlure des sangs

Noirs descend dans la gorge

Pour fondre dans la forge

Du gastre incandescent.

La poitrine se lève

Plus difficilement,

Maintenant que la sève

Noire est mon vrai tourment.

L’acier orne mes yeux

De sculptures difformes

Violant toutes les normes

Des faux Dieux bienheureux,

Chantres du bonheur simple

De la propriété.

Le plomb coule en mon temple,

Mon cœur exhérédé.

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Hypocondrie automnale

Publié le 28 Septembre 2016 par Luc dans Gisant

Entendre à nouveau parler de maladie me renvoie à la mort, sans travers ni raison. La couleur de mon visage changeant s’était-elle rosie du fait d’un éclairage de cette teinte que pour plaisanter, quelqu’un m’avait demandé ce qu’il se passait, que j’étais « tout rouge ». Évidemment, avec l’état de mon épaule gauche, de mes viscères et probablement de mes cœur, foie et thyroïde, sans parler des deux sacs d’anthracite demi-gras qui me tiennent lieu de poumons, je ne pus que suspecter le début d’une attaque ou à tout le moins un coup de tension pouvant m’être fatal, tel que mes ascendants mâles les avaient connus maintes fois par le passé.

 

Comme d’habitude, je survécus à la panique qui s’était aussitôt emparée de moi.

 

Cela étant, je songe surtout à l’inconfort de n’être finalement que rarement malade, certes sujet aux rhinites à répétition, mais n’ayant jamais subi aucune affection pouvant légitimer un arrêt de travail. Je n’ai plus peur que lorsque je suis malade. L’angoisse se calme dès que je lui donne la confirmation somatique la plus bénigne, mais se met en abominable branle sitôt que je pourrais me sentir bien.

 

Alors je me résigne, pas même terrifié, à peine gêné dans mes maigres entournures, mes velléités d’immobilisme tout sauf serein. Il n’y a plus l’ersatz de drogue que pouvait constituer une pratique sportive régulière et totalement investie, qui pouvait me laisser croire à ma force. Il ne reste plus que la peur de perdre ce que je n’ai pas lutté pour avoir.

Alors je me résigne, patientant le temps que mes craintes se réalisent fatalement un jour, évidemment celui où je ne m’y attendrai pas.

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Vers Paris

Publié le 23 Septembre 2016 par Luc dans Marseille (du 2-4-97 à février 1998)

Demain je reprendrai la direction, du nord. Tout au long du trajet, chaque endroit dépassé à vive allure insinuera de nouveau en moi les souvenirs jusque lors cachés. Parcourant l’Ardèche, me reviendront en mémoire ces paysages désolés et brûlés par le soleil, entourés de contreforts montagneux sur lesquels sont juchés des villages comme creusés directement dans la pierre. Remontant vers la Drôme, je verrai encore la laideur de la nature rhodanienne et l’impureté de l’air.

 

Le dégoût commence de monter.

 

Puis Lyon se découpera derrière les vitres, évidemment balayées de pluie et de froidure.

 

Celle-ci aura depuis longtemps envahi les cœurs et ne marcheront le long des allées si propres que des visages gris sans rien au-dedans.

 

La course se poursuit et je m’écœure un peu plus.

 

Puis surgiront au détour d’un brouillard le Morvan et l’auxerrois, si magnifiques pour n’être pas peuplés. Et tout de suite après, la Grande Couronne, la petite, Villeneuve Saint Georges la noire de suie.

 

Mon sourire renaît.

 

La gare de Lyon.

 

Je suis presque hilare.

 

Mais durant le trajet, seule une image m’a poursuivi : celle de deux femmes, petites, grasses et laides, qui se félicitent de mon dégoût ; l’une suce des bonbons à la menthe, l’autre déblatère des insanités. Tiens, en voilà une troisième, un peu moins grosse, plus grande, mais d’une stupidité apparemment effrayante. Elle suit les deux autres sans broncher. Elle ne vient même pas de ma fuite en arrière. Elles se contentent d’exécuter à nouveau leurs actes pavloviens comme si je n’avais jamais existé.

 

Alors je remonte à Paris ; ai-je vraiment existé ?

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R152 Fuite en chute

Publié le 21 Septembre 2016 par Luc dans Le mur du temps

Je me trouvais au milieu du salon. Les plafonds étaient élevés, trois mètres peut-être, et sertis de poutres de bois. Sur le sol de tommettes rouges et anciennes, mon regard fut attiré par une tache circulaire en plein centre de l’une d’entre elles. Me penchant, je constatai la parfaite transparence du liquide exempt de toute viscosité ainsi que son absence d’odeur. De l’eau, manifestement. De l’urine aussi, peut-être, de quelqu’un qui aurait beaucoup bu d’eau dans les heures précédentes.

 

Le volume répandu mais circonscrit faisait penser à une grosse goutte. Immédiatement avant que ma déduction raisonnable m’invite à le faire, je regardai le plafond avec attention afin d’y déceler une éventuelle fuite d’eau. Si fait, une gouttelette chuta d’entre deux poutres, que mon œil ne réussit à éviter que par maladresse. Voyons, au dessus du salon, il y avait à l’évidence la salle de bains, et plus particulièrement la baignoire.

 

De façon beaucoup moins rationnelle, je me dirigeai vers le mur situé face à moi. A hauteur de poitrine et jusqu’au sol, il était joliment orné de soieries rouge sombre en épais boutis cousu de fils d’or. Je grattai la surface froide juste au dessus de l’ongle jauni de mon pouce droit. Il s’effrita, humide sous mon doigt. Je plaquai mes mains sur le boutis et le pressai : il était gorgé d’eau, comme une éponge à vaisselle sortant de son bac par sa volonté propre.

 

Encore un dégât des eaux ! J’étais dépité, désolé autant que l’on pouvait l’être. Ce fut accablé que j’ouvris la large fenêtre grise et métallique du salon. Je m’assis sans but sur le rebord dénué de toute jardinière. Je m’apprêtais donc, tout naturellement, à y végéter, tout à mon dépit face aux contraintes contingentes du réel. Cela étant, mes jambes étaient indubitablement gênées par le garde-corps en fer forgé, même peu élevé. Je l’enjambai accroupi et précautionneusement je m’assis sur la margelle située au-delà de lui. Les jambes dans le vide se balançaient doucement au rythme du soleil renaissant et du vent doux. Très vite néanmoins, ma position se fit inconfortable. Je gigotai sur place en tentant d’améliorer la situation de mon postérieur osseux. En appui sur les bras, je soulevai mon corps puis inclinai mon buste vers l’avant pour soulager les lombaires et les fessiers. C’était tellement bon, cette sensation d’effort physique mêlée au confort de l’apesanteur.

 

J’accentuai l’inclinaison, à la limite du déséquilibre. Je contrôlais la situation, fort de la solidité de mes épaules et de mes mains agrippées au rebord de la margelle. Je croyais contrôler la situation… mais soudain, l’équilibre se rompit. Je tentai de me rejeter vers l’arrière d’une forte impulsion des bras. Peine perdue. Mes épaules devinrent douloureuses précisément au moment où je ne luttai plus, lâchai la prise et chutai vers le pavé.

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L'après-coup

Publié le 19 Septembre 2016 par Luc dans Ecrivain raté (du 4-1 au 27-8-13)

Mon squelette rapetissait. Il tirait si fort sur mes muscles et tendons et opprimait tous les organes internes. J’avais la nette sensation qu’il ne cesserait sa régression que lorsque je ne serais plus qu’un point de masse maximale qui finirait par imploser dans une bulle de latex bleu, un son ridicule de type « blop », avant que de disparaître en laissant échapper quelques microbulles transparentes à la teinte bleu-pâle.

 

Loin de la fin pourtant, je ne cessais d’endurer les périodes de panique qui succédaient nécessairement à celles, paisibles, de loisir et de cerveau vide. Je n’étais pas fait pour la douleur, je ne fus jamais conçu pour la douleur… ni pour le plaisir d’ailleurs. Je suis un interstice, un entre-deux hors du temps, qui vient bondir dans l’après-coup seulement, avec toute la difficulté de représentation que cela peut supposer.

 

Hier, j’ai appris que j’allais mourir… enfin… non que je n’étais pas au courant, ayant depuis longtemps abandonné le sophisme qu’était d’affirmer que tant que l’on ne m’avait pas prouvé que je pouvais mourir, je demeurais immortel, mais de manière plus benoîte, un bête rapport médical. Ce que je déteste le plus et ne fréquente pour ainsi dire jamais. Une découverte inopinée ou une dangereuse rencontre au sens de Jünger, quelle fatalité…

 

Mais alors d’où vient le fait qu’apprenant la proximité de ce que je redoutais le plus, à savoir la mort, la séparation d’avec mon épouse et mes enfants, l’angoisse semble-t-elle avoir disparu de mon corps et que dans l’effort mon squelette paraît retrouver sa place ?

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Le missile chinois

Publié le 16 Septembre 2016 par Luc dans Vertiges

Dans le village de Penero-Nevez à l’île d’Arz, les constructions sont baignées d’un soleil presque méridional, qui de leurs pierres sèches et claires diffusent une clarté presque trop forte. Avec quelques compagnons, nous déambulons en silence jusqu’à parvenir au détour d’une ruelle étroite et encaissée à une terrasse de bar composée de trois ou quatre tables ombrées. Nous nous faufilons par le peu d’espace libre pour enfin aboutir à la maison recherchée. Les hauts murs laissent donc la place à un vaste terrain herbu au fond duquel l’on aperçoit nettement une large véranda abritant des éventuelles intempéries une table dressée pour au moins trente convives.

Personne ne l’occupe cependant pour le moment, mais l’on devine des bruits de conversation émanant de la partie boisée du terrain, à gauche de la bâtisse. Je poursuis donc mon chemin tout droit, vers la cuisine pour saluer nos hôtes. Deux femmes que je ne connais pas vaquent à leurs occupations ménagères et culinaires. Devant le plan de travail, l’une d’elle termine à l’instant de rouler une pâte. Ses cheveux bruns sont longs et extrêmement denses, attestant de son origine méridionale, bulgare peut-être ? Du visage ovale et bistre aux joues pleines se dégagent deux yeux marron pas vraiment expressifs, à l’image du nez rond et de la bouche lippue d’où pend une cigarette filtre. Ouvrant sa blouse et dévoilant de ce fait une poitrine ample quoiqu’un peu tombante, aux corolles larges et claires, elle me signifie qu’elle « va s’occuper de moi ».

Elle me fait alors signe de retirer mon pull, d’un petit geste de deux doigts de la main gauche. Je m’y essaie sans succès car le tee-shirt est venu avec et que l’ensemble coince au niveau des dorsaux. Je replace ma mise et réussis enfin à ne retirer que ce fameux pull tandis que l’hôtesse, toujours le clope au bec, termine de faire la cuisine dans une franche absence de sensualité. Elle compte manifestement « s’occuper de moi » à même la table de cuisine qu’elle débarrasse promptement, alors même que le bar américain de la cuisine donne directement dans la grande salle à manger de la véranda, voire sur le coin ombré où au moins vingt personnes doivent discuter, au son de leur bourdonnement. D’un regard, je lui montre la direction des chambres. Elle insiste sur son plan d’origine et je m’approche d’elle pour lui faire comprendre que la situation pourrait fort bien devenir délicate, ou plutôt indélicate. Plus je me penche vers, plus la table pivote verticalement vers moi, qui suis bientôt allongé sur elle, m’y agrippant, la froide surface encore enfarinée m’empêchant désormais de voir le visage de la Méridionale.

Avant de pouvoir constater sa réaction, j’entends une rumeur inquiète se propager. Je tombe de ma table qui pivote en sens inverse pour se remettre en place, et me précipite vers la fenêtre de l’arrière-cuisine donnant sur l’extérieur et non sur la grande terrasse et le village. De derrière une colline moussue surgit de son sillage de fumées noires de charbon une fusée trapue, un cylindre à la gueule noire comme celles des bouches à feu médiévales. Elle décrit une ellipse dans le ciel immaculé et je ne doute pas un instant que sa cible soit la maison où doit se tenir la sauterie. Avec les deux cuisinières accortes, nous quittons la demeure en toute hâte, courant à travers le terrain en contrebas menant vers le parking du village.

Nous montons dans ma voiture et prenons la corniche en roulant à vive allure. En me tordant le cou j’essaie de voir où en est le missile. Grâce à la fumée noire qui marque après coup sa trajectoire, je constate que celle-ci s’est nettement infléchie et a finalement évité la maison en proie probable à la panique.

Le missile ne fait rien d’autre que nous suivre, c’est désormais évident. Il vole maintenant en rase-mottes sur la chaussée inférieure, son corps noir en épais cylindre acéphale mais doté d’une grande queue saurienne rouge surmontée de crêtes osseuses. Sur ce frétillant appendice caudal sont inscrits des caractères indubitablement chinois. Serait-ce le début de l’invasion ? Le péril jaune ? Ce missile enragé se tortille quelques centimètres au-dessus du goudron, nerveusement, chercheur sans tête persuadé d’avoir atteint son but en données GPS alors que nous roulons à la même allure que lui, mais trois mètres au-dessus, sur l’autopont de dérivation.

La fusée se rendra-t-elle compte de quoi que ce soit ? Reprendra-t-elle son vol jusqu’à notre éradication ? A la maison commune de Penero-Nevez ? Rien ne le dit, peut-être explosera-t-elle, dépitée et frustrée jusqu’au suicide mécanique ou cybernétique ? Mais pour le moment, nous roulons effrayés en rond autour de l’île d’Arz.

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Le tsunami de la Baie des Anges

Publié le 15 Septembre 2016 par Luc dans Gisant

Nous étions dans une salle de réunion, au sixième étage d’un hôtel dominant la Promenade des Anglais avec vue plongeante sur la baie des Anges. Nous devions être en avance avec Audrey J. puisque nous n’étions que deux dans cette pièce moquettée et meublée de fauteuils en cuir italien et tables de bois clair. Les murs gris pâle étaient nus, ainsi qu’il est de coutume dans ce genre d’endroit où l’absence de personnalisation fait figure de must absolu.

 

Sans un mot, nous nous dirigeâmes vers la baie vitrée dont seules les larges fenêtres coulissantes étaient ouvertes, un pan transparent à hauteur de poitrine empêchant l’accès au vaste balcon blanc. Nous voyions les nuages obscurcir progressivement le ciel, passant du blanc au gris perlé moutonné de noir. Nous ne sentions aucun souffle d’air, simplement une chaleur moite invitant à l’inertie en ce début d’après-midi.

 

Le ciel se faisait cependant plus menaçant à mesure que n’arrivaient toujours pas les autres participants à la réunion. Nous vîmes au loin la mer commencer de bouillonner, l’écume blanche tartinant la grise étendue de traits irréguliers. L’onde se gonflait et s’affaissait de plus en plus rapidement. Le premier vent s’engouffra alors par les fenêtres, secouant nos chevelures d’une chaude caresse, et par réflexe nous nous frottâmes les épaules.

 

J’observai ensuite ce que je ne pourrais qualifier que de haut-le-cœur de l’onde indigeste, là-bas, loin dans la Baie, précisément devant la ligne où ciel et mer se rejoignaient, elle-même beaucoup plus près qu’un horizon désormais théorique. Mes yeux se livrèrent à un preste va-et-vient entre les courtes lames qui s’écrasaient blanchement sur la plage et l’indisposition de la mer qui paraissait s’aggraver à quelques encablures de la côte.

 

Puis l’étendue émit un nouveau hoquet, un rot peut-être, et se résolut à vomir enfin, pour se débarrasser de la pression digestive qui s’était emparée d’elle. Dans un spasme, son corps se raidit puis enfla démesurément en se roulant sur lui-même. « Ouh ! Celle-là elle va être belle ! », m’entendis-je poser en observant la naissance de la vague joignant géométriquement la pointe Malalongue et l’aéroport. Je m’attendais à assister au spectacle d’une belle déferlante sur la plage.

 

Je dus vite me détromper : plutôt que de se précipiter sur le sable gris clair, la vague ralentit sa course pour se régénérer de son propre roulis, pour atteindre une taille prodigieuse, un mur d’eau grise au sommet duquel d’impressionnants barbelés d’écume dansaient épileptiquement, une façade plus haute que notre hôtel. La première, Audrey recula de quelques pas sans un mot, couvrant ses épaules de ses bras, tandis que je demeurais bouchée bée à un mètre des fenêtres ouvertes.

 

Un tsunami ? A Nice ? L’hésitation ne paraissait guère de mise. C’en était un. Et nous allions le prendre en pleine poire avec nos larges fenêtres coulissantes ouvertes, offertes aux incoercibles assauts de l’élément liquide en furie. La vague nous boucha bientôt le ciel, dévoilant l’affreuse dentition grisâtre de sa gueule qui salivait abondamment, les babines retroussées d’un Moloch mal dressé, le corps trop musclé, une erreur génétique.

 

Parvenu à distance de notre précaire refuge de bois et de verre, le monstre cessa sa course, dressé comme une infranchissable palissade sertie de miradors agressifs conférant la certitude la puissance à ses occupants. Il se préparait au dernier assaut destructeur, nul doute sur ce point. Il allait nous broyer comme du petit bois, du granulat, nous noyer comme des enfants non désirés, nous laisser pour ma part à mon hébétude, pour celle d’Audrey à son désespoir de plus en plus marqué.

 

Mais alors qu’elle chancelait en notre direction pitoyable, la vague s’écroula sur elle-même à la verticale, dans un effet de World Trade Center aquatique. Pas une goutte ne mouilla mes cheveux épars, mon costume, la moquette, Audrey toujours recroquevillée debout et la tête baissée, toute d’humilité résipiscente. Cela étant, voyant l’onde noire à nouveau bouillonner au fond de la baie, prenant Audrey par le bras en reculant très lentement, je me fendis d’un « Bon, on va peut-être y aller là ».

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