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Hontes

Souffrances, amour, désespoir, moquerie, musique et philosophie... La vie, quoi !

2009

Publié le 31 Décembre 2008 par Luc dans Nécromancie (du 11-8-08 au 12-2-09)

Tant de rêves se sont évanouis au petit matin trop vif, dont le rythme pressant nouait le cou gracile des images de la nuit, des mains fortes et fermes d’un réel roué. Il est donc temps de ne plus écrire du tout, ou au contraire de se lamenter encore sur l’idée sans feuillet, une levée d’écrou qui ferait renaître la poussière du corps.

 

L’inspiration profonde, la bouffée décisive, de celles qui viendraient à faire resurgir d’absurdes évasions de la nuit incisive, prenons-les, en ayant soin de nous assagir. Le temps donné ne fait que s’imposer à nous, mais le temps que nous saisissons de mains avides s’emplit de matière et d’esprit, larde de coups la mollesse, le confort stérile, boute le vide.

 

Avec le temps dont nous nous sommes emparés, nous resterons immobiles, prêts à recevoir le souffle brûlant ou bien glacé de l’idée issue de nuit en laquelle nul ne peut croire. Nous la coucherons sur un drap de papier blanc, dans la forme qu’elle aura choisie de tout temps ; alors, en oubliant le néant accablant, nous la contemplerons dans l’ivresse du temps.

 

Bonne année à toutes et tous.

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Le 47ème congrès de la C.G.T. : un réformisme en douceur

Publié le 30 Décembre 2008 par Luc dans L'amour de l'erreur (du 14-5 au 30-7-03)

Tenez, en cette période de fêtes, on ressort souvent des vieux trucs comiques pour faire des "meilleurs de...", et bien en voilà un pas piqué des hannetons !

Du 24 au 28 mars 2003 s’est déroulé à Montpellier le 47ème Congrès national de la C.G.T. Tous les commentateurs avisés ont souligné que malgré quelques contestations internes pas si anodines que cela, la ligne Thibault, consistant dans un syndicalisme de proposition a été confortée.

 

De manière liminaire, nous nous arrêterons un instant sur la confirmation de l’éloignement C.G.T. / Politburo (pardon, Conseil national) du P.C.F. [1], et surtout sur la transparence très inhabituelle des débats, un éclairage ayant volontairement été donné par la direction du syndicat sur les dissensions internes. Aux plébiscites soviétiques dignes de républiques bananières des congrès précédents, la motion en place n’a cette fois été approuvée qu’à 74,65 % des suffrages, le dernier quarteron de fidèles à la ligne Marchais (ou disons plutôt Krasucki ou Viannet pour demeurer politiquement corrects) venant principalement du secteur public.

 

En tout état de cause, nous ne devons plus l’ignorer, la nouvelle attitude de la C.G.T., même si elle ne relève pas encore de la plus haute évidence sur le plan local, doit nous inviter à réviser nos schémas préétablis en matière de relations sociales.

 

Naguère, les revendications et les négociations subséquentes, lorsqu’elles impliquaient la C.G.T., s’avéraient au fond assez simples à analyser : les demandes étaient aberrantes (par exemple, augmentation générale de 10 %, le SMIC à 9.000 FF…) et la certitude d’une non-signature de ce syndicat fondée. Si la ligne Thibault s’implante solidement au niveau de l’entreprise, l’approche de la C.G.T. devra probablement plus ressembler à celle que nous avons avec la C.F.D.T. (ces deux syndicats se retrouvant par ailleurs et désormais au sein de la Confédération Européenne des Syndicats), c’est à dire une négociation d’arrache-pied, plus délicate en ce sens que la volonté de négociation induit aussi la nécessité de compétences supplémentaires pour faire face aux propositions alternatives de la direction (ce qui n’est pas le cas lorsqu’en tout état de cause l’on reste arc-bouté sur ses positions et que l’on a aucune intention de signer quoique ce soit de « raisonnable »).

 

En outre, il sera certainement plus compliqué de jouer sur les traditionnelles alliances liées aux affinités plus ou moins opportunistes des syndicats en présence. Enfin, les projets de François Fillon prévoient notamment la systématisation des accords majoritaires, d’ailleurs réclamée à corps et à cri par la C.G.T., situation délicate dans les magasins où ce syndicat est bien installé grâce à sa capacité incomparable de propagande et d’encartage massif.

 

Relativisons tout de même nos inquiétudes : malgré ses nouveaux principes, soutenus à bout de bras et à titre personnel par Bernard Thibault, la C.G.T., gros tanker à simple coque de l’histoire syndicale n’en demeure pas moins difficilement manœuvrable : elle n’a signé aucun accord interprofessionnel ces dernières années, la filière textile représentée par Christian Larose (signataire de l’accord 35 heures dans ce secteur sinistré) restant relativement isolée par rapport aux apparatchiks du secteur public.

 

 Au-delà de ces considérations, le 47ème Congrès a abouti à quatre résolutions dont les trois premières contiennent en germe des orientations générales susceptibles d’avoir des conséquences à plus ou moins brève échéance [2].

 

1. La résolution n° 1 : « Solidaires pour de nouvelles conquêtes sociales »

 

Le bureau confédéral, dans la rédaction finalisée et approuvée de cette résolution, procède du postulat de l’aggravation des inégalités et des discriminations (syndicales ou non, immigration, homophobie…), le surf sur la tendance ne s’arrêtant pas ici, puisque suivent des déclarations sur la précarité (lutte traditionnelle contre le CDD) et la notion même de travail. Celui-ci « tel qu’il est organisé, produit une grande souffrance (stress, angoisse, fatigue) ».

 

[Ndla : au-delà du fameux principe socialiste… réformiste « Le travail avilit l’homme » [3] ou « Le droit à la paresse » [4] dont on ne peut que sourire de l’évocation par l’ancienne courroie de transmission du P.C.F., la référence au harcèlement moral est ici explicite].

 

Quant à la précarité de l’emploi, en soulignant qu’en tant que grosse consommatrice friande de cette marchandise, la grande distribution est indéniablement visée, la C.G.T. la considère comme « érigée en système au nom de la mise en concurrence des salariés », puisque « le capital, (…) au-delà des formes récurrentes de l’exploitation (pression sur le coût du travail…) (…) veut généraliser le contrat à durée limitée ». On peut ici observer que si sur la forme, la renonciation au langage crypto-communiste est somme toute assez modérée, sur le fond, la plus grande rigueur devra persister en matière de recours et de rédaction de vos contrats à durée déterminée, une recrudescence de demandes de requalification en CDI inspirées par les syndicats étant actuellement constatée.

 

De la même manière et sans surprise, cette résolution 1 met à mal le recours au temps partiel, que le MEDEF tenterait d’étendre, sous couvert de « la libération des capacités individuelles », « du libre choix », des « horaires choisis ». L’hostilité de la C.G.T. au temps partiel « imposé » persiste donc. Ici encore, la plus grande attention sera portée à la rédaction et la gestion (modifications d’horaires notamment) de vos contrats à temps partiel.

 

Enfin, la résolution n° 1 s’achève sur les points plus courants de revendication de la C.G.T., à savoir la prévention des accidents du travail (attention à l’élaboration de votre document unique d’évaluation professionnelle), les salaires, la durée du travail, la formation professionnelle et les grilles de classification, ces points n’appelant pas de commentaires particuliers en matière d’impacts immédiats au niveau de vos entreprises individuelles.

 

 

2. La résolution n° 2 : « Renouveau du syndicalisme : franchir des seuils »

 

C’est probablement du fait de cette résolution que notre stratégie traditionnelle d’alliances ou de divisions provoquées devra être complétée. De manière expresse, « la C.G.T. décide de rechercher avec les autres organisations syndicales des propositions communes ou convergentes », ainsi que des « initiatives et actions » à mener ensemble.

 
La tactique du cavalier seul semble donc abandonnée par la C.G.T., dont le but reste tout de même très officiellement de « combattre la logique même du capitalisme » : à notre sens, cette rédaction est une concession accordée à la vieille garde, l’important demeurant bien cette optique de collaboration avec les autres syndicats représentatifs sur le plan national.

 

En outre, c’est dans cette résolution que la C.G.T. vient apporter un soutien paradoxal aux propositions de réformes de François Fillon, en exigeant au titre de « la démocratie sociale », « l’instauration du principe majoritaire pour la validation à chaque niveau des accords négociés ».

 

L’analyse sociologique de l’implantation de la CGT justifie en opportunité cette position : tout comme son ancien staretz, le P.C.F., la C.G.T. fonctionne par fiefs et dans ces derniers, aucun accord majoritaire ne pourrait par conséquent être signé sans son assentiment, le caractère nécessairement majoritaire des accords empêchant désormais les tactiques bien connues des DRH, consistant dans les désignations spontanées de « délégués syndicaux » relevant de centrales moins « vindicatives », tous prêts à signer le projet de la direction.

 

Au quotidien cette fois, confortée par ses résultats aux élections prud’homales (voir notre précédent numéro), la C.G.T. souhaite « systématiser la démarche de consultation de tous les salariés sur chaque lieu de travail » : on peut donc sans supputer l’irréaliste prévoir une action accrue des unions locales ou départementales dans la prise de contact avec les salariés des magasins.

 

 

3. La résolution n° 3 : « Adopter une charte de la vie syndicale et poursuivre les réflexions sur les transformations de la C.G.T. »

 

Ce qui ressemblerait fort à une définition du fonctionnement interne du syndicat comporte néanmoins quelques points comptant une incidence possible dans votre fonctionnement opérationnel.

 

A la quatrième page de cette résolution, le 47ème Congrès retient comme actions prioritaires le fait « d’assurer à chaque adhérent, tout au long de sa vie syndicale, l’accès à une formation permanente », « toute prise de responsabilités [étant] accompagnée d’une formation correspondante ».

 

La signification de cet effort particulier porté à la formation des délégués syndicaux certes, mais également de tous les membres de sections syndicales, même non investis de mandats représentatifs ou désignatifs, peut se résumer en deux points principaux :

 

-          sur le fond, on peut craindre l’acquisition de compétences supplémentaires de la part de syndicalistes « de base » aujourd’hui peu au fait du droit du travail et peu rompus à la négociation collective,

 

-          plus pragmatiquement, la première conséquence devrait consister dans un accroissement des demandes de congés de formation économique, sociale et syndicale (art. L 451-1 à L 451-5 du Code du travail), dont nous ne pouvons que vous inviter fortement à nous les transmettre dès réception, le formalisme légal exigé pour ces formations étant parfois très sommairement respecté par les Unions départementales.



[1] B. Thibault a démissionné du Conseil national du P.C.F. à l’automne 2001. Cela dit, dans une période plus récente, Christine Puthod et Jacqueline Lazarre, membres du bureau confédéral, ont été désignées dans ce même organe directeur, ce qui souligne bien les tensions pouvant exister au cœur même de ce syndicat.

[2] La résolution n° 4 « Construire ensemble le nouveau système de répartition des cotisations », nonobstant son importance dans le domaine de la protection sociale, n’a pas à proprement parler d’impact sur le droit du travail, et ne sera donc pas traitée ici de ce fait.

[3] Paul Lafargue, 1880, mais également Platon dans « La République », Livre V et « Les lois », III, ou Xénophon dans son « Economique », IV et VI. En dernier lieu, citons Christian Luckner dans "Rouge" du 18/12/2008 !

[4] Paul Lafargue, op. cit.

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Rêve 14 Emilie H.

Publié le 29 Décembre 2008 par Luc dans Viens (du 4-2 au 10-5-03)

Tu es là, vêtue on ne peut plus étrangement s’agissant de tes goûts habituels, d’une robe désuète, noire et frappée de gros pois blancs. Tu es debout en face d’un moi invisible et assis derrière une petite table carrée de bar. Je dois être affalé puisque je ne remarque que maintenant, à travers la carafe d’eau posée sur cette table, un léger embonpoint au niveau de ta ceinture, qui me paraît parfaitement incongru quant à ton être gracile et juvénile.

 

Tu bouges et je tremble sur ma banquette. Je te vois oblique quand tu me parles du fait que nul n’a jamais été capable de te faire l’amour correctement, d’entendre tes désirs.

 

Ta voix blonde se perd dans tes cheveux qui feulent. De loin, je m’écoute te répondre que nous ne sommes pas tous identiques, que le partage m’est indispensable, parfois jusqu’au sacrifice, alors que transperçant la carafe, je pose doucement ma main sur la tienne. D’un geste amical, je la porte à mes lèvres, n’osant l’embrasser par crainte d’excéder le simple témoignage d’affection.

 

Tu parais pourtant ressentir sur tes doigts moites mon souffle chaud, et tourne autour de la table pour monter sur la banquette, à mon côté droit. Du coin de l’œil, je regarde le tien briller plus vivement tandis que ta main me brûle maintenant.

 

Tu hisses une jambe sur le dossier de la banquette, découvrant l’intérieur de tes cuisses magnifiques et une incongrue tant que large culotte blanche à pois rouges. Tu jettes ta tête en arrière et clos tes paupières. Considérant ta position ambiguë, je doute encore.

 

A qui offres-tu cette fièvre ? Malgré le désir que je ressens, qui commence de se crisper en moi, je crains de ne pouvoir répondre au tien. Je reste donc là, inaccompli et hésitant, tandis que ton jeune visage se fond avec les miroirs et le mur jauni du café.

 

Plus rien n’existe hors ta main et les larmes de mon doute.

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Consentante

Publié le 17 Décembre 2008 par Luc dans A la recherche de L (du 6-11-02 au 30-1-03)

Les rideaux lourds de la pluie me confiaient à l’obscurcissement et perdu de la vue, je ne pouvais qu’avoir peur. Les dents serrées, pâle et tourmenté, je ralentissais encore ma course jusqu’à l’arrêter, le cœur battant à tout rompre.

 

La tragédie se jouait devant et de mes yeux quand rien ne me rappela à la vie. Immobile, paralysé plutôt, je couchai avec ma cigarette et touchai le vermeil. La lueur d’un câble m’appela pourtant vers le retour.

 

Ainsi fait… Mensonges et grossissement d’une vérité bouffie. Toujours pâle et adipeux, je suis retourné vaquer à mes occupations habituelles, me répandant en conjectures explicatives et sans autre intérêt que la passion feinte que j’y mettais. J’ai encore eu envie de mourir dans la satisfaction du parfait effet de ma duperie.

 

Mais nous en sommes le lendemain. D’autres idées m’ont transpercé quand sous la douleur de l’impossibilité, je riais aux plaisanteries nous prévoyant un avenir commun. J’ignore pourquoi j’ai eu envie de te prendre la main, de te taire, de t’embrasser, de me convaincre du mal-fondé de cette option.

 

Tu parus presque consentante, mais j’ai ricané derechef, par peur. Rien ne change. Cette damnée condamnation à l’erreur de la faiblesse et de l’infime, à la certitude de la fin avant même les prémices du commencement, se rappelle à moi, haute et claire, sans traîtrise… Tu es ma condamnation. Ressens-tu le plaisir dans notre douleur ?

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La dernière fête (7.2)

Publié le 11 Décembre 2008 par Luc dans Ar gouel diwezhañ (La dernière fête)

 

-          Tu sais, ma sœur s’emporte facilement… Elle se croit persuadée, dès le début d’une aventure, d’avoir rencontré l’amour final.

 

-          Soit, je peux l’entendre… - répondit Loeiz - Mais quel besoin avait-elle de lancer des déclarations enflammées avant d’être sûre de son fait ?!

 

-          Elle est comme ça ! En ce qui me concerne, je ne prononce ce genre de paroles que tardivement…

 

-          Comme toi ! Et même parfois trop tard… - grinça-t-il, en expérience de cause.

-          Toujours est-il que Mari, complètement schizophrène affectivement, croit dur comme fer avoir tout trouvé dès le premier instant, et évidemment, non seulement elle se lasse très vite lorsque la réalité vient démonter son ambivalence de pensées, mais aussi, et surtout elle peut retomber dans les mêmes erreurs avec n’importe quel type, à tout moment ! Vulgairement, c’est un cœur d’artichaut !

 

-          Hem ! Pas très gentil pour moi ! Mais enfin, je suis prêt à l’accepter… Du moins qu’elle me le dise clairement ! Qu’elle facilite mon deuil ! Mon orgueil n’est pas assez imbécile pour me faire croire à l’infaillibilité, à l’omnipotence… Entre Dieu et l’homme, il n’y a que l’orgueil ! [1] Ce maigre orgueil, plus fumée que feu [2]

 

-          Tu me parais bien triste, Loeiz… A ce compte là, je vais voir ce que je peux faire pour toi… enfin… pour vous… Viens donc demain chez Mari, j’y serai en fin d’après-midi.

 

  Loeiz avait souvent méprisé Gwen en raison de ses honteuses tentatives de le débaucher, l’été dernier notamment, quand elle savait pertinemment l’état de sa relation avec Marivonig, sa propre sœur. Il ressentit néanmoins une profonde sympathie, une réelle affection pour Gwen. La proximité kinesthésique de leur dialogue aurait-elle pu faire tourner cette sensation en un sentiment plus fort ? Loeiz résolvait le problème comme à l’accoutumée, en pirouette.

 

- A chaque heure ses soucis ! -

 

- se convainquait-il. Quoiqu’il advînt, il fallait que l’explication eût lieu, mais ce ne serait pas cette nouvelle soirée d’ivresse qui y changerait quoi que ce fût, en l’absence de Mari, qui, victime d’une dispute aussi violente qu’habituelle avec son père Ilan, s’était vue ostracisée sur le continent.

  Loeiz n’ignorait pas la violence d’Ilan et le feu insatiable qui couvait toujours en lui, jusqu’à la perte de conscience, à lancer des couteaux en direction des membres de sa famille, les yeux noirs enflammés, ses cheveux longs et filasses en bataille, sa moustache frémissant de haine au-dessus de sa bouche tremblante. Il s’en désolait sincèrement sitôt la crise de fureur passée, mais la peur, telle un poison, était instillée dans les esprits des objets de sa violence.

  Loeiz éprouvait les pires difficultés à reprocher à Ilan ses accès de folie, puisqu’il se savait lui-même, malgré l’impassibilité qui le caractérisait habituellement, soumis à la perte absolue de contrôle.

  On lui avait raconté que dans ces rares folies, il devenait livide, ses joues se creusaient et ses yeux bleus s’enfonçaient dans les orbites jusqu’à devenir noir d’acier. Il serrait les mâchoires jusqu’à lui donner des courbatures aux muscles masticateurs le lendemain, et alors le danger s’avérait bien présent pour celui ou celle qui lui faisait face.

  Une première fois, sa propre mère avait été projetée sur le mur du bout d’un couloir sans toucher le sol suite à une bourrade incontrôlée de Loeiz, pour avoir trop parlé, trop répété en boucle énervée les mêmes mots, les mêmes reproches. Pebrenn, pebrennig lemm he beg evel spilhennig [3]

  Une autre fois, ce fut un homme qui s’effondra assommé, foudroyé par un coup de poing en pleine face pour avoir maintenu sa position envers et contre tout, en s’obstinant et réitérant sans cesse les mêmes paroles sans un instant d’écoute.

  Une troisième fois, ce fut la massive porte de chêne de la demeure familiale que le bras entier de Loeiz traversa pour mettre fin à la grêle de griefs toujours identiques que faisait pleuvoir sur lui sa sœur.

  Une quatrième fois, le coup de poing qui était destiné à la cuisse de son amie du moment fut détourné par l’accoudoir du fauteuil passager de l’auto où ils se trouvaient, après qu’elle aussi n’eut cessé de lui réitérer dans les mêmes termes qu’il conduisait trop vite ; les yeux pâles de terreur et d’incompréhension devant la violence brute.

  Quatre fois en douze ans la folie l’avait saisi. Tous les trois ans la folie le saisit.

 

- Ur c'hae-spern a ya da dri bloaz,

Tri oad-kae, oad ki,

Tri oad ki, oad marc'h,

Tri oad marc'h, oad den,

Tri oad den, oad moualc'h beg melen,

Tri oad an den e chom ar voualc'h er c'hoad,

Nemet er goañv e ve re yen. [4] -



[1] Joseph de Maistre.

[2] Proverbe breton : « Lorc'hig moan, muioc'h a voged eget a dan. »

[3] Pimbêche, bouche affûtée comme une aiguille.

[4] Une haie d'épines fait trois ans, trois âges de haie, un âge de chien, trois âges de chien, un âge de cheval, trois âges de cheval, un âge d'homme, trois âges d'hommes, un âge de merle au bec jaune trois âges d'hommes, le merle reste au bois, à moins qu'en hiver il ne fasse trop froid.

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Lourd liquide

Publié le 10 Décembre 2008 par Luc dans Frais et dispos (du 5-7 au 28-10-02)

J’ai entendu tes larmes tomber et rebondir sur le sol vitrifié,

Lorsque tu m’annonçais la misère venante pour des siècles.

J’ai tremblé à tes sanglots espérants, quand tu me faisais part

Des ravages causés par l’oubli artificiel d’un fond de verre.

J’ai saigné tes mots lorsque tu m’as parlé de la fuite vers un monde

Sans sensualité, dans lequel le besoin de celle-ci serait inconnu.

 

Tu me parlais d’un autre et j’ai tout pris, en buvant un verre

Pour trouver mes idées et bâcler un conseil avisé.

Mais la nuit m’avait déjà enferré, plongé sa pointe rouillée dans le dos.

Je ne peux plus bouger, ivre d’impuissance, cloué à mon fauteuil

Par une vieille lame piquée, je suis mort sûrement.

 

J’ai même tenté de me représenter la scène de ta commission vénale

Avec autrui, mais aucune larme n’a coulé, pour la première fois.

Aucune goutte de liquide, quelle que soit sa forme, ne sort plus de moi,

Et j’en ingère toujours plus lourdement… Où cela terminera-t-il ?
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Bonne condition

Publié le 9 Décembre 2008 par Luc dans Autopsie du désir en fuite (1-1 au 29-6-02)

Je t’aime. Plonge ton couteau en moi. Je t’aime. Plonge ton couteau en moi. Je suis lâche. Plonge ton couteau en moi. Je ne suis rien. Plonge ton couteau en moi.

 

J’ai pu te reprocher une « sècheresse de cœur », pour être victime peu de temps après d’une « mollesse de cœur ». Comment expliquer l’inconcevable ? Peut-être parce que je suis déjà mort, me croyant vivant du fait de mes rires, désirs… J’ai senti des rêves parcourir mon état de semi-éveil, cet homme glorifié devant les projecteurs d’une lumière agressive, sec et bronzé, sans sexe, au-dessus de la place théorique duquel se marquait un pompon taillé très court, blond et décoloré, et en dessous des testicules glabres. Il avait la mine d’un gagnant de concours mais n’avait pas de sexe visible. Et cet autre, peint de toutes couleurs fauves, sans que je puisse déceler si son visage était dur ou non. Tous ces hommes balayent mon esprit faible qui se caresse en pensant à toi. Meurs-je en sentant vaciller l’excitation ?

 

Je t’aime. Occupe-toi de moi. Je t’aime. Donne-moi la gloire. Je suis lâche. Rapproche-toi de moi. Je ne suis rien. Je t’aime.

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La dernière fête (7.1)

Publié le 5 Décembre 2008 par Luc dans Ar gouel diwezhañ (La dernière fête)

VII

 

ABSENCE

 

L’univers ne ressemble à rien et n’est qu’informe (…)

c’est quelque chose comme une araignée ou un crachat…

Georges Bataille

 

 

  Quelques passagers descendirent avec Loeiz du Yann, se frayant un chemin à travers les sacs, valises, malles et êtres vaguement humains entassés pêle-mêle sur la cale. Mais un visage se dégagea de la cohue, celui de Gwen.

  Gwen était la sœur de Marivonig. Cette dernière, belle comme le jour, avait un visage ovale qui entourait de magnifiques yeux dont les couleurs oscillaient entre le vert, le gris et le bleu, avec de fins liserés jaunes partant de la pupille pour graver une étoile dans l’iris. Ses cheveux mi-longs étaient d’un châtain indéfinissable de sel et de mer, et tombaient gracieusement sur une nuque solide. Elle était l’harmonie dans ses formes, ses courbures qui ornaient un corps tendu et plein de force.

  Gwen constituait l’opposé de sa sœur. Elle était belle aussi, mais comme la nuit. Son visage d’albâtre lumineux perdu dans une longue chevelure jais était taillé à la serpe, reflétait une maigreur inquiétante. Enchâssés dans les orbites, deux yeux virant du vert-de-gris, au marron très clair jusqu’au noir le plus affolant, brillaient de mille feux. De tout ce corps anxieux, recouvert d’une peau si pâle, se dégageait la passion, de vivre et de mourir.

 

  Ils se donnèrent les quatre bises du bonjour et s’adressèrent quelques mots gentils, mais comme une lumière forte projetée dans un diaphragme photochromique, les yeux de Gwen restèrent, ce jour-là plus que tout autre, scarifiés dans ceux de Loeiz.

  Il aida Gwen à grimper à bord, et, cramponné au bastingage, il savait que l’ennui serait son seul compagnon du jour. Son acception s’en était cependant modifiée : il était prêt désormais car il avait un but : l’explication finale, qu’il requerrait le soir même.

 

  Il pouvait la préparer, prévoir les objections ou tentatives d’évitement de Marivonig, sa seule crainte étant d’assister de la part de cette dernière à un renchérissement sans mesure sur les imbécillités qui avaient meublé leurs conversations depuis son retour.

  Ce fut un dur travail auquel se livra Loeiz de la fin de matinée au début d’après-midi, parce qu’il devait frapper l’ennui et la nervosité à la tête, avant qu’ils l’assommassent. Il fuma et but donc, en compagnie de Per, arrivé sur ces entrefaites et toujours présent pour approuver Loeiz lorsqu’il affirmait que nemet a dud a lazh ar gwin eget ar vezeged ! [1]

  Ils passèrent la fin de l’après-midi au bar, plongeant dans les merveilleux abîmes de l’oubli. A la recherche de la fraternité lorsqu’il était su de tout temps que an toskañ kar en deus mab den eo an estren yen [2], ils dépensèrent beaucoup, payant des verres à qui mieux-mieux autour d’eux, notamment à ce vieux marin ivrogne de l’île aux capitaines, qui avait le sang Pilsen noir et encore brûlé [3], et qui ne cessait de les traiter de crabes de cocotier lorsque la conversation lui devenait inintelligible. Il gueulait alors à la cantonade « Pep hini a zougo e gig ! » [4], et tout le bar éclatait de rire. Le capitaine grognait alors : « C’hoarzit holl, met gwelloc'h bezañ mezv eget bezañ sot : an hini mezv a zivezvo, an hini sot ne zisodo ket ! » [5]. Et les rires reprenaient… Même une fois Ber parti, Loeiz se réjouit d’apprécier enfin les gens autour de lui, de pouvoir parler librement, de fumer et de boire sans retenue ni vert reproche.

  Quelque peu vaseux, il s’en alla à son tour sur le coup des six heures, et se jeta sous une douche qui dissipa les effluves sudatoires et éthyliques accumulés tout au long de cette journée. Même après ce coup de fouet revigorant, le roulis recommença et il s’affala sur le lit. Il demeurait incapable de bouger, tant par l’ivresse renaissante du fait d’un apéritif repris trop tôt, que par l’hébétude qui s’était emparée de lui dès le matin.

  Il entendit brusquement un bruit au dehors. Un vélo, sans aucun doute, le son reconnaissable d’une dynamo frottant sur un pneu ayant percé les lourdes voiles de son navire soumis à une douce houle. Il s’extirpa de sa torpeur et d’une voix pâteuse s’exclama :

 

- Serait-ce Mari ? Déjà ? -

 

  C’est la main tremblante, pour diverses raisons physiques et intellectuelles, et le cœur battant la chamade, qu’il ouvrit la porte.

  Il s’agissait en fait de Gwen, cette grande fille brune aux yeux furieux. Loeiz fut heureux de cette nouvelle présence, qui le distrayait agréablement de l’épreuve difficile à venir. Son plaisir résidait essentiellement dans le fait que Gwen, il le savait depuis un certain temps, en pinçait pour lui. La question d’une rivalité sororale dont il eût pu être l’objet ne l’avait pas effleuré, et sa réaction de hogig yaouank [6] s’expliquait assez facilement, pour lui, par l’état d’abandon dans lequel l’avait laissé Mari.

  La discussion lui fut instructive. Les banalités d’usage expédiées, Loeiz dirigea le dialogue sur Marivonig, mais Gwen manifesta de quelques réticences à aborder le sujet, prétextant que cela n’était en rien son affaire, tout en se renfrognant. Devant l’insistance du premier, elle céda et confia, l’œil brillant de quelque chose que Loeiz ne pouvait définir précisément, entre malice et feu :



[1] Le vin tue moins de gens que les médecins !

[2] Le plus proche parent qu’ait l’homme est le froid étranger.

[3] Christian Olivier in Emily, dans Les Oiseaux, c/o Tôt ou Tard, 1/1992.

[4] Chacun portera sa viande (dicton d’ivrogne).

[5] Marrez-vous donc, mais mieux vaut être saoul que fou : le saoul dessaoulera, le fou ne défollera pas !

[6] Jeune coq.

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Relation (de cause à effet)

Publié le 4 Décembre 2008 par Luc dans Chair (du 15-10 au 31-12-01)

J’ai trop parlé aujourd’hui, dans une volonté de contact humain, puis de rendre la faiblesse que l’on avait pu me confier auparavant. Il n’existe rien de plus beau pour un(e) faible que de constater que l’autre, en face, celui qu’on admirait, méprisait, aimait, honnissait, n’est ni plus ni moins que son égal. Donc j’ai fait plaisir... Mais personne n’a entendu ma douleur, trop sourde, effacée, raisonnée pour attaquer les sens.

 

Qu’as-tu fait de moi ?

 

J’ai entendu des paroles difficiles, la marque ostensible de ton détachement de moi avant que j’en prenne connaissance. Je vogue sans transition et dans le désordre entre la colère, l’anxiété, le marchandage, le désespoir, la résignation, la nostalgie. Je ralentis volontairement le rythme de mon écriture, quitte à l’en rendre imbuvable, de façon à réfléchir aux mots posés, à ne pas commettre l’erreur de ce soir, celle de t’appeler, de constater l’inanité de ta relation stupide avec la peur, dont ton absence à l’autre bout de la ligne m’a heureusement absous.

 

Je te reverrai, peut-être, bientôt, et je ne sais ce qu’il adviendra. Si tu m’as aimé un jour, comment pouvais-tu fuir ?

 

J’ai vu cette scène dans laquelle tu venais accompagnée de cet homme. Je lui ai cassé la tête après l’avoir souffleté. Je l’ai lardé de coups de pied. Il ne ressemble plus à rien. Tu tentes de t’interposer. Rien n’y fait. Il part piteusement et courbé et boitant, me traitant de fou, te traitant de folle et t’enjoignant de te rapprocher de moi, de rester avec moi.

 

Son sang m’abomine. J’ai été violent, irréfléchi et puéril, mais je l’ai rayé de la surface de la terre. Maintenant, nous pouvons être sincères, vrais et beaux.

 

Alors tue-moi.

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Nichts neues

Publié le 3 Décembre 2008 par Luc dans Corps rompu (du 8-8 au 13-10-01)

Confronté à l’image du désir, je l’ai longuement senti monter en moi, mais il n’était qu’une vaguelette à mes yeux quand mon esprit frôlait l’ataraxie. Le mur qui aurait dû se lever ne fut qu’un parpaing abandonné sur un terrain vague et aride à l’herbe rase. La colonne qui devait s’élever est restée à même le sol sur un gazon court et jauni...

 

Rien n’a touché le ciel décollant de la peau nue, et pourtant l’envie étranglait la raison. La succession de jardins si bien taillés, si riches dans leur simplicité parfois rendue au désert absolu, à la montagne effeuillée de Vénus où Parsifal venait goûter au nectar ultime, ne laissait de me donner sans retenue à ton image de sculpture romaine. Mon désir rêve de ta statue, et de rester immobile en t’attendant... Alors oui, les jardins soigneusement entretenus durant l’absence de la maîtresse font passer le temps au jardinier monocentré, lequel ne renoncera probablement pas avant d’avoir atteint ce but : te statufier, recueillir en lui les traits lisses de ton corps, les excès de ton âme, dans une fusion ardente de forge...

 

Mais ce soir, les cieux mégalomanes n’ont pas répondu à mon appel, dès lors lancé dans le vide, tancé et morbide.

 

La plénitude se dévide peu à peu, un tiers de Danaïdes. La substance vitale s’est écoulée mollement sur l’herbe coupée à ras depuis trop de jours, et le soleil la brûle... Quelques jours encore d’avidité avant le retour d’une abondance tant priée, ou de la mort.

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