Tenez, en cette période de fêtes, on ressort souvent des vieux trucs comiques pour faire des "meilleurs de...", et bien en voilà un pas piqué des hannetons !
Du 24 au 28 mars 2003 s’est déroulé à Montpellier le 47ème Congrès national de la C.G.T. Tous les commentateurs avisés ont
souligné que malgré quelques contestations internes pas si anodines que cela, la ligne Thibault, consistant dans un syndicalisme de proposition a été confortée.
De manière liminaire, nous nous arrêterons un instant sur la confirmation de l’éloignement C.G.T. / Politburo (pardon, Conseil
national) du P.C.F. , et surtout sur la transparence très inhabituelle des débats, un éclairage ayant
volontairement été donné par la direction du syndicat sur les dissensions internes. Aux plébiscites soviétiques dignes de républiques bananières des congrès précédents, la motion en place n’a
cette fois été approuvée qu’à 74,65 % des suffrages, le dernier quarteron de fidèles à la ligne Marchais (ou disons plutôt Krasucki ou Viannet pour demeurer politiquement corrects) venant
principalement du secteur public.
En tout état de cause, nous ne devons plus l’ignorer, la nouvelle attitude de la C.G.T., même si elle ne relève pas encore de la plus
haute évidence sur le plan local, doit nous inviter à réviser nos schémas préétablis en matière de relations sociales.
Naguère, les revendications et les négociations subséquentes, lorsqu’elles impliquaient la C.G.T., s’avéraient au fond assez simples à
analyser : les demandes étaient aberrantes (par exemple, augmentation générale de 10 %, le SMIC à 9.000 FF…) et la certitude d’une non-signature de ce syndicat fondée. Si la ligne Thibault
s’implante solidement au niveau de l’entreprise, l’approche de la C.G.T. devra probablement plus ressembler à celle que nous avons avec la C.F.D.T. (ces deux syndicats se retrouvant
par ailleurs et désormais au sein de la Confédération Européenne des Syndicats), c’est à dire une négociation d’arrache-pied, plus délicate en ce sens que la volonté de négociation induit aussi
la nécessité de compétences supplémentaires pour faire face aux propositions alternatives de la direction (ce qui n’est pas le cas lorsqu’en tout état de cause l’on reste arc-bouté sur ses
positions et que l’on a aucune intention de signer quoique ce soit de « raisonnable »).
En outre, il sera certainement plus compliqué de jouer sur les traditionnelles alliances liées aux affinités plus ou moins
opportunistes des syndicats en présence. Enfin, les projets de François Fillon prévoient notamment la systématisation des accords majoritaires, d’ailleurs réclamée à corps et à cri par la
C.G.T., situation délicate dans les magasins où ce syndicat est bien installé grâce à sa capacité incomparable de propagande et d’encartage massif.
Relativisons tout de même nos inquiétudes : malgré ses nouveaux principes, soutenus à bout de bras et à titre personnel par
Bernard Thibault, la C.G.T., gros tanker à simple coque de l’histoire syndicale n’en demeure pas moins difficilement manœuvrable : elle n’a signé aucun accord interprofessionnel ces
dernières années, la filière textile représentée par Christian Larose (signataire de l’accord 35 heures dans ce secteur sinistré) restant relativement isolée par rapport aux apparatchiks du
secteur public.
Au-delà de ces considérations, le 47ème Congrès a
abouti à quatre résolutions dont les trois premières contiennent en germe des orientations générales susceptibles d’avoir des conséquences à plus ou moins brève échéance .
1. La résolution n° 1 : « Solidaires pour de nouvelles conquêtes sociales »
Le bureau confédéral, dans la rédaction finalisée et approuvée de cette résolution, procède du postulat de l’aggravation des
inégalités et des discriminations (syndicales ou non, immigration, homophobie…), le surf sur la tendance ne s’arrêtant pas ici, puisque suivent des déclarations sur la précarité (lutte
traditionnelle contre le CDD) et la notion même de travail. Celui-ci « tel qu’il est organisé, produit une grande souffrance (stress, angoisse,
fatigue) ».
[Ndla : au-delà du fameux principe socialiste… réformiste « Le travail avilit l’homme » ou « Le droit à la paresse » dont on ne peut que sourire de l’évocation par l’ancienne courroie de transmission du P.C.F., la
référence au harcèlement moral est ici explicite].
Quant à la précarité de l’emploi, en soulignant qu’en tant que grosse consommatrice friande de cette marchandise, la grande
distribution est indéniablement visée, la C.G.T. la considère comme « érigée en système au nom de la mise en concurrence des salariés », puisque « le capital,
(…) au-delà des formes récurrentes de l’exploitation (pression sur le coût du travail…) (…) veut généraliser le contrat à durée limitée ». On peut ici observer que si sur
la forme, la renonciation au langage crypto-communiste est somme toute assez modérée, sur le fond, la plus grande rigueur devra persister en matière de recours et de rédaction de vos contrats
à durée déterminée, une recrudescence de demandes de requalification en CDI inspirées par les syndicats étant actuellement constatée.
De la même manière et sans surprise, cette résolution 1 met à mal le recours au temps partiel, que le MEDEF tenterait
d’étendre, sous couvert de « la libération des capacités individuelles », « du libre choix », des « horaires choisis ». L’hostilité de la
C.G.T. au temps partiel « imposé » persiste donc. Ici encore, la plus grande attention sera portée à la rédaction et la gestion (modifications d’horaires notamment) de vos
contrats à temps partiel.
Enfin, la résolution n° 1 s’achève sur les points plus courants de revendication de la C.G.T., à savoir la prévention des accidents
du travail (attention à l’élaboration de votre document unique d’évaluation professionnelle), les salaires, la durée du travail, la formation professionnelle et les
grilles de classification, ces points n’appelant pas de commentaires particuliers en matière d’impacts immédiats au niveau de vos entreprises individuelles.
2. La résolution n° 2 : « Renouveau du syndicalisme : franchir des
seuils »
C’est probablement du fait de cette résolution que notre stratégie traditionnelle d’alliances ou de divisions provoquées devra être
complétée. De manière expresse, « la C.G.T. décide de rechercher avec les autres organisations syndicales des propositions communes ou convergentes », ainsi que
des « initiatives et actions » à mener ensemble.
La tactique du cavalier seul semble donc abandonnée par
la C.G.T., dont le but reste tout de même très officiellement de « combattre la logique même du capitalisme » : à notre sens, cette rédaction est une concession accordée à
la vieille garde, l’important demeurant bien cette optique de collaboration avec les autres syndicats représentatifs sur le plan national.
En outre, c’est dans cette résolution que la C.G.T. vient apporter un soutien paradoxal aux propositions de réformes de François
Fillon, en exigeant au titre de « la démocratie sociale », « l’instauration du principe majoritaire pour la validation à chaque niveau des accords
négociés ».
L’analyse sociologique de l’implantation de la CGT justifie en opportunité cette position : tout comme son ancien
staretz, le P.C.F., la C.G.T. fonctionne par fiefs et dans ces derniers, aucun accord majoritaire ne pourrait par conséquent être signé sans son assentiment, le caractère
nécessairement majoritaire des accords empêchant désormais les tactiques bien connues des DRH, consistant dans les désignations spontanées de « délégués syndicaux » relevant de
centrales moins « vindicatives », tous prêts à signer le projet de la direction.
Au quotidien cette fois, confortée par ses résultats aux élections prud’homales (voir notre précédent numéro), la C.G.T. souhaite
« systématiser la démarche de consultation de tous les salariés sur chaque lieu de travail » : on peut donc sans supputer l’irréaliste prévoir une action accrue des
unions locales ou départementales dans la prise de contact avec les salariés des magasins.
3. La résolution n° 3 : « Adopter une charte de la vie syndicale et poursuivre les réflexions sur les
transformations de la C.G.T. »
Ce qui ressemblerait fort à une définition du fonctionnement interne du syndicat comporte néanmoins quelques points comptant une
incidence possible dans votre fonctionnement opérationnel.
A la quatrième page de cette résolution, le 47ème Congrès retient comme actions prioritaires le fait « d’assurer à
chaque adhérent, tout au long de sa vie syndicale, l’accès à une formation permanente », « toute prise de responsabilités [étant] accompagnée d’une
formation correspondante ».
La signification de cet effort particulier porté à la formation des délégués syndicaux certes, mais également de tous les membres de
sections syndicales, même non investis de mandats représentatifs ou désignatifs, peut se résumer en deux points principaux :
- sur le fond, on peut craindre l’acquisition de
compétences supplémentaires de la part de syndicalistes « de base » aujourd’hui peu au fait du droit du travail et peu rompus à la négociation collective,
- plus pragmatiquement, la première conséquence devrait
consister dans un accroissement des demandes de congés de formation économique, sociale et syndicale (art. L 451-1 à L 451-5 du Code du travail), dont nous ne pouvons que vous inviter
fortement à nous les transmettre dès réception, le formalisme légal exigé pour ces formations étant parfois très sommairement respecté par les Unions départementales.