NDLA : je n'ignore pas que nous sommes au coeur de l'hiver et de ses propres pathologies (grippe, rhumes, otites, angines...), mais il est toujours bon de transmettre aux
lecteurs un petit rayon de soleil en lui parlant d'autres maladies : celles des salauds de riches et celles des salauds de pauvres, objet de ce texte.
Les beaux jours et les grandes chaleurs revenant, tandis qu’étrangement déclinent les marronniers assoiffés, nous
assistons au retour, chaque année, des pathologies estivales.
Vous auriez pu vous attendre à la grippe A dite du poulet, aux otites de piscines (dites bouillons de culture), aux
gastrites et crampes dues à la consommation immodérée d’un muscadet un peu trop vert, aux infections causées par la marche difficile sur des coquilles d’huîtres brisées ou de redoutables oursins
prédateurs de voûtes plantaires… Non, ces pathologies là sont curables et souvent le fruit d’un hasard cruel.
Nous voulons parler ici des épidémies estivales, de véritables fléaux nocifs pour l’humanité entière et sans véritable
traitement reconnu à ce jour : le jazz et les beaufs.
Avec l’été en effet rebourgeonnent tels des chlamydiæ les festivals de jazz. Les principaux foyers à éviter se nomment
Montreux, Marciac, Vienne, Vauvert… Les symptômes de la maladie, souvent rencontrés chez les professeurs de Lettres et les psychotiques par ailleurs, sont les suivants :
-
Auto-conviction absolue de détenir une vérité non moins absolue, consistant en l’affirmation d’une supériorité
inaccessible à l’égard de tout autre genre musical, y compris le classique ;
-
Psalmodie constante (souvent litanique car effectuée à une heure tardive de la nuit), lors de l’intro de chaque
morceau, de l’année de création, l’année d’orchestration, la composition exhaustive de l’orchestre avec noms, prénoms et surnoms de chacun de ses membres, l’âge de leur grand-mère à ce moment
précis, la marque et le type des instruments utilisés, le tout naturellement sur un ton docte et faussement détaché.
En cela, les malades du
jazz peuvent aussi ressembler à des habitants du 16ème arrondissement de Paris (la vérité est la Droite, la supériorité de la démocratie libérale sur les autres régimes passés ou à
venir est incontestable, etc. avec le même ton didactique se réclamant d’un pragmatisme auto proclamé rationnel), mais ne nous y trompons pas : les tenants de la droite traditionnelle depuis
Adam Smith ont véritablement quelque chose à sauver (des biens en l’occurrence, meubles ou immeubles), alors que les jazzistes, un peu à l’instar des kabbalistes, ne peuvent plus défendre qu’une
conception mystique et ésotérique des temps anciens, sans aucune réalité matérielle dans le siècle.
Les symptômes exposés, leurs causes identifiées, vient évidemment la question : comment s’en débarrasser ?
Bon, le traitement se révèle à l’usage non seulement simple mais aussi agréable : évitez le grand sud de la France en juillet et août et surtout n’allumez pas la radio de service public à
partir de 22 ou 23H00, car les risques d’exposition sont généralisés.
Venons-en ensuite au second Attila de l’été, les beaufs sédentaires (comprendre : ceux qui n’ont pas les moyens de
partir en vacances, les autres demeurant un thème rebattu par le cinéma et les journalistes en mal d’idées politiques ou sociétales). Pas plus tard qu’hier midi, contre ma volonté, je me trouvais
à devoir écumer une galerie marchande d’hypermarché un 15 août en vue d’y trouver un cadeau pour un neveu par alliance par mégarde oublié (le cadeau ou le neveu ? Mystère…). Tandis que nous
déjeunions stupidement dans une sandwicherie attenante, la femme de mes enfants et moi-même ressentîmes l’envie d’aller fumer une cigarette au-delà des portes électriques de la galerie. Une
bosnienne âgée et bondissante ne cessant de reluquer nos plateaux et nos enfants depuis cinq bonnes minutes, nous décidâmes néanmoins de nous séparer, un époux allant fumer, une épouse gardant un
œil sur nos rejetons.
Je parcourus la faible distance me séparant de la sortie sans aucune énergie et fus frappé de chaleur lors de
l’ouverture des sas, me contraignant à bien vite me réfugier à l’ombre d’un large pilier, juste à côté de la poubelle. Aspirant les premières bouffées peu agréables, ce fut la terreur cette fois
qui me frappa. Installé à cet endroit, véritable vigie de la galerie marchande, je pouvais observer à loisir les allées et venues. Je ne vis finalement que deux catégories d’entrants : des
salafistes (facilement reconnaissables à leurs cheveux rasés et à leur barbe hirsute pour les hommes, et pour les femmes à leur tenue parfaitement inadéquate un jour de canicule) et des
beaufs.
J’ai choisi ce mot-valise à défaut de trouver autre chose, je l’avoue humblement. La polysémie de ce concept abrévié est
parfois cruelle, puisque je suis moi-même le beauf de mon beau-frère. Sauf que je n’en ai pas les symptômes :
- chez l’homme, est révélateur le port du marcel ou du
tee-shirt taille 12 ans au-dessus, soit d’un gras double, soit de pectoraux et biceps manifestement suralimentés à la créatine, le temps d’aller à la salle et d’acheter des produits prohibés au
détour du vestiaire étant facilité par la qualité actuelle de demandeur d’emploi de l’intéressé ;
- la femme souvent d’âge mûr souhaite s’habiller sexy
en jeans taille 12 ans enfilés au chausse-pied ou en courte jupe en jean (« short de salope » dirait une vieille amie), voire engoncée dans d'abominables leggings noirs ou blancs que
surmonte un terrifiant autant qu’ample haut en mousseline colorée ;
- tant l’homme que la femme arborent force piercings
et/ou tatouages tout plus ratés et inesthétiques les uns que les autres ;
- tous deux sont généralement affublés d’un chien dont
la méchanceté ne suscite guère de doute, y compris dans la conscience du moins animalièrement averti de nous tous ;
- la motocyclette s’avère souvent un moyen de transport
privilégié ou du moins désiré, pour l’illusion de liberté qu’elle inocule dans les esprits faibles.
Cette maladie du quart monde sédentaire, que l’on retrouve aussi dans les piscines publiques durant l’été, guère mieux
loti que ses congénères légèrement plus chanceux d’avoir pu partir en vacances, n’a aucun autre traitement que de choc : l’interdiction absolue de tout média de type télévision ou internet
sur l’ensemble des quartiers pauvres et déshérités.
N’en déplût à Zola ou Balzac, la pauvreté est non seulement une injustice sociale, mais aussi, sauf rares exceptions, un
puits de misère intellectuelle, un creuset de médiocrité vulgaire, une fausse autant pâle fierté faisant se jeter ses tenants tête la première dans tout mouvement doté d’un tant soit peu de
médiatisation puisque la télévision est définitivement la locataire-gérante de leurs cerveaux sous-exploités :
- religions aberrantes et contraires à l’unité
républicaine telles l’Islam ou le protestantisme charismatique, les Evangélistes par exemple ;
- modes alimentées par des décérébrés télévisuels ou
sportifs, telles que le tatouage ou le piercing ;
- musiques dites de quartier (lorsque l’on sait que le
fils aîné du précédent Président de la République était rappeur…) alors qu’elles ont perdu depuis longtemps tout rattachement avec leurs racines urbaines des années 60 et 70, au profit de
promoteurs (je préfère utiliser ce terme alliant béton et publicité par rapport à celui plus juste de producteur) de stars-éprouvettes, comme l’on en connaît tant dans le milieu du
R&B ;
- le vote Sarkozy en 2007, avec la naïveté propre au
bon sauvage d’avoir cru une seconde en le slogan « Travailler plus pour gagner plus ».
Sordidi pauperes spiritu…