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Hontes

Souffrances, amour, désespoir, moquerie, musique et philosophie... La vie, quoi !

Vêtue pour jamais

Publié le 31 Janvier 2013 par Luc dans Colère (du 8-1 au 29-5-07)

Les stases lancinantes du sommeil

Irrégulier éclataient comme un feu

Artificieux, à intervalles quant à eux

Réguliers, et sonnaient le réveil

Forcené, alors l’épuisement

De la conscience et son renoncement

Tendirent le Tout vers l’érotisme

Le moins cru, le plus flou, un prisme.

 

Elle était là, devant moi me disant

Toute son attirance dans la pièce

Grise où je passe l’essentiel déplaisant

De mon temps imposé et sans liesse.

Ses yeux verts me fixaient, plantés au milieu

D’un visage immobile, au milieu

Duquel se plantait un sourire immobile,

Au milieu duquel poussait le vice habile.

 

Sa jupe de lin clair tombait juste au dessous,

Sans un pli frivole, de ses genoux,

Sans un mouvement d’air pour donner vie

A la gaine de l’érotique imagerie.

Son petit haut blanc près du corps

Soulignait une taille peu affirmée,

Dans une forme de grâce, d’acmé

Juvénile, un subtil coup du sort.

 

Son étrange chevelure brune tombait

Hérissée en pointes désordonnées,

Lacérée de mèches trop claires dans le jais,

Et je revenais vers ce visage bien né

Qui de toutes forces m’appelait.

Fidèle à tout ce qui m’est cher et vrai,

Je n’y toucherais jamais, laissant divaguer

Mon imagination, puis l’interroger

Sur son évident acomoclitisme, telle

Que je ne la découvrirais jamais, belle

Qu’elle me serait alors qu’elle demeurerait

Vêtue pour jamais.

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Les pathologies estivales

Publié le 29 Janvier 2013 par Luc dans Année de fuite (du 18-5 au 31-12-12)

NDLA : je n'ignore pas que nous sommes au coeur de l'hiver et de ses propres pathologies (grippe, rhumes, otites, angines...), mais il est toujours bon de transmettre aux lecteurs un petit rayon de soleil en lui parlant d'autres maladies : celles des salauds de riches et celles des salauds de pauvres, objet de ce texte.

 

 

Les beaux jours et les grandes chaleurs revenant, tandis qu’étrangement déclinent les marronniers assoiffés, nous assistons au retour, chaque année, des pathologies estivales.

 

Vous auriez pu vous attendre à la grippe A dite du poulet, aux otites de piscines (dites bouillons de culture), aux gastrites et crampes dues à la consommation immodérée d’un muscadet un peu trop vert, aux infections causées par la marche difficile sur des coquilles d’huîtres brisées ou de redoutables oursins prédateurs de voûtes plantaires… Non, ces pathologies là sont curables et souvent le fruit d’un hasard cruel.

 

Nous voulons parler ici des épidémies estivales, de véritables fléaux nocifs pour l’humanité entière et sans véritable traitement reconnu à ce jour : le jazz et les beaufs.

 

Avec l’été en effet rebourgeonnent tels des chlamydiæ les festivals de jazz. Les principaux foyers à éviter se nomment Montreux, Marciac, Vienne, Vauvert… Les symptômes de la maladie, souvent rencontrés chez les professeurs de Lettres et les psychotiques par ailleurs, sont les suivants :

 

  • Auto-conviction absolue de détenir une vérité non moins absolue, consistant en l’affirmation d’une supériorité inaccessible à l’égard de tout autre genre musical, y compris le classique ;
  • Psalmodie constante (souvent litanique car effectuée à une heure tardive de la nuit), lors de l’intro de chaque morceau, de l’année de création, l’année d’orchestration, la composition exhaustive de l’orchestre avec noms, prénoms et surnoms de chacun de ses membres, l’âge de leur grand-mère à ce moment précis, la marque et le type des instruments utilisés, le tout naturellement sur un ton docte et faussement détaché.

 En cela, les malades du jazz peuvent aussi ressembler à des habitants du 16ème arrondissement de Paris (la vérité est la Droite, la supériorité de la démocratie libérale sur les autres régimes passés ou à venir est incontestable, etc. avec le même ton didactique se réclamant d’un pragmatisme auto proclamé rationnel), mais ne nous y trompons pas : les tenants de la droite traditionnelle depuis Adam Smith ont véritablement quelque chose à sauver (des biens en l’occurrence, meubles ou immeubles), alors que les jazzistes, un peu à l’instar des kabbalistes, ne peuvent plus défendre qu’une conception mystique et ésotérique des temps anciens, sans aucune réalité matérielle dans le siècle.

 

Les symptômes exposés, leurs causes identifiées, vient évidemment la question : comment s’en débarrasser ? Bon, le traitement se révèle à l’usage non seulement simple mais aussi agréable : évitez le grand sud de la France en juillet et août et surtout n’allumez pas la radio de service public à partir de 22 ou 23H00, car les risques d’exposition sont généralisés.

 

Venons-en ensuite au second Attila de l’été, les beaufs sédentaires (comprendre : ceux qui n’ont pas les moyens de partir en vacances, les autres demeurant un thème rebattu par le cinéma et les journalistes en mal d’idées politiques ou sociétales). Pas plus tard qu’hier midi, contre ma volonté, je me trouvais à devoir écumer une galerie marchande d’hypermarché un 15 août en vue d’y trouver un cadeau pour un neveu par alliance par mégarde oublié (le cadeau ou le neveu ? Mystère…). Tandis que nous déjeunions stupidement dans une sandwicherie attenante, la femme de mes enfants et moi-même ressentîmes l’envie d’aller fumer une cigarette au-delà des portes électriques de la galerie. Une bosnienne âgée et bondissante ne cessant de reluquer nos plateaux et nos enfants depuis cinq bonnes minutes, nous décidâmes néanmoins de nous séparer, un époux allant fumer, une épouse gardant un œil sur nos rejetons.

 

Je parcourus la faible distance me séparant de la sortie sans aucune énergie et fus frappé de chaleur lors de l’ouverture des sas, me contraignant à bien vite me réfugier à l’ombre d’un large pilier, juste à côté de la poubelle. Aspirant les premières bouffées peu agréables, ce fut la terreur cette fois qui me frappa. Installé à cet endroit, véritable vigie de la galerie marchande, je pouvais observer à loisir les allées et venues. Je ne vis finalement que deux catégories d’entrants : des salafistes (facilement reconnaissables à leurs cheveux rasés et à leur barbe hirsute pour les hommes, et pour les femmes à leur tenue parfaitement inadéquate un jour de canicule) et des beaufs.

 

J’ai choisi ce mot-valise à défaut de trouver autre chose, je l’avoue humblement. La polysémie de ce concept abrévié est parfois cruelle, puisque je suis moi-même le beauf de mon beau-frère. Sauf que je n’en ai pas les symptômes :

 

-         chez l’homme, est révélateur le port du marcel ou du tee-shirt taille 12 ans au-dessus, soit d’un gras double, soit de pectoraux et biceps manifestement suralimentés à la créatine, le temps d’aller à la salle et d’acheter des produits prohibés au détour du vestiaire étant facilité par la qualité actuelle de demandeur d’emploi de l’intéressé ;

-         la femme souvent d’âge mûr souhaite s’habiller sexy en jeans taille 12 ans enfilés au chausse-pied ou en courte jupe en jean (« short de salope » dirait une vieille amie), voire engoncée dans d'abominables leggings noirs ou blancs que surmonte un terrifiant autant qu’ample haut en mousseline colorée ;

-         tant l’homme que la femme arborent force piercings et/ou tatouages tout plus ratés et inesthétiques les uns que les autres ;

-         tous deux sont généralement affublés d’un chien dont la méchanceté ne suscite guère de doute, y compris dans la conscience du moins animalièrement averti de nous tous ;

-         la motocyclette s’avère souvent un moyen de transport privilégié ou du moins désiré, pour l’illusion de liberté qu’elle inocule dans les esprits faibles.

 

Cette maladie du quart monde sédentaire, que l’on retrouve aussi dans les piscines publiques durant l’été, guère mieux loti que ses congénères légèrement plus chanceux d’avoir pu partir en vacances, n’a aucun autre traitement que de choc : l’interdiction absolue de tout média de type télévision ou internet sur l’ensemble des quartiers pauvres et déshérités.

 

N’en déplût à Zola ou Balzac, la pauvreté est non seulement une injustice sociale, mais aussi, sauf rares exceptions, un puits de misère intellectuelle, un creuset de médiocrité vulgaire, une fausse autant pâle fierté faisant se jeter ses tenants tête la première dans tout mouvement doté d’un tant soit peu de médiatisation puisque la télévision est définitivement la locataire-gérante de leurs cerveaux sous-exploités :

 

-         religions aberrantes et contraires à l’unité républicaine telles l’Islam ou le protestantisme charismatique, les Evangélistes par exemple ;

-         modes alimentées par des décérébrés télévisuels ou sportifs, telles que le tatouage ou le piercing ;

-         musiques dites de quartier (lorsque l’on sait que le fils aîné du précédent Président de la République était rappeur…) alors qu’elles ont perdu depuis longtemps tout rattachement avec leurs racines urbaines des années 60 et 70, au profit de promoteurs (je préfère utiliser ce terme alliant béton et publicité par rapport à celui plus juste de producteur) de stars-éprouvettes, comme l’on en connaît tant dans le milieu du R&B ;

-         le vote Sarkozy en 2007, avec la naïveté propre au bon sauvage d’avoir cru une seconde en le slogan « Travailler plus pour gagner plus ».

 

Sordidi pauperes spiritu…

 

 

 

 

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Bocalisation

Publié le 25 Janvier 2013 par Luc dans Hacadences (du 16-2 au 9-7-2009)

NDLA : encore un texte contre l'open-spacisation rampante.

 

 

Quelque chose de lourd s’insinue entre le ciel gris et ma peur d’avoir peur. J’attends des ciels changeants les nuées qui pleuvront en reproches au-dessus de mon dos courbé. Rorate cæli

 

Las ! on me demande de me bocaliser, de maintenir ouverte une fenêtre sur le monde, tandis que mon labeur acharné ne fut que de la clore, la clouer de planches, l’obturer de manière plus ou moins artistique, de façon à éviter d’avouer que la seule raison de cet ouvrage n’était que ma volonté de ne plus communiquer. On revient sur l’usage patiemment instruit, condition nécessaire de mon équilibre.

 

Si je devais céder à l’odieux fait du prince, je serais soumis à l’entrée constante du monde dans ma pièce, ma bulle opaque, le jouet des regards variqueux à la curiosité intrusive. La sombre lueur de la potentialité d’un importun, attiré par le calme de l’endroit, viendrait emplir de malaise mon antre méditatif.

 

Comme d’habitude, il me faudra trouver une solution qui préservera le caractère inviolable de ma solitude, et satisfera le prince, évidemment en surpuissance sur ce coup-là.

 

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Réveil de haine

Publié le 24 Janvier 2013 par Luc dans Cercle noir (du 26-2 au 17-7-08)

Le vrombissement halluciné de griffes jouant sur la fibre de verre m’a extrait de la torpeur du petit matin avec la grâce et la tendresse d’un dentiste médiéval ambulant. Alors mes incisives se sont affûtées les unes avec les autres dans un grincement insupportable. Mes gestes ne furent alors plus que ceux d’un automate cocaïnomane doté d’une immense envergure, de bras articulés puissants et maladroits. Je sus dès cet instant que j’étais voué à la vertu, à l’impatience, à la colère rentrée.

 

Le premier cri me fit sortir les yeux de la tête et deux dents se fendirent sous le poids de mon ire. Les premiers gestes battant l’air sans raison que je relevai firent se rejoindre mes gencives dans un hoquet sanglant. Le premier visage contrit et fermé que je rencontrai me vrilla les nerfs, me transformant en une torsade immobile et allant s’effilochant en tournant imperceptiblement, un vieux bout mangé par le sel et les courants, à qui l’on eût demandé d’amarrer le paquebot mondial du matin.

 

Alors je me suis dévoré pour ne pas subir mon propre cri de haine.

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Ding in sich, être en soi

Publié le 23 Janvier 2013 par Luc dans Eternel retour de fin (du 1-5 au 14-10-11)

L’incompréhensible fatigue du matin agacé,

L’incompréhensible pluie de la Saint Jean,

L’incompréhensible battement de mon sang

Irrégulier dans mes veines attisées.

 

Je succombe sans savoir d’où est venu le danger…

Par apnées successives, peut-être verrai-je

Le bout de cette journée, et puis encore une,

Peut-être, une autre, qui sait ?

 

La respiration est malaisée, comme dans un caisson

Se situant juste au-dessus d’un autre caisson

Etiré à se rompre, que je porte tel un boulet

De fonte d’une couleur identique à celle de mes cernes.

 

Rien d’autre à espérer que le silence,

Qui me laissera agoniser sinon dans la paix,

Du moins dans le repos, sans ces fracas,

Ces choses en soi qui me mettent hors de moi.

Or il est important d’être en soi pour bien mourir.

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Plaid d'angoisse

Publié le 22 Janvier 2013 par Luc dans Dégradation (du 1-7 au 30-12-10)

Tu me reproches de ne pas être là, ou plutôt d’être là sans être présent. Je ne sais trop que répondre à ça. Bien sûr dans un premier temps je nie, mettant la charge de la preuve sur la partie accusatrice sans fondement, sans le moindre fondement à l’évidence. Je plaide, tour à tour agacé, navré, en colère, renonciateur puis distant. J’argue alors du fait que ma distance se nourrit de la tienne, et comme habituellement, que ta rage est un repoussoir. L’argument est clos, circulaire et bien huilé… irréfragable ?

 

Pas vraiment me semble-t-il lorsque la tristesse s’empare d’un moi ne souffrant pas la distance entre nous, le silence si peu rêveur de l’acrimonie. Si je ne parviens pas à déceler l’origine précise de l’éloignement, égaré dans un brouillard de peur, je ne sais que trop les incidences de mes actes ou omissions sur les faits, quand bien même j’ai toujours aspiré à la désincarnation, l’absence totale de prise sur les choses, l’inexistence en pleine conscience.

 

Depuis bien longtemps alors, à l’instar de ce que j’avais pu ressentir lorsque le monde me paraissait s’écrouler tout autour, l’angoisse sourde et paralysante ne s’était pas emparée de moi. Je dois confesser aujourd’hui que ma conscience diurne doit partager sa dominance sur moi avec son limbique avatar. Le contrôle est une affabulation, la maîtrise une illusion, la velléité de gestion une aberration, la vie une désillusion.

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Report d'abus

Publié le 21 Janvier 2013 par Luc dans Année de fuite (du 18-5 au 31-12-12)

NDLA : entre aveu éthylique et jargon Internet (lorsqu'un particulier est mécontent de propos tenus sur lui, il se dirige vers le webmestre afin de se plaindre et d'exiger la suppression desdits propos litigieux), encore un texte plein d'amour.

 

 

Sous la chaleur de fer, ma main gauche vient presser ma poitrine de calme verre. Elle serre violemment le pectoral comme s’il venait de prendre une balle. Je m’étonne alors de ne plus aspirer la douleur pointant au côté. Rien ne correspond plus à la représentation que j’avais pu concevoir de mes afflictions. Dans l’angoisse qui me paralyse à en oublier le réflexe respiratoire, je ne peux plus rien faire sinon boire.

 

Si fait. Je ne suis pas mort. Je devais pourtant l’être ce matin, ayant perdu le cœur et un bras, le droit, qui ne correspond à rien, comme le rein spongieux s’est fait monolithe.

 

Si fait. Je ne suis pas mort, et du passé me revient ce matin une blessure au cœur de vingt ans, par le pire des bras droits juridiques, plutôt que dans les embrassades de vieux camarades. C’est donc que son cœur de pierre était fait, quand son report d’abus ne fait que reporter l’analyse des miens propres.

 

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R117 Tornade sur la falaise de l'île d'Arz

Publié le 18 Janvier 2013 par Luc dans Année de fuite (du 18-5 au 31-12-12)

La nuit est claire en ce mois d’août à l’île d’Arz, et le vent qui rafraîchit l’atmosphère vient lui-même à fraîchir sensiblement, force quatre ou cinq peut-être. Sur la plage de la Falaise, la mer forcit à son tour et de petits rouleaux se forment peu à peu, attirant une nuée de jeunes gens sortis pour l’occasion de leurs tentes et caravanes. Ils bondissent par-dessus le muret de granit, haut d’une cinquantaine de centimètres côté chemin surélevé et de deux mètres côté plage. Ils atterrissent souplement sur le sable jaune et s’assoient en devisant pour regarder les vagues.

 

Celles-ci, au fur et à mesure des minutes, deviennent de plus en plus grosses, puis impressionnantes. Les jeunes gens se lèvent et se dirigent vers la mer bruyante, semblent se laisser un instant rattraper par les rouleaux avant de fuir vivement en riant. Le jeu continue durant quelques vagues, alors que le vent se met à souffler de plus en plus fort. Une vague franchit toute la plage et vient s’écraser contre le muret de granit. Même quelque peu à bout de souffle en arrivant sur la pierre, le phénomène est rarissime, car je connais bien le coin depuis une quarantaine d’années. Je m’alarme tout en me rapprochant du muret, dans les rires de moins en moins nombreux des jeunes gens.

 

Je ne fais plus qu’entendre la mer ; je la vois maintenant, éclairée par la lune vivante et piquée des rais d’étoiles infiniment nombreuses, l’écume bouillonnante prenant le relais de la noire et calme étendue. Puis au loin, derrière Drennec Vras, la vague. Elle traverse la baie de la Falaise, engloutit la plage dans son ensemble et passe deux ou trois mètres au dessus du muret protecteur, qui s’il réussit à casser la base de la vague, ne parvient pas à contenir sa chute furieuse sur le chemin goudronné, dans un fracas de cymbales et de timbales. Les rires ont tout à fait cessé.

 

La vague abattue, je suis demeure étrangement sec, m’étant reculé derrière une haie compacte de tamaris fous. Je marche d’un pas alerte vers l’entrée dévastée du camping, et sortant de mon abri boisé, je réalise la puissance du vent fantasque s’étant engouffré dans le Golfe à la suite de la vague majeure. Me dirigeant vers l’intérieur de l’enceinte de vacances afin de constater les dégâts occasionnés par les eaux, mes pieds quittent un peu plus le sol à chaque pas. En arrivant à proximité du grand platane, parfaitement incongru ici, situé derrière le portail d’entrée éventré, je suis déjà à un mètre au dessus du sol, sur un coussin d’air. Ma propulsion verticale s’accélère sans violence, je n’ai pas spécialement peur mais l’altitude devient abstruse dans un silence inquiétant.

 

Je suis sourd dans la queue de la tornade. Je ne le comprends que maintenant. Je dois me sortir de là. Je rate deux ou trois branches du platane mais réussis finalement à accrocher de la main gauche le plus haut de ses rameaux, juste avant ma disparition définitive dans le souffle de la nuit claire et étoilée. Je tire de toutes mes forces en craignant à chaque instant la rupture de ce précaire tuteur… qui ne cède pas. M’extirpant du sillage réacteur, je tourne autour du rameau dénudé, glisse tête la première sur une longue branche, puis exécute un rétablissement en demi-tour sur l’avant-bras placé en poulie autour d’une grosse et basse branche coupée, avant que d’atterrir les genoux fléchis dans l’herbe humide et grasse.

 

La terre meuble me rappelle agréablement à la gravité. Je me dirige vers un groupe de vacanciers à qui je veux narrer mon conte, extraordinaire sans qu’il soit besoin de l’enjoliver.

 

- Chilaouet holl’ta chilaouet eur bamad zo neve bevet ! -

 

Ils paraissent n’en avoir cure, concentrés qu’ils sont sur leur objectif unique : évacuer le camp dans la peur tandis que l’eau monte insensiblement sous nos pieds. Je suis un petit groupe sur le chemin goudronné, la D206, l’avenue Charles de Gaulle, et en arrivant au bourg, nous avons de l’eau à la taille. Les lumières orangées se reflètent sur la surface moirée. Je suis contraint de passer de balcon en balcon, de ces villas tellement plus resserrées que dans mes souvenirs. Les dernières encablures de l’avenue, fortement pentues, me permettent enfin de marcher à pied sec. La place entre Revirio et la Grande Rue comporte désormais un rond-point doté d’une grande fontaine lumineuse trouant la nuit sur le macadam luisant.

 

- Deomp de'i ! Da Bariz… -

 

Je vois Erwann traverser seul en sautant d’un pied sur l’autre, au-dessus d’un passage piéton jaune, une rue à la largeur invraisemblable en ce lieu. Je me mets en colère du fait qu’on a laissé un enfant traverser seul la route, en l’absence complète de voitures, en pleine nuit claire et étoilée, dans la lumière orange des réverbères, sur le monticule rocheux qui reste de l’île d’Arz.

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R116 Total Recall 1984

Publié le 15 Janvier 2013 par Luc dans Année de fuite (du 18-5 au 31-12-12)

La nervosité m’avait saisi, confronté à l’intrusion intolérable. Alors, empli de peur et d’agressivité subséquente, si étroitement liée à sa grande sœur première citée, je m’étais mis en guerre.

 

Me voici maintenant à la fenêtre d’un train de nuit parcourant une voie ferrée juchée en hauteur. Ivre d’une violence froide, j’arrose tout en tentant d’être précis. Le viseur infrarouge de ma mitrailleuse se compose de multiples points rouges en forme d’araignée irrégulière qu’il s’agit de faire converger vers le point visé jusqu’à obtenir un cercle qui alors s’entoure d’un carré également rouge signifiant le verrouillage de la cible, et alors on lâche la sauce. Le poussoir de mon engin n’est plus enclenché sur « No Go » mais sur « Go » ; le second poussoir se trouve encore sur « No Fire » et n’attend plus sous mon doigt fébrile que d’aller se ficher sur « Fire ».

 

Je vois les soldats adverses, des voleurs s’il en est, cavaler en rase campagne en contrebas de la voie ferrée. Je manie mes points rouges mais le carré clignote souvent. Je décoche tout de même plusieurs rafales en convergence mais je manque manifestement de rayon d’action. Ils continuent à courir. Je décide de sauter du train à faible vitesse, uniquement armé d’un FM et je dévale la pente herbue vers le thalweg. J’en vois là, avec leur uniforme vert pâle dans la nuit claire. Je dézingue à tout va. J’en poursuis un jusque dans un marigot et lui envoie une rafale en pleine brioche. L’écran lumineux de mon arme m’informe de la nationalité et de l’identité de l’ennemi abattu : « Sgt John Port – US Army »… Un allié donc ? Bah, un Ricain en moins ce n’est pas si grave, me dis-je.

 

Cette mission m’a néanmoins affecté le moral. Je cesse là ma chasse peureuse et agressive puis rejoins le train blindé. Ce n’est qu’au jour que nous arrivons dans la gare de la ville. Sautant du quai, nous montons dans une grande berline noire et rentrons au camp, sur la route de terre rouge. Notre convoi est bientôt arrêté par un embouteillage causé par l’un barrage fermant les portes de la ville. Du moins ne faisons-nous que le soupçonner, notre vue étant barrée par un grand container de type cargo mais doté d’une immatriculation militaire.

 

On m’informe qu’il s’agit là du dernier modèle de véhicule nettoyeur, au blindage composé d’un alliage spécial et fonctionnant grâce à un carburant nucléaire dont le nom m’échappe sitôt entendu. Un camarade et moi sommes toutefois pressés de réintégrer nos pénates, pour ma part de nouveau sous le coup de la réminiscence angoissée de l’intrusion intolérable. Afin d’éviter la peur puis la colère agressive, je décide de descendre avec lui du véhicule et de terminer à pied jusqu’à la Cité. La chaleur se fait suffocante quand nous dépassons le container nettoyeur et franchissons sur notre gauche le barrage hétéroclite, encombré de sacs, de barbelés, de gardes et de voix trop hautes. Nous nous engageons sur une voie étroite de poussière ocre, longeant le barrage puis les hauts murs de la ville, en pierres claires apparentes, espérant trouver une porte avec moins de queue. Après deux cents mètres, je ressens la peur de mon camarade, sûrement liée au fait que nous ne voyons au loin aucune porte. Muettement il me signifie que notre progression est trop lente, que le nettoyeur, capable de changer de forme et de se mouvoir en toutes conditions à grande vitesse, va se remettre en route incessamment. Or notre voie menue se transformerait alors en tunnel sans issue, sans aucun espoir de survie s’il l’emprunte. J’abonde en opinant avec une grimace douloureuse. Il nous faut sortir de ce chemin bordé à sa droite du haut mur continu de calcaire blanc de la lumineuse Cité, et à sa gauche par l’insondable.

 

 

Soudain, je vois à deux mètres au dessus du sol une étroite fenêtre encastrée d’environ quarante centimètres de diagonale dans le mur uniforme. Cette cavité si peu naturelle devrait suffire à me protéger en cas de passage du container nettoyeur. Je m’y hisse avec effort et prenant appui pour me retourner, je constate que le fenestron s’entrouvre derrière mon postérieur sur un coin de salle de bains, si j’en crois la décoration de carreaux étanches et bleus. Quelle chance ! Je me retourne face au fenestron pour me faufiler la tête la première, mais il bute sur un angle de mur intérieur de la salle de bains. Je tente de me faufiler la tête la première, les épaules passent en dessous du fenestron entrouvert mais je reste coincé à ce niveau, mon bassin et mes jambes restant à gigoter dans le vide, pouvant à tout moment être emportés par le nettoyeur s’il vient à passer. Il me faut passer sous le fenestron, comme une musaraigne dans la gueule verticale d’une vipère. J’adopte le mouvement du prédateur et ondule violemment. Au prix de mon épuisement complet, j’atterris lourdement sur le carrelage chaud et humide de la salle de bains. Sortant discrètement de cette dernière s’ouvre à moi un couloir éclairé d’une seule ampoule nue, ombrant et illuminant à un affreux papier peint jauni à fleurs orange.

 

Je m’éclipse de l’appartement inhabité et après quelques minutes de marche dans la Cité, je parviens enfin au Centre où l’on s’étonne fort de mon arrivée.

 

- Vous étiez en mission extérieure, dans le convoi Berlin.

Comment avez-vous pu avoir déjà franchi le barrage de décontamination

surveillé par le HR-204 nettoyeur ? -

 

Je voulais fanfaronner mais je me ravise et raconte brièvement mon histoire. On me traite de menteur, vainement. Tout concorde dans mon récit, qui n’est que vérité. Les médecins en blouse blanche ouverte finissent par en convenir.

 

C’est à quatre qu’ils se jettent sur moi et me traînent jusqu’à une machine ressemblant de loin à un rameur doté d’attaches de sécurité au niveau des poignets et des chevilles ainsi que d’un casque à oxygène ou autre chose.

 

Je sais maintenant, alors qu’ils me tirent bon an mal an vers la machine, que par l’angoisse, j’ai franchi quelque chose que je n’aurais pas dû franchir. Que je suis une intrusion intolérable. Que j’ai apporté au cœur de la Cité la contamination de la peur.

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Voyage temporel de la mort

Publié le 14 Janvier 2013 par Luc dans Année de fuite (du 18-5 au 31-12-12)

D’abord fou furieux pour ce qui ne me concernait

En rien, ivre de dépit face à une injustice

Somme toute assez modeste, je ne pouvais

Qu’aller me coucher subreptice.

 

Si le sommeil ne tarda point, il ne tarda point

Non plus à repartir comme il était venu,

Me laissant une pointe à droite, dans le rein

Quand la chaleur me contraignait au nu.

 

Les orgues du malaise douloureux

Entonnèrent une sonate lourde, une toccata

Pleine d’explosions, de chants affreux,

Puis d’une longue coulée brûlante qui me brisa.

 

Le calme revenu, les baudruches de la musique

Nocturne enfin dégonflées, le souffle court

Et le cœur battant, mon œil de nouveau critique

Réalisa le désastre de mon état au petit cours.

 

Après deux jours à peine de solitude,

J’étais revenu dix ans en arrière.

Les mêmes symptômes somatiques rudes,

Les mêmes troubles de l’âme amère.

 

Seul le matin me convoya gentiment

Vers le présent, terrifié et à l’agonie

Que je fus quand je songeai dément

Qu’un jour mes enfants ne seraient plus en vie.

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