21 décembre 2006
La voix est grave et agréable ; elle berce doucement la tête ensommeillée d’un langage clair et posé, sans emphase ni diction sur-jouée. Cette voix est celle que l’on attend dans le matin froid qu’une lumière blanche vient iriser en se reflétant sur l’herbe gelée qui crisse sous les pas hâtifs.
Le ronronnement accompagne les accentuations qui viennent parfois émailler le discours tranquille et plein d’assurance…
Mais alors, d’où m’est venue cette violence qui m’a fait parler de balle dans la nuque ?
Le sénateur des rillettes a bel et bien, ce matin calme et interactive sur France Inter, plus débité d’âneries que de cochon, et la Sarthe s’est projetée en Corse par la grâce d’une métaphore charcutière.
Ainsi, pour les mêmes raisons que M. Jean-Philippe Smet s’est exilé à Gstaad en vue de protester contre l’I.S.F. et les droits de succession, les jeunes chercheurs français sans moyens émigreraient aux Etats-Unis. A l’audition de quoi je reviens au cochon en pensant à une andouille… Que M. Fillon dans toute sa simplicité hautaine en prenne conscience : si les jeunes chercheurs émigrent, c’est à raison du manque de postes disponibles en France et du manque de moyens attribués aux laboratoires par l’Etat français, et non pour échapper à des taux d’imposition fantasmagoriques, puisque de toute façon, ils sont quasiment tous non imposables…
Alors plutôt que de plébisciter des comportements antithétiques de la citoyenneté, qui légitimeraient sinon l’exécution sommaire des coupables, du moins leur expropriation complète au bénéfice de l’Etat (lequel pourrait ainsi augmenter le budget de la recherche, notamment fondamentale) et la déchéance de tous leurs droits civiques, M. Fillon ferait mieux de retourner à la charcuterie…
Quoique, en parlant de charcutage, l’intéressé a poursuivi son propos sur le contrat unique, lubie du patronat depuis la création du Code du travail ou presque. L’éminent conseiller politique de N. Sarkozy doit bien être au courant des conventions internationales de l’OIT, régulièrement signées et ratifiées par la France et ainsi intégrées au bloc de constitutionnalité, d’une valeur supérieure à la Loi française, pour affirmer qu’il serait possible de le mettre en place ! De la même manière, la pseudo-sécurisation juridique des fins de contrats entrerait en conflit avec l’obligation constitutionnelle de disposer d’un motif légitime de rupture dont doit être informé le salarié.
Voilà qui est parfait, les premières pistes jurisprudentielles sur le C.N.E. n’ont servi de rien, et M. Fillon s’entretient, au fond de son laboratoire sarthois de charcutage du Code du travail, de la douce illusion d’un pouvoir dont il ne disposera jamais.
La voix était donc calme, grave et posée, mais la représentation conjointe que l’on pouvait se faire de la forme et du fond de ses propos s’est avérée asémantique, alors que fondait la glace sur les brins d’herbe maintenant ondulés d’une douce brise.