Les yeux piqués, les membres tremblants, je prends le désespoir par derrière, rattrapé par ce lourd bolide, et happé, déchiqueté. Avant le choc, comme annonciateur de ma brièveté, j'ai rencontré un flocon de neige, dont le charme m'a absolument échappé.
Pris d'une insondable terreur devant les aléas quotidiens, je ne veux plus que dormir. J'aurais voulu plus que dormir, mais il faut savoir modérer ses ambitions... Peut-on faire plus obscur que ce ciel étrangleur ? Que cet invisible champ de ruines, dont chaque pan menace écroulement ? Peut-être suis-je plus sombre encore, me voyant encore en vie sans but, dans tout ce que la lutte du petit gris semble induire de vain ou d'inintelligible.
Je ne me plaindrai pas, parce qu'également atteint d'une subite stupeur morale, ce serait regardé comme indigne.
Alors je vais me fracasser la tête contre ce toit de tuiles, là, en face et à ma hauteur, dans une chute inexplicablement horizontale... Ou vais-je rebondir sur l'arête acérée de la charpente, en y laissant un membre ou deux, tremblant, et monter dans l'air froid, croisant encore un flocon que j'emmerde de sa blancheur, pour que finalement ma tête explose discrètement, sans gerbe de lumière, violette et gelée, comme ces lâchés de ballons pour la paix, comme la main qui écrit, celle qui devrait pouvoir donner la mort.