Comment dire ?
Des tas de fleurs jaunies à la lumière de piètres chauffe-plats, symboles de la pusillanimité plutôt que de l’émotion.
Des journalistes, certains à la voix étranglée par l’émotion et aux yeux scintillants dignes de Candy dans ses meilleures scènes, ou d’autres encore, présentateurs de télévisions d’information faisant habituellement du vide à partir du rien, prompts à répéter le prompteur de suivi des statistiques dans une forme de jouissance suspecte.
Des jeunes, plein de jeunes gens qui répètent que rien ne va changer, qu’ils continueront à boire des bières en terrasse et aller aux concerts, leurs sarcasmes émus étant ressentis par eux comme un pied de nez aux islamistes, presque révolutionnaire, alors qu’ils ne sont que témoignages d’un affligeant conservatisme : depuis quand la jeunesse se contente-t-elle d’un « Rien ne doit changer » ?
Et puis il y a « ces gens-là », les mêmes qui affichaient voici quelques mois « Je suis Charlie » sur les vitres de leurs open-spaces mais qui n’achètent toujours pas Siné Mensuel aujourd’hui, cédant à l’émotion rapide, à l’effet moutonnier (©Olivier Roques, 16-11) des hommages collectifs, dans la pseudo-protection de la foule agglutinée chantant le « Hallelujah » de Leonard Cohen mais toujours dans la version Jeff Buckley, encore plus empreinte de pathos que celle de John Cale, et donc la moins intéressante (cela étant, si on veut mettre les agités du turban en rogne, il n’y a rien de mieux que de chanter en hébreu en signe d’une appartenance à un monde judéo-chrétien que personnellement je vomis).
On se tient peut-être chaud mais rien ne saurait émerger du phénomène.
Alors quoi ? Les esprits tristes ont beau jeu de moquer les réactions d’hystérie d’émotion collective, mais en s’excluant de la célébration collective, ils se désolidarisent de la sainte union nationale contre l’ennemi extérieur et intérieur (dixit Valls ce 17 novembre 2015 sur France Inter vers 8 h 25), expression n’allant pas sans rappeler les douceurs du Maccarthysme.
Mon cul ! Les réactions pour le coup très judéo-chrétiennes de deuil sidéré, larmoyantes, agitant les mains vers des Cieux vides en implorant la pitié de l’espace interstellaire ne sont peut-être pas adaptées, à mon sens du moins. Coup de boule dans ta face et coup de genou dans tes couilles couronnés d'un bon bras d'honneur, voilà ce qui serait une réaction bien française.
Car qu’est-ce que le français ? Un Latino-Grec sous emprise judéo-chrétienne, comme on se plaît à le souligner un peu partout dans les médias ? Non, démographiquement, si l’on excepte le sud d’une ligne grossière Bordeaux – Montélimar, où l’on trouve des Basques, des Ibères et des Ligures (pas judéo-chrétien pour un sou, soit dit en passant), nous ne sommes qu’issus d’un vieux fond néolithique païen mâtiné de Celtes et de Germains, pas plus juifs, chrétiens ou orientaux que leurs prédécesseurs.
En revanche, tous ces ancêtres rassemblés ont forgé l’identité française : amateurs de vin et d’amour, de poésie et de musique, mais aussi, ce qui va naturellement avec le reste, grands spécialistes de la baston !
La bagarre, la critique grande gueule en étant toujours prêt à en venir aux mains pour soutenir son opinion, c’est le fond de notre culture celto-germanique, ce que les Romains et les Grecs inquiets soulignaient déjà avec Strabon, Hérodote, Tite-Live et Jules César, qualifiant de fous ces Celtes peinturlurés en bleu et combattant à poil en gueulant et complètement bourrés. Chez les Francs, le courage et la vigueur corporelle étaient les qualités premières d’un homme, reprises par les chevaliers francs et normands (création du Royaume de Sicile par les quelques gaillards de Robert Guiscard en 1061, croisades en infériorité numérique accablante avec saccage au passage de Byzance, jugée un poil trop raffinée…) jusqu’à l’invention des armes à poudre.
Et même après, la « furia francese » était notée par les Italiens lors de la bataille de Fornoue, ou encore avec le fantasque Bayard au pont de Garigliano en 1504 ; et Rocroi, 1643 : les qualités de courage et d’allant suppléeraient toujours l’infériorité supposée, en nombre ou en technique. « De l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace, et la France est sauvée » haranguait Danton juste avant Valmy, en 1792. Dans la victoire ou la défaite, ce caractère reste affirmé : Arcole, 1796. Austerlitz, 1805. Camerone, 1863. La Commune, 1871. La Marne, 1914. Et ce n'est pas le roman national que j'expose là.
Le problème déjà plus qu’entrevu avec Sedan en 1870 mais quelque peu oublié avec la revanche de 14-18, fut la débâcle de 1940. Nous en sommes-nous remis ? Cette lourde défaite et le paiement psychologique de la collaboration a transformé le corps collectif de la nation en pleureuse catholique éperdue, ressentant le signe terrible de la culpabilité (la pire arme de destruction massive d’esprits inventée par l’homme, base de la domination judéo-chrétienne dans nos mondes dits civilisés), en un mot une lopette bourgeoise et antirévolutionnaire qui se complait dans la culpabilité éternelle de la Shoah et a peur de petites terreurs rassemblées sous le nom d’une marque de lessive Procter & Gamble, parfaitement compatible fi sabil Allah (dans le chemin d’Allah) avec le libéralisme économique destructeur, la dictature des nouvelles technologies, c’est-à-dire l’avidité.
Mais ne désespérons pas : soixante-dix ans d’embourgeoisement ne peuvent pas changer la nature profonde d’un peuple. D’ailleurs, ma femme me dit toujours : « Tant mieux, il faut que ça pète, on verra après ».
Et elle a raison : tant que nous aurons l’impression d’avoir plus à perdre qu’à gagner dans le combat quotidien, nous ne serons que de viles merdes. A la fois Filippo Tommaso Marinetti dans le manifeste du futurisme en 1909 et Walter Ulbricht en 1947 l’avaient remarqué : le bien-être ne se trouve que dans le combat.
Redevenons les fous intrépides que nous sommes au fond ! Revenons au vin et à la bravoure, au coup de boule ! Aux armes, citoyens ! Abattons le système qui a permis à la lessive de s’en prendre aux citoyens en ne leur donnant d’autre espoir post-crise et chômage que l’accumulation et le renouvellement de biens matériels, et non l’aspiration à la liberté !
Fraternité et égalité ne sauraient exister sans la liberté, et la liberté n’est jamais donnée à un peuple d’esclaves résignés et larmoyants.
Aux armes !
(ndla : pas dans le sens de Donald la Trompette et de ses potes de la NRA, hein ? On s'est compris...)