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Hontes

Souffrances, amour, désespoir, moquerie, musique et philosophie... La vie, quoi !

Intrusion

Publié le 29 Septembre 2005 par Luc in Marseille (du 2-4-97 à février 1998)

 

Avoir la nette certitude de ne plus ressentir l’envie de vivre, dans un monde bien fait, devrait suffire pour une venue instantanée de la mort. Tout se déconnecte dans la machine suite à un ordre précis et circonstancié, puis le black-out final, irréversible, irrémédiable.

 Malheureusement, nous vivons dans un monde imparfait, où d’autres considérations que sa propre volonté de jugement sont à envisager. Encore des concessions que des trouble-fête m’imposent de faire tout en me détourant de ma non-envie de vivre.

 

En effet, n’ai-je pas affirmé plus haut qu’un ordre précis et circonstancié pourrait seul aboutir au résultat recherché ? – Or tant de choses à penser, qui reviennent à autant d’instructions concomitantes, troublent la réception des organes mécaniques vitaux. Ordonnez-vous au cœur d’immédiatement cesser d’irriguer le cerveau que dans une étrange fusion, il perçoit « Mon Dieu que cette fille est jolie ! » ou « Quels crétins absolus, ces boys-bands ! »…

 

Voilà que je deviens plus léger dans le propos… Quelle perfide intrusion étrangère a éreinté mes pensées de mort ?

 

 

Demain je reprendrai la direction, du nord. Tout au long du trajet, chaque endroit dépassé à vive allure insinuera de nouveau en moi les souvenirs jusque lors cachés. Parcourant l’Ardèche, me reviendront en mémoire ces paysages désolés et brûlés par le soleil, entourés de contreforts montagneux sur lesquels sont juchés des villages comme creusés directement dans la pierre. Remontant vers la Drôme, je verrai encore la laideur de la nature rhodanienne et l’impureté de l’air.

 

Le dégoût commence de monter.

 

Puis Lyon se découpera derrière les vitres, évidemment balayées de pluie et de froidure.

 

Celle-ci aura depuis longtemps envahi les cœurs et ne marcheront le long des allées si propres que des visages gris sans rien au-dedans.

 

La course se poursuit et je m’écœure un peu plus.

 

Puis surgiront au détour d’un brouillard le Morvan et l’auxerrois, si magnifiques pour n’être pas peuplés. Et tout de suite après, la Grande Couronne, la petite, Villeneuve Saint Georges la noire de suie.

 

Mon sourire renaît.

  La gare de Lyon.

 

Je suis presque hilare.

 

Mais durant le trajet, seule une image m’a poursuivi : celle de deux femmes, petites, grasses et laides, qui se félicitent de mon dégoût ; l’une suce des bonbons à la menthe, l’autre déblatère des insanités. Tiens, en voilà une troisième, un peu moins grosse, plus grande, mais d’une stupidité apparemment effrayante. Elle suit les deux autres sans broncher. Elle ne vient même pas de ma fuite en arrière. Elles se contentent d’exécuter à nouveau leurs actes pavloviens comme si je n’avais jamais existé.

 

Alors je remonte à Paris ; ai-je vraiment existé ?

 

 

 

L’image d’Ivan le Terrible succombant à la traîtrise de Latochka, celle de Yermak, l’attaman kozaki, venant de voir la mort voiler le regard d’Aljina-Alima, et finalement lui-même tiré ou noyé, se mélangeant dans un brouillard confus duquel il ne ressort que seule la mort est au bout du chemin, quels que soient la gloire et les exploits accomplis.

 

Que dire dès lors devant une vie nettement moins féconde en rebondissements ?

 

Koutchoum, Toumen résonnent de plus en plus lointainement à mes oreilles rêvant de gloire et succombant torpides à la moindre incartade mordorée d’un imprévu smaragdique… Tel est-ce…

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