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Hontes

Souffrances, amour, désespoir, moquerie, musique et philosophie... La vie, quoi !

Aube rouge

Publié le 13 Mai 2008 par Luc dans Humeurs froides (du 2-1 au 23-3-96)

Nous marchions, l'air interdit, l'herbe gelée crissant sous nos pas. Serrant les mâchoires pour ombrer nos visages, nous ne respirions que par le nez, en évitant d'embuer la vision du ciel.

Le dessous des nuages se rougissait, puis la couleur se dégradait vers le haut, du blanc au gris, au noir. La lumière jaune jouait avec les formes volutées et rondes des masses lentes et laineuses, orangées et teintées de carmin.

Plus bas, le blanc régnait, aveuglant, que même un léger filet de brume n'arrivait à atténuer. Alors les regards se sont affaissés vers le sol de pierre, pris d'allégement, pour voir les doigts et les oreilles tomber, et rebondir une fois, mollement, sur la surface glacée.

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Le Couple (2-12)

Publié le 9 Mai 2008 par Luc dans Le Couple (essai satirique)

  Mais qu’est la chienne actuelle, entre les années 90 et le siècle nouveau ? Bien… rien de bien différent des traits caractéristiques de ses illustres aînées : séduction maladive, arrivisme et ambition démesurée, insouciance des coups portés au partenaire du moment, fin peu glorieuse…

  Séduction maladive, ce n’est plus à prouver. Que la rue soit brouillée, aux trottoirs gras et luisants, dans l’hallucination de la lumière de falots et de réverbères jaunes, ou claire lorsque s’y écrasent les rayons du soleil soulevant la poussière sèche [1], on les remarque toujours, ces jambes plus ou moins fuselées, ces fessiers rebondis et poitrines hâbleuses ou arrogantes, ce maquillage outrancier jusqu’en sa discrétion. « Au plaisir du voyeur » semblent-elles lancer quand elles passent en tenue légère devant leur fenêtre au vis-à-vis si proche, vaquant apparemment à leurs occupations ménagères ou habituelles.

  Il en va de même au cours des longues soirées enfumées dans lesquelles le monde se décentre, puisque possédant désormais autant de centres que de chiennes présentes. Chacune va s’arroger l’importance, par quelque moyen que ce soit. On remarquera aisément la suggestion lourde de la volonté de contact, traduite par un dialogue sensuel et collant avec une éventuelle victime, les visages n’étant plus séparés alors que par quelques centimètres, les yeux plongeant les uns dans les autres. L’homme se berce de douces et crapuleuses illusions, escomptant bien ne pas terminer la nuit seul. Mais à ce moment, par une étrangeté électrostatique, la distance se reprend et il reste pantois… Assis dans un fauteuil, on peut ressentir les effluves et le frôlement de celle qui passe et repasse près de vous sans pour autant engager la conversation. Captieuse, insidieuse interprétation des faits et gestes ! On ne sait sur quel pied danser, ni n’ose l’invitation. La chienne aime séduire, ce qui relève pour elle du vital obsessionnel et fantasmatique, ce sans quoi elle ne saurait vivre. Chaque pas qu’elle fait procède de cette nécessité d’attirer l’attention masculine, sexuellement pour les plus jolies, intellectuellement pour les autres. On peut aussi envisager ce trait de la séduction sous l’angle pathologique.

  Schizophrénie en ce sens que le monde apparaît à leur vision de manière déformée puisque excentré ; or le caractère endogène du centre d’intérêt n’est pas viable à long terme, sauf à sombrer dans l’incohérence présageant de l’aliénation de la capacité à se soustraire du système créé ainsi que de la désagrégation psychique. Paranoïa certainement : comment ne pas qualifier de délire systématisé d’interprétation le fait de passer impunément deux heures dans une salle de bains pour de simples ablutions ?!

  Cette volonté constante de se bonifier physiquement, malgré les ironiques expressions marquant sa mise en échec, telles que « se ravaler la façade », s’insère dans un vaste et frénétique mouvement de psychose particulier au groupe féminin considéré.

  Arrivisme et ambition démesurée sont deux autres traits topiques chez la chienne, mais gardons-nous bien de n’y voir que le versant professionnel.

  En effet, nombre d’entre elles demeurent au fond du thalweg, comme en constituent les plus parfaites illustrations les « métiers » de caissière de supermarché, esthéticienne, coiffeuse, fleuriste, tenancière de kiosque à journaux, dame pipi, avocate, executive-woman, écrivaine, politicienne, etc… C’est dans le sens « tout et tout de suite » qu’il faut entendre les deux notions, en soulignant le corollaire évident « à n’importe quel prix ».

  On peut parler ici de l’étudiante en philosophie, qui est évidemment à la philosophie ce qu’est Eric Serra à la musique. Elle avait choisi cette voie suite à la fascination ressentie pour son professeur-initiateur en terminale. Faute de pouvoir conclure sur-le-champ avec lui, elle se devait de pousser la tentative de séduction jusqu’à adopter ce cheminement, insouciante du lendemain mais ne supportant pas l’échec. En vain… Mais prise au jeu, elle se met à intégrer la philosophie dans ses objectifs de vie, et, par un utilitarisme que Feuerbach, Hume, Beccaria ou encore Bentham et Mill n’eussent pas démenti, s’en sert pour surajouter une patine, un vernis culturel et réfléchissant à son besoin pathologique de séduction. La causalité adéquate, entendue dans le sens de la fameuse relation de cause à effet spinozienne [2], devient un mode de vie, et il ne faut pas nier l’étroite imbrication de tout ce qui caractérise la chienne, avec, au sommet du système de représentation, la séduction.

  La liberté s’avère pour le coup quelque peu absente dudit système, mais le seul concept de démarche utilitariste la rend sans raison d’être [3].

  La philosophie n’est donc pas un but en elle-même, mais un moyen pour assouvir un besoin.

 

  Cette caractéristique se retrouve dans toutes les études suivies par la chienne, une bonne et longue scolarité chez elle demeurant cependant l’exception.

  L’arrivisme, l’ambition acquis, il convient de définir leur démesure, mêlée d’une absence totale de sens de l’humour. La corrélation dragueur-chienne fait ressortir un certain malaise : si le premier utilise les procédés les plus courants (« rentre-dedans », fleurs, restau, danse, pot amical…), tout se passera pour le mieux. En revanche, s’il se trouve partisan d’un second degré dans la méthode d’approche, succédané visant à oublier sa timidité ou ses tares physiques, tout va devenir plus délicat à gérer. En effet, si ce second degré procède d’une ironie apparemment mordante, destinée de prime abord à obtenir le sourire de la future victime de ses sévices, puis à lui sous-entendre non sans ambiguïté « Je m’intéresse à toi », le manque d’humour de la chienne aura pour conséquence une réaction très négative, laquelle prendre deux formes principales :

  D’une part, un déphasage dans l’analyse : elle pensera un sommaire « Quel con ce mec ! » relevant à l’évidence du premier degré, et ne poussera certainement pas plus loin les prémices de l’aventure. D’autre part, si elle passe outre, elle pourra s’auto suggérer que l’ami potentiel respire une force qui serait probablement néfaste à son insatiable volonté de domination, le transformant de ce fait en ennemi mortel à éradiquer sans délai. La puissance de caractère de l’homme décourage et révulse la chienne éprise de pouvoir… Elle appréciera a contrario le « brave gars », finaliste du concours régional PACA des idiots du village, jouet modelable à merci (ou plutôt sans) entre ses mains avides et ivres de puissance, parfaitement insoucieuse de l’impact des coups portés à ce partenaire de passage.



[1] Image empruntée à Hölderlin, ce qui me donne l’occasion de vitupérer contre l’honteuse « Parataxe » de T.W. Adorno, incompréhensiblement intégrée dans « Hymnes, élégies et autres poèmes de F. Hölderlin », Flammarion, 1995.

[2] Spinoza établit entre une idée et son objet la double relation de cause à effet et de modèle à image. Une idée est en effet l'effet d'une certaine cause. Ensuite, l'idée est effet, mais aussi image de sa cause-modèle.

Hem… C’est pas super clair… Pour une bonne vulgarisation de la notion, je vous invite à relire « Jacques le fataliste » de notre bon Diderot ! 

[3] Dans la théorie utilitariste l’on considère que le bonheur public est au sommet de la hiérarchie des critères éthiques ultimes, c'est à dire que toute action individuelle ou collective sera évaluée comme bonne ou mauvaise selon qu'elle conduit ou non à la maximisation de ce bonheur. Ainsi toute action sera jugée utile ou inutile selon qu'elle mène ou non à la réalisation de cette fin suprême. Or la liberté est regardée dans cette théorie comme un bien subordonné au bien suprême qu'est le bonheur collectif. Autrement dit, si la liberté est en général une condition préalable et nécessaire, en cas de conflit, c'est toujours le bien suprême qui l'emporte. Par conséquent, si une action met en conflit la liberté et le bonheur, la première sera sacrifiée pour faire prévaloir le second.

Qu’est-ce donc ce bonheur sans liberté que nous propose l’utilitarisme ?

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Des recours possibles contre les décisions de la HALDE

Publié le 6 Mai 2008 par Luc dans Cercle noir (du 26-2 au 17-7-08)

L’intervention épique de Louis Schweitzer ce matin sur France Inter me donne l’occasion de revenir sur cet OJNI (objet juridique non identifié mais ô combien dangereux) qu’est la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, dite HALDE ou la hallebarde…

 

Sociologiquement, cette courte interview a eu le mérite de nous asséner toutes les données du moment : la victime est reine ; la victimisation est un sentiment moderne et naturel ; l’appartenance à une minorité visible ou non fait présumer l’existence d’une discrimination et la HALDE met toute son organisation au service des trois principes susévoqués, par des moyens d’enquête, de médiation transactionnelle, de transmission de dossiers au Parquet et de constitution de partie civile le cas échéant, ainsi que de recommandations ou délibérations.

 

La gravité de ces actes et le pouvoir exorbitant dont cette hallebarde dispose pourrait raisonnablement laisser penser que les principes généraux du droit (et notamment celui du contradictoire, celui du droit à un procès équitable et des garanties de la défense) devraient trouver à s’appliquer par la possibilité de moyens de recours contre les actes (ne parlons pas encore de « décision ») de cette autorité.

 

Il conviendra donc en premier lieu de définir la nature juridique de cette institution, avant d’envisager le régime qui est applicable à ses décisions, avant de conclure par les possibilités de recours et la compétence juridictionnelle en la matière.

 

 

1. Sur la nature d’autorité administrative indépendante (AAI) de la HALDE

 

La HALDE est qualifiée d’AAI par l’art. 1er de la loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004 portant création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité. La question de sa nature juridique est donc résolue par le législateur.

 

 

2. Sur le régime juridique applicable aux AAI

 

Des principes jurisprudentiels ont été dégagés sur le fondement de l’art. 6-1 de la CEDH relativement aux notions de procès équitable impliquant le respect du contradictoire et une mise en demeure préalable à toute sanction

 

Deux décisions majeures sont dans ce cadre à citer : CE Ass. 11 mars 1994 SA La Cinq, p. 118, s’agissant du CSA ; CE 21 février 1996 Mutuelle antillaise des assurances et a., s’agissant de la Commission de contrôle des assurances.

 

Ces décisions concernent des organismes dotés d’un pouvoir de sanction, contrairement à la HALDE, mais ce motif est à mon sens inopposable puisque si les AAI ont pour caractéristiques communes de ne pas être des juridictions dont les décisions seraient revêtues de l'autorité de la chose jugée et relèveraient du contrôle de cassation, ni des personnes morales distinctes de l'Etat et si le Conseil d'Etat estime, en première analyse, que le critère de l'autorité doit conduire à ne ranger parmi les AAI que les instances détenant un pouvoir de décision, cette restriction ne semble pas toujours pertinente. En effet, le pouvoir d'influence exercé par certains organismes a conduit le législateur à les qualifier d'AAI : Comité national consultatif d'éthique, CNCIS, CNDS.

Les avis ou les recommandations de ces instances sont très souvent suivis par les responsables auxquels ils sont adressés. Elles exercent donc une véritable autorité, confortée par la stature morale de leurs membres et par la publicité de leurs rapports. Le Conseil d'Etat aboutit finalement au même constat, considérant que « peu importe de ce fait que les autorités administratives indépendantes n'édictent pas toutes et exclusivement des décisions exécutoires dès lors que leur pouvoir d'influence et de persuasion, voire « d'imprécation », aboutit au même résultat » (Office parlementaire de l’évaluation de la législation, sur le rapport Gélard) ».

 

Le caractère de décisions faisant grief de la part de la HALDE ne nous paraît guère douteux dans ce contexte (qu’il s’agisse de rapports ou de saisines du Parquet).

 

En outre, la Recommandation n° 9 du Rapport du 15 juin 2006 du sénateur Gélard (Les autorités administratives indépendantes : évaluation d'un objet juridique non identifié, Tome 1) est rédigée comme suit : « L'Office recommande l'adoption d'un cadre législatif définissant les règles applicables aux procédures de sanction, afin de tirer, pour toutes les AAI, les enseignements de la jurisprudence construite par le Conseil d'Etat à partir des principes définis à l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ».

 

Les travaux parlementaires aboutissent donc à la nécessité de légiférer dans le sens du respect intégral de la CEDH par les AAI.

 

Au surplus, il faut encore que l'activité des AAI soit soumise à un contrôle démocratique, conformément à l'article 15 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, intégré au bloc de constitutionnalité via le Préambule de la Constitution de 1946, aux termes duquel « la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration ».

 

 

3. Sur les recours juridictionnels contre les décisions des AAI

 

La décision du Conseil constitutionnel du 17 janvier 1989 dite « Conseil supérieur de l'audiovisuel », a consacré le droit au recours contre les décisions des autorités administratives indépendantes.

 

Par conséquent, sur la compétence juridictionnelle : « Enfin, la nature administrative des AAI signifie que, si celles-ci ne sont pas soumises à un pouvoir hiérarchique ministériel, elles agissent cependant au nom de l'Etat et engagent sa responsabilité. Le mode de désignation de nombreux membres de ces autorités, qui fait appel aux autorités politiques (président de la République, présidents des assemblées, Premier ministre, ministres) et aux plus hautes autorités juridictionnelles, contribue également à leur donner un caractère administratif. » (Rapport Gélard, préc.).

 

Nous considérons donc que les décisions faisant grief de la HALDE, notamment pour violation des principes généraux de la procédure d’enquête, devraient pouvoir faire l’objet de recours devant les Tribunaux administratifs.  

 

Mais, chers concitoyens, ce n’est pas le cas à ce jour, puisque bien au contraire, le Conseil d’Etat, dans sa décision Sté Editions Tissot du 13 juillet 2007 a fermé la porte du recours direct pour excès de pouvoir, la réservant simplement aux cas ou « la Halde entendrait procéder, en usant des mesures de publicité appropriées, à des recommandations de portée générale exprimées en des termes impératifs », donnant ainsi à la direction de la HALDE le mode d’emploi pour éviter tout recours pour excès de pouvoir.

 

En cas d’abus, comme cela a été constaté de nombreuses fois (les enquêteurs de la Halde ayant manifestement trop regardé de séries policières américaines au vu de leurs méthodes d’investigation et de conclusion…), on peut imaginer que demeure ouverte la voie de l’engagement de la responsabilité de l’Etat en plein contentieux, sous réserve de pouvoir justifier d’un préjudice (CE 13 juillet 2007, Dame Abric)… dont la modeste condamnation pour les actes d’une autorité ne dépendant pas de ses services ne sera acquise qu’après sept ou huit ans…

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Shame, humility, revenge...

Publié le 5 Mai 2008 par Luc dans Arbeit (du 16-10 au 29-12-95)

Morne tombée de flammes, et l’étendard en berne sous moi, enflé, qui hiberne. Trois chevrons sont montés fièrement pendant que mes yeux gonflaient et que le corps se recroquevillait sur le souvenir de la chaleur. C’est l’inquiétude de ce teint huileux, cireux, de ces traits grossiers, qui dans le froid m’a toujours fait regarder le sol. J’y ai découvert, en subissant la honte, l’humilité mêlée de rancune, la solitude, semblable à celle d’une plaque de goudron à côté d’une autre plaque de goudron. Et la confiance dans l’atome…

Je suis petit nucléon libre dans son petit champ…
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Relabor (en hommage à Friedrich Hölderlin)

Publié le 2 Mai 2008 par Luc dans Murs gris - ciel blanc (du 23-9 au 23-12-96)

De retour dans une atmosphère étonnamment dégagée, je ne parviens pourtant pas à dormir, regrettant les jours passés d'activité profuse, de paroles prolixes et de rires simples. Tout cela s'est évanoui sitôt refranchi le seuil du domicile, signifiant travail et abnégation. Une fois de plus, je ne rêve qu'échappatoires et faux-fuyants. De subtiles ersatz d'évasion, tout en éprouvant les pires difficultés à assumer ce qui doit être, pour avoir imaginé follement ce qui pouvait ou devrait être.

Je parle de souvenirs nécessaires que le rêve n'entrecoupe plus de créations sensibles. La nuit, mes yeux demeurent ouverts et la conscience ne se laisse que peu de temps bercer par l'illusion de la fatigue. Le sommeil ne viendra pas ce soir encore. Alors il faut bien réfléchir, mais l'analyse à laquelle il est procédé est antithétique de la création. J'en reste à chercher le pourquoi du vécu, au lieu de m'interroger sur le comment vivre.

Cela étant, le ciel bleu et la température fraîche me rassérènent en donnant l'envie de rentrer chez soi, profiter de la lumière sur les murs clairs. Jouer encore avec ses doigts dans les rayons chaleureux du soleil éclairant une fine poussière. Elle se dépose doucement sur mes jambes immobiles. Je la regarde faire. Le soleil explose, la poussière sèche.

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La juste mesure du bonheur

Publié le 30 Avril 2008 par Luc dans Jours décisifs (du 6-1 au 5-3-97)

Nous marchions, tout un groupe joyeux sous le soleil commençant à peine à décliner. Du chemin rocailleux à la glèbe collante, nos pieds avançaient sans heurts ni meurtrissures, une main balayant devant qui s'accrochait parfois à l'épine d'une traître ronce. Malgré la condensation qui s'exhalait de nos bouches, nous ne ressentions que chaleur et vigueur, quand nous eussions supporté la lourde et immobile fatigue restés confinés dans nos tours citadines.

Puis vinrent les côtes escarpées et glissantes, à l'instar des rochers moussus, précaire piste pour des pieds peu habitués. Dans les glissades pourtant, plus de joie que de crainte et de risque, l'œil écarquillé entre une fontaine de vie et l'élébore fétide. Les cris des courlis le disputaient au faucon pèlerin et à la buse, attirés par le vol rapide de la mésange à longue queue.

Puis le postérieur solidement rivé aux longues herbes de lande, la discussion est naturellement légère. Le froid gagne. Il nous faut repartir, finissant par la course pour éviter que la nuit ne l'emporte sur notre trop courte randonnée, qui ferait presque oublier toute contrainte. Un peu de bonheur à savourer à sa bonne mesure...

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Connerie...

Publié le 29 Avril 2008 par Luc dans Murs gris - ciel blanc (du 23-9 au 23-12-96)

Un souffle aussi stupide que rocailleux vient balayer le précaire édifice. Je savais être exténué ce matin, pour trop connaître cette sensation de malaise, la vue qui se brouille, la respiration difficile et les yeux enflés qui n'attendent que de se clore. Il suffit d'un rien, de ce souffle dont je parlais, pour laisser hurler les vapeurs tourmentées un peu à l'étroit dans leur étau de raison.

Ainsi fut fait, et la haine des larmes sur un visage pas même diaphane a rencontré mon mépris empli de froideur, lequel s'emporta. Ivre de sa victoire sur l'inconscience, le désordre et l'enfantillage, il força le menton à se redresser et le pas de s'accélérer. Ce n'est qu'alors que je sentis la fatigue. Les jambes s'alourdirent dans une avancée désormais pesante, mais il faut bien marcher... Le mal être n'apparaissait encore que physique. Une fois à destination, le mépris ravalé et... méprisé, un simple appel, calme et posé, oublieux des luttes, absolument dispensé de rancune, aurait dû tout arranger.

Il n'en a rien été. Cette fois, le dégoût a répondu à ma tentative d'effacement, et l'écho de l'appel s'est tu brusquement dans une envolée de bêtise. La grande féérie de la connerie, le défilé martial des petits Mickeys de l'idiotie, le grand feu d'artifice du quatorze juillet de l'incompréhension... Je pourrais allonger la litanie à loisir, comme ces airs entraînants que l'on peut compléter de ses propres couplets jusqu'à ce qu'il fasse soif. Mais revenons-en au Tout.

Des frissons ne provoquant pas une once de plaisir me parcourent le dos et les flancs. J'ignore s'il fait froid et m'en moque bien au demeurant. Je tente en fait d'imaginer la suite possible à l'impéritie d'une bêtise incontrôlée. Chacun de son côté ? Séduisant mais inconcevable. Ensemble ? J'allais dire concevable mais peu séduisant, mais décidément, je n'ai pas le coeur à l'ironie facile.

Un matin ensoleillé, comme il n'est pas de coutume, supportant une lourde dépression... La vie et la météorologie ne procèdent donc pas d'une même analyse, pour des conséquences évidemment différentes. L'amusement s'éloigne de moi : notre polarité est identique. Je jure comme un charretier : peut-on vraiement m'en concevoir rigueur ? Apparemment oui, et je trouve cela désolant. Alors dépité, vidé comme après un lâcher de ballons, je ne pense pas reprendre la route tout à l'heure. Je m'assiérai là, le dos tordu et voûté, pour réfléchir à la phénoménologie, l'essence des choses et des êtres, tout en sachant qu'il ne me sera rien rapporté, sinon une tromperie ou un dépit supplémentaires. Après la joie, l'espoir me quittera (nous sommes aussi de polarité identique).

Je deviens petit, noir, rectangulaire et métallique. Nous y sommes. Je suis un petit aimant oscillant, tournant sur lui-même à toute vitesse. A peine attire-t-il la pièce inversement polarisée située non loin de lui, que son mouvement désordonné et rotatif la fait s'éloigner aussitôt. Ita est.

Je renonce à m'interroger sur les raisons qui ont présidé à cette dissension, sur le phénomène comportemental qui a accompagné ladite, ou sur l'effervescence nerveuse qui s'est ensuivie, achevée par un piètre ramollissement du corps et de l'esprit.

Puis le travail, fascinant en ce qu'il m'extériorise du monde pendant le temps qu'il reste prenant. Je suis une dilettante qui a besoin d'une activité soutenue, sans faille ni temps mort, pour ne pas sombrer. Si cela devait advenir, je ne resterais pas sur le pont pour saluer l'horizon tumultueux ; je crois bien que je descendrais dans ma cabine pour vider quelques verres, et m'attèlerais à souhaiter une mort rapide, sans douleur. Lorsque tout avait si mal commencé, comment s'étonner une seconde que la fin ressemble tant au début...

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Jours de vacuité

Publié le 28 Avril 2008 par Luc dans Vivre... par dépit (du 24-6 au 20-9-96)

De ces jours de vacuité qui vous forcent à infléchir la vision rassurée que vous avez des choses, dans leur certitude avérée... Confronté non encore à l'ennui, mais à ses prémices, j'aspire difficilement, avec des douleurs aux reins et aux poumons, une grande bouffée d'air, pour penser, qui est la première forme de l'action. Il va falloir essayer d'éviter l'introspection en racontant une histoire.

J'ai donc appris, avec une joie non dissimulée, que l'un de ces moricauds en collants moule-burnes alliant strass et paillettes venait d'être la victime d'un léger incident. On le revoit : outre les collants, il offre à la vue effarée des grasses présentes, parfumées à la vulgarité et à l'huile d'olive, un fessier rebondi, bien mis en valeur par une cambrure excessive. Il repousse ses épaules vers l'arrière, faisant saillir la poitrine surmontée d'une tête gominée au port altier, terminée par un petit chapeau ridicule. Dans ses mains, une longue cape rouge dont l'armature [et c'est alors qu'il ne faut pas se tromper : l'homoncule est dangereux] est constituée d'une épée.

Le petit monsieur joue alors à pigeon-vole avec un animal excité à blanc par des piquiers semblant lui jeter des sorts comme des brachmanes sur des statuettes avec de fines aiguilles. L'animal racle le sol sous les yeux ivres de sang (et d'huile d'olive) de la foule méditerranéenne en délire. Dans les roses de graillon et les hurlements, il ne lui en faut pas beaucoup pour se mettre dans cet état proche de la catalepsie.

Le cadre posé, une voix à l'accent d'oïl réconfortant donne indifférente la nouvelle par la peau d'une radio aigrillarde :


           
José Machinchouettos II (ou III), El Nano, est mort cet après-midi dans les arènes de Séville, encorné par deux fois au thorax. Il est décédé avant même d'avoir atteint l'infirmerie de l'arène.


Et on dit que la morosité gagne les esprits ?! On se demande bien pourquoi lorsque les nouvelles sont aussi bonnes.

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A journée de merde, nuit absurde...

Publié le 18 Avril 2008 par Luc dans Sourires jaunes (du 25-3 au 21-6-96)

            - Grésillements -           Un, citation énervée : "A mon sens, l'écriture, s'adressant à une personne douée de l'entendement, doit consister en autre chose qu'une suite de syntagmes préétablis, dénués de toute vertu explicative tant que de la plus élémentaire stylistique".

                                               Deux : quelques pas dans la nuit déserte m'avaient arraché à la lourdeur enfumée de la pièce confinée. Le crachin s'appliquait avec soin sur mes traits clairs, qui manifestaient exceptionnellement une certaine envie de sourire, comme agités d'un souffle de réjuvénation. Nous marchions donc, quelque peu dépités cependant de la morne quiétude de l'endroit. Revenus au cloisonnement et n'y trouvant que corps endormis lorsque nous songions être partis à la recherche de la grande bouffe, de l'orgie, l'abattement nous a saisis. Lui en repartance sur les chemins pluvieux, moi vers ma couche...

                                               Trois : insomnie répétitive. Plus las que fatigué, j'aurais pensé pouvoir m'évacuer de la nuit, m'épargner les retournements de situation. Tout autour de moi grésillaient les cohortes du sommeil, enferrées dans des sons trop audibles. Tous mes efforts ne servaient de rien pour extraire les tympans des roulements réguliers du sommeil. Ouvrant démesurément les yeux, je vis une lune artificielle avec une violence singulière. Je n'eus pas même la velléité de réagir au bruit strident qui secouait mon désarroi.

                                               Quatre : avais-je inventé le sommeil en conscience ? A voir ma mine déconfite au matin sans aube, je devine plutôt toute la fatigue et la vieillesse d'une conservation involontaire de conscience, laquelle n'eut donc pas l'excellente idée de se mettre... en sommeil.

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Le Couple (2.11)

Publié le 17 Avril 2008 par Luc dans Le Couple (essai satirique)

DEUXIEME PARTIE : LES ERREMENTS

I LES FEMMES

Oderint dum metuant.

L’élément féminin respire, c’est un fait. On vante souvent sa capacité de « faire la part des choses », sa diplomatie, sa résistance, son courage et je ne sais quelle autre aberration. Soulignons ici, simplement, les deux types essentiels de femmes : la chienne et la brave idiote.

La chienne : vulnerant omnes, ultima necat

J’imagine de mon séant les premières réactions féminines outragées : cri strident confinant à l’ultrason pour les suppôts du M.L.F. et des Chiennes de garde … Mais c’est pas possible ! Ignoble macho ! Salaud ! Réac rétrograde (en passant sur le pléonasme) ! Le tout pour rester poli.
Mesdames, afin de vous calmer préventivement, lisez attentivement le portrait que je brosse de l’homme quelques pages plus loin…

Gageons que votre intelligence (matérielle, soit, mais intelligence tout de même) vous entraînera à ne pas vous offusquer d’une dure réalité… « Ti, ki izzivaš » s’applique à ma dégénérescence.
Lorsque je disserte de la chienne, il ne faut surtout pas entendre le concept aussi subtilement qu’un Johnny dans « Les Vautours » ou « Que je t’aime », ni y voir une quelconque malédiction islamique, bien que les musulmans ne se soient guère trompés en couplant avec « chien », donc « chienne », l’adjectif « infidèle » (remplaçant utilement Tintin dans l’expression « Chien de roumi ! »), pour former le syntagme le plus Vrai depuis le jardin d’Eden. Eve ne tenta-t-elle pas de se débarrasser de son petit copain Adam pour vivre enfin au grand jour son idylle coupable avec le serpent ? La première femme du genre humain aimait les pommes, dont chacun connaît l’effet salvateur sur la mauvaise haleine, laquelle était toute naturelle après avoir sucé le reptile charognard.

Encore une histoire coupable et zoophile, celle d’Eurydice, morte de plaisir dans la bouche d’un serpent : Orphée le Thrace, fils de Calliope, dut oublier la poésie, le chant et la musique pour se coltiner avec Cerbère, et lorsqu’il s’aperçut qu’il avait oublié son briquet au bord du Styx dans leur remontée en canyonning-trekking, il se retourna en bousculant malencontreusement celle pour laquelle il venait de s’humilier. Clytemnestre, fille de Tyndare et Léda, épouse d’Agamemnon, mère d’Oreste, Iphigénie et Electre, pour la raison mesquine de n’avoir pas supporté le sacrifice d’Iphigénie, de concert avec Egisthe, son amant, tua son mari de retour de Troie, mais fut à son tour très logiquement assassinée par Oreste, son propre fils. Sans ajouter l’affaire Hippodémie, qui lors de ses noces avec le héros thessalien Pirithoos, roi des Lapithes et accessoirement ami de Thésée, provoqua les centaures dans une danse du sexe effrénée ; ces derniers firent un carnage digne d’une feria nîmoise…
Puis il y eut Agrippine la jeune , mère de Néron : son ambition dévorante la fit épouser en troisièmes noces l’empereur Claude, son oncle, lu fit adopter son fils, puis l’empoisonna pour placer Néron sur le trône. Celui-ci, travailleur et intelligent, la fit assassiner.

Etc. On commence à deviner qu’il ne fait pas bon de rester chienne trop longtemps… Restons dans la famille, et abordons le cas de Messaline, femme de Claude, aussi, dont elle eut Britannicus et Octavie : Narcisse la fit massacrer pour n’avoir que trop supporté son ambition (une qualité typique de la chienne) et sa vie dissolue (idem).
Il en retourna de même pour Zénobie, devenue reine de Palmyre après la mort suspecte d’Odenath, feu son mari : elle orna le triomphe de l’empereur Aurélien et mourut peu de temps après. Comment oublier l’impertinente Hérodiade qui épousa en secondes noces son beau-frère Hérode Antipas et conçut le meurtre de Jean le Baptiste !
L’une d’entre elles a pourtant bien terminé : Bethsabée, qui épousa David, lequel venait de faire passer l’arme à gauche à son mari Urie : qui a parlé de moralité ? Elle en accoucha de Salomon, dont l’absence de jugement sérieux est demeurée fameuse. Et Frédégonde, femme de Chilpéric 1er par la grâce de l’étranglement de Galswinthe, précédente femme de ce roi de Neustrie ; elle commit d’infects crimes de nature sexuelle marquant sa rivalité avec Brunehaut, sœur de la défunte Galswinthe.
La belle Isabeau de Bavière aimait trop festoyer, les jeunes hommes, comme avant elle les belles-filles de Philippe le Bel à la Tour de Nesle : elle vira des Armagnacs aux Bourguignons au gré de ses aventures sans lendemain et finit par reconnaître, modestement, Edouard d’Angleterre, son gendre, comme héritier du trône de France au détriment de Charles, futur septième du nom, un peu à la façon dont Mahaut d’Artois a dépouillé de son légitime héritage son pourpre neveu Robert.

Valentine Visconti, quant à elle fille du duc de Milan, intrigua et envoûta jusqu’au roi de France Charles VI, frère de feu son époux Louis d’Orléans, à l’aide de ses tarots (on dirait aujourd’hui « horoscopes »).
Eleonora Dori, dite la Galigaï, femme de Concino Concini, le chevalier de la plume (della penna), intrigua également. Outre ses relations lesbiennes avec Marie de Médicis, elle ruina le Trésor… mais ne survit guère à son mari. Le couple maudit vit son affaire réglée au mieux des intérêts de l’Etat (elle fut décapitée comme sorcière) par notre bon Armand du Plessis de Richelieu, dont il faut ce jour encore louer la saine influence sur le jeune roi Louis XIII.
Enfin, sans s’alourdir sur les cas irrécupérables d’une Pompadour, d’une Sévigné ou pis encore de George Sand, je terminerai par l’archétype de la chienne : Anne de Bretagne, fille de François II dont même Louis XI ne parvint pas à se débarrasser, non contente de se faire prendre sauvagement par Charles VIII puis par Louis XII (quelle santé, la vieille !), les maria tous les deux en apportant, rien que ça, notre chère Bretagne en dot. Sa trahison demeure aujourd’hui encore dans toutes les mémoires

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