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Hontes

Souffrances, amour, désespoir, moquerie, musique et philosophie... La vie, quoi !

Le Couple (2.22)

Publié le 27 Juin 2008 par Luc in Le Couple (essai satirique)

  Le question-réponse type du célibataire parce qu’il ne peut faire autrement… Le malheur le frappe sourdement s’il est intelligent avons-nous dit, mais divinement, la part de bêtise inhérente à l’homme le sauve le plus souvent de tels atermoiements : au bout du compte, à l’instar de la chienne et de la brave idiote, et surtout s’il est totalement inepte, il trouvera chaussure à son pied. Dans ce contexte, l’idée même de changement de partenaire, de modification dans le rythme relationnel, le révulseront, et il rejoindra la masse du couple. Sa seule peur désormais sera de perdre celle qui a miraculeusement voulu de lui comme conjoint. Peu importe la mort tant qu’elle ne part pas. L’obsession ne cessera de se rigidifier avec les années, en adoptant toutefois une attitude apparemment très différente de celle des débuts (esclave admiratif et bavant devant sa maîtresse), plus proche de ce que nous pouvons concevoir comme la normale, mais à fond inchangé : il sera tour à tour le morpion, fermement accroché au poil de celle qui l’a conquis ; le bouledogue répugnant, aux sorties et réceptions bien sûr, de crainte qu’un quidam plus avenant que lui ne lui prenne sa domina, en notant parallèlement que celle-ci ne possède généralement guère plus d’atouts que lui !

  Le célibataire parce qu’il ne peut faire autrement mais qui a finalement réussi à forniquer (période sotêr ou nikatôr, selon…) s’accouplera plus naturellement avec une brave idiote qu’avec la chienne. Cela me rappelle une scène merveilleuse, dont l’acteur principal n’était autre que l’un de ces couples curieusement constitués : lorsque la fille s’exclama, de manière complètement innocente et dans le cours d’une discussion sans rapport avec son couple :

 

- Mais enfin ! Il n’y a pas que le physique qui compte ! -

 

  … partant d’un bon sentiment mais s’échauffant quelque peu, et que dans le même temps je sentis la face de notre ex-célibataire s’assombrir sensiblement alors que la discrétion et l’impassibilité le caractérisaient depuis toujours, je ne manquai pas de relever ostensiblement (ou ostentatoirement ou visiblement, c’est comme vous voulez) l’offense en enfonçant le clou avec perfidie. Si je suis souvent lourd et déphasé, là, je suis resté peu léger mais parfaitement en phase puisque ayant saisi la perche énorme que l’on me tendait. Les autres personnes présentes ne tardèrent pas à m’emboîter le pas pour le haro sur le baudet. Celui-ci ne pouvait rétorquer quoi que ce fût, sinon opposer piètrement une mise de six pieds de long à sa dulcinée, laquelle, s’apercevant de l’interprétation analogique pour le moins in malam partem que l’on (enfin… je…) avait fait de sa remarque, s’en trouva dès lors toute abasourdie et gênée. A eux deux ensuite de réagir à leur manière, en s’embrassant tendrement devant l’assemblée moqueuse : le verbe ne leur fut d’aucun secours, et il est notable que chez ce célibataire, l’obstacle linguistique, ajouté au peu de faveur que la nature lui a accordé physiquement, va s’avérer insurmontable en tant que le langage est un moyen de séduction incontestable et incontesté.

 

  Le « smooth operator » lui est une notion étrangère. Qu’il se comporte de manière copinarde dans le style troisième mi-temps de rugby, c’est à dire outrancièrement volubile et grossier, par provocation apparente, ou qu’il s’affuble d’une timidité maladive, son rapport au langage n’est que violence. Il reçoit la parole comme un coup, de façon brute et définitive, un premier degré épuisant en somme.

 

  Nous l’avons observé, il s’est convaincu de sa propre laideur, mais que quelqu’un le lui confirme ouvertement et il prendra cela comme une agression intolérable. Son absence totale de sens de l’humour sur le sujet de son physique le rend réactif à toutes observations, suggestions, remarques… insultes, incluant même celles qui ne le concernent en rien.

  Les plus audacieux se prennent parfois à vouloir couper l’herbe sous le pied des éventuels sectateurs de sa médiocrité corporelle et donc détracteurs de sa beauté même intérieure, mais ce sera pour lui un violent, pénible et douloureux effort, un travail acharné pour obtenir le sourire dans l’autodérision.

 

  Ici encore, le fond demeure inchangé. Sa stupidité proverbiale l’empêchera même d’aspirer à de plus hautes ambitions tant il se persuade de ses faiblesses.

 

  L’obstacle langagier resurgit lorsqu’une femme, chienne ou brave idiote, lui adresse la parole avec des idées plus que sous-entendues quant à leur proche avenir commun. Il fera preuve d’une cécité absolue, par peur et manque de confiance, lassera l’interlocutrice, voire la complexera, et longtemps après, une fois la vision éclaircie, se mordra les doigts, se fustigera, se flagellera… d’avoir raté une telle occasion… Sombre destin…

 

  Son impuissance linguistique ne se limite donc pas à la réception, mais a aussi trait à l’émission. Deux options s’offrent au célibataire parce qu’il ne peut faire autrement : la timidité, laquelle fait de sa communication plus une pantomime qu’une conversation. Ses réponses s’interprètent à l’aune de la couleur arborée.

 

-          Rosissant = satisfaction,

-          Pivoine = joie,

-          Coquelicot = sentiment d’être flatté,

-          Erubescent = loup de Tex Avery inhibé à la vue et surtout au contact de la fameuse pin-up…

 

  Mais…

 

-          Pâleur = mécontentement,

-          Blanchissement cadavérique = colère,

-          Tremblements diaphanes = furia, folie violente…

 

  On peut intégrer toutes les nuances dans le tableau.

 

  La seconde est la volubilité excessive, très différente cependant de l’incessant babil de la brave idiote en ce sens que la violence n’est plus provoquée mais endogène, inhérente à sa complexion. Il lui faut dans cette hypothèse contrer l’insupportable haine qu’il éprouve pour lui-même par la création d’un masque ironique, railleur et plein de gouaille, sinon de fiel.

  Il pressent, à défaut de savoir que l’égocentrisme pathologique de l’immense majorité du genre humain aura le plus souvent pour conséquence une introversion de la victime, et dans le cas contraire, une réaction offusquée ou épidermique qui ne pourra que contribuer au ridicule de la personne originellement agressée.

  Schéma classique, certes, mais qui ne facilitera pas plus que le mutisme du crétin évoqué supra l’échange avec la femme, ce petit être fragile qui nous domine pourtant, de l’amibe à la baleine en passant par la mante religieuse. Bien au contraire, il se produit fréquemment un effet étrange : la femme se persuade à la vision de tels malotrus de leur confiance supérieure en eux-mêmes, et supposent une grande force animée d’une farouche volonté de réussite, soit le portrait exactement inverse de la réalité de la situation. Le regard de la femme est alors une sorte de miroir déformant qui provoque inévitablement l’insatisfaction chez le célibataire, puisque la conséquence se trouve sensiblement identique, voire pire que celle vécue par son silencieux homologue… De là, on retombe sur la fameuse maxime « Oderint dum metuant », et il sera alors aisé de verser sa coulpe dans une autre direction.

 

-          Ou l’on s’assagit et augmente ses chances de fonder le couple en tentant l’aventure simplement, c’est à dire en ménageant les susceptibilités et rabattant son caquet (ce qui revient à devenir muet et abruti),

 

-          Ou l’on finit par devenir le célibator [1], le célibataire intellectuel, chaste et hargneux.



[1] C’est à dire l’antithèse du nikatôr précité… Un Terminator de l’isolement, un Don Juan de l’assassinat verbal…

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