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Hontes

Souffrances, amour, désespoir, moquerie, musique et philosophie... La vie, quoi !

Rêve 61 Noyade vers le Vercors

Publié le 30 Juin 2008 par Luc in Cercle noir (du 26-2 au 17-7-08)

Tout a commencé par des cris de joie, entrecoupés de rires, alors que des clapots égayaient encore l’atmosphère derrière la porte de cette salle de bains. Je la pousse prestement et constate la présence d’Arthur, le fils d’Hervé, étrangement juché sur une chaise haute en forme d’échafaudage, la construction étant disposée au-dessus des toilettes. Ses rires continuent à mesure qu’il provoque avec ses pieds des remous dans l’eau souillée du cabinet. Ses bruits m’ont empêché d’entendre ceux d’Erwann, prenant son bain dans la baignoire voisine, vers laquelle, soudainement assailli par une angoisse oppressante, je me précipite. J’y vois rapidement le corps de mon fils, flottant immobile à plat-ventre.

Je me jette sur lui et l’extirpe de l’eau. Il n’a aucune réaction alors même que je suis persuadé de l’avoir senti prendre sa respiration… Mais non, il doit être bien noyé et ma mortification commence.

 

Il lui faut donc courir, à ce vieil homme, pour échapper à sa terrible condamnation. C’est sur son lieu de travail, un grand et magnifique immeuble dix-neuvième contribuant à former l’enceinte d’une place arborée avec d’autres monuments de même nature, que je vois entrer l’homme vêtu d’un chapeau mou, de lunettes de soleil et d’un imperméable noir qu’on aurait cru découpé dans du papier cartonné, tellement ses arêtes et angles paraissent exagérés. Il a dans la main droite un trente-huit spécial à silencieux. A travers les larges fenêtres, je le vois abattre un premier homme derrière son bureau, puis s’approcher du cadavre afin d’en vérifier l’identité.

Le vieil homme profite de ce court moment d’inattention du tueur de papier pour bondir de dessous son bureau jusqu’à la fenêtre proche, l’enjamber lestement et courir à bonne allure vers le parc central de la place. Le tueur s’en aperçoit sans tarder et vise la cible mouvante, qui s’écroule sans un cri.

J’ai néanmoins remarqué que le vieil homme avait chu avant que ne me parvienne à mes oreilles le pop caractéristique du pistolet à silencieux. Est-il rusé, ce vieillard ! Il s’est laissé tomber pour s’offrir un peu de temps. D’ailleurs, sitôt le tueur disparu par le couloir de la pièce d’où il avait tiré, l’homme se relève et reprend sa course, laquelle s’infléchit vers moi. Il approche. Plus près. Plus près encore. Il me passe à travers, et c’est moi qui me retrouve à courir pour éviter que le tueur me rattrape.

Je ne prends qu’alors conscience que je suis à Montpellier et que le but de ma fuite est le Vercors. Je cours à une vitesse démesurée dans un Montpellier qui s’offre désormais à moi industriel et gris, étant sorti de la place par une petite rue pentue.

 

Que me sert-il de courir ainsi sans but ? Je décide de demander ma route à un passant, qui s’arrête gentiment mais me demande plus d’explication sur mon but précis. Il est vrai que le Vercors… Je me saisis de mon téléphone mobile, pour constater que je n’ai plus qu’une barre de batterie, la réception réseau étant à peu près au même niveau. Je n’aurai donc droit qu’à un essai. Je me résous donc à appeler Olivier, qui se déclare heureux de m’entendre, et commence par me dicter un itinéraire hallucinant à partir de Montpellier : Saint Dié, puis Ozier, puis la départementale numéro je ne sais plus quoi. Je répète à haute voix ce début de trajet et me retourne vers l’endroit qu’aurait dû occuper le passant. Celui-ci à dû s’impatienter puisqu’il a disparu et que je me retrouve dans le flux de sortie d’une synagogue. Le ballet des kipas n’arrange rien à mes affaires. A ce qu’un homme me dit, je réponds :

 

-          Ouais ouais, c’est ça, shalom aussi…

 

Je décide donc de reprendre ma course en suivant les panneaux signalisant les autoroutes. Jamais je n’ai couru ainsi, sans essoufflement, presque un vol. Les nœuds routiers se multiplient et les panneaux indicateurs vieillissent sans mesure, leur peinture racornie et écaillée demeurant à la limite du lisible. Avant qu’il ne s’efface complètement, j’ai le temps de découvrir le message de l’un d’eux : Nîmes – Lyon. Le Vercors donc. Je m’engouffre dans la bretelle et me mets à agiter stupidement le pouce droit de bas en haut.

 

Rapidement une voiture s’arrête. Je suis donc sauvé. Loin le tueur cartonné, digéré le vieillard parasite qui s’était immiscé en moi, mais toujours là, la mort de mon fils. Je m’apprête à prendre place à l’arrière, peu exigeant sur les destinations et le nombre de kilomètres possiblement parcourus, et constate rapidement que cette voiture était en vérité un autobus de bonne taille. Un autre auto-stoppeur en profite pour monter également. La conductrice de car est blonde et pour être tout sauf grosse, n’en possède pas moins une solide armature. Est-elle allemande ou autrichienne ? En s’étirant assise sur une banquette d’un air très satisfait, elle dit :

 

-          Alors comme ça, j’en ai deux pour moi…

 

Tandis que l’autre homme et moi étions assis côte à côte, elle vient s’allonger sur nos cuisses, en fermant les yeux et prenant une posture ensommeillée, sa tête sur ses bras sur les jambes de l’autre homme, le bas de son buste et ses jambes sur moi. En cherchant sa position, sa courte robe vieux rose est remontée jusqu’à son nombril, me dévoilant son pubis clair, ne comptant plus que quelques poils noirs et drus taillés en forme de minuscule soleil. Je décide de prendre aussi un peu de repos et pose ma joue sur ce pubis avant de fermer les yeux. J’entends une voix de petite fille approuvée par sa grand-mère :

 

-          Il pique !

-          Et oui ma petite…

 

J’ignore à qui s’adressait cette remarque de la petite fille, mais comme à mon habitude, je la prends pour moi, pas bien rasé ce jour-là il est vrai. Sentant sur ma joue les velléités de repousse des poils pubiens de notre Allemande endormie, je me dis que je ne suis pas nécessairement le seul. Je rouvre un œil pour me goberger du spectacle calme et magnifique qui m’est offert : ses lèvres sont exemptes de tout poil, merveilleusement lisses et d’une douceur incomparable, que mon doigt effleure et confirme. Ma joue brûle devant un Montpellier industriel en flammes, en route vers la seule destination valant encore, celle d’Erwann vivant.

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