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Hontes

Souffrances, amour, désespoir, moquerie, musique et philosophie... La vie, quoi !

Le Couple (3.22 & 3.31)

Publié le 12 Septembre 2008 par Luc in Le Couple (essai satirique)

  Alors l’expulsé importun jouera la grandeur outragée, en s’éclipsant dignement, non sans avoir tendrement enlacé et baisé ses enfants, qui n’ont d’ailleurs jamais autant été siens depuis bien longtemps (!), le tout sans accorder un regard à son avachissement de désormais ex-femme.

 

  Si en revanche c’est cette dernière qui décide de partir, le canevas exposé ci-dessus va s’en trouver fondamentalement modifié. Elle ne remettra pas les pieds à l’ancien domicile conjugal. Son premier souci sera de présenter ses enfants déchirés à leur futur beau-père. En effet, la femme ne part que lorsqu’elle est assurée d’un domicile et d’un homme, certes, mais aussi de confortables revenus. L’instinct maternel (ou matériel, je ne sais plus) lui fera rarement défaut par la suite… Elle fera interner dans un établissement spécialisé sa dispendieuse fille psychologiquement troublée grande et consommatrice d’antidépresseurs divers, parce qu’elle ne va pas passer sa vie à surveiller cette irresponsable. Elle exaltera l’émulation entre son fils et son conjoint, tellement sainement qu’il en arriveront, en plaisantant naturellement, aux mains.

 

  Le point commun de l’homme et de la femme en ces années difficiles est l’argent, polarité d’intérêt unique des premiers mois suivant la séparation. Conciliation et non-réconciliation, frais prohibitifs d’un avocat se contentant d’imprimer un modèle type de saisine et d’apposer sa main sur les écrouelles du couple (pardon, la convention de partage des biens), jugement froid et impersonnel d’un magistrat pressé d’en terminer, validation judiciaire finale n’intervenant que longtemps après, fixant ainsi une situation juridico-pécuniaire cause de tous les maux…

 

  Finie la vie plus ou moins facile, au profit des pensions alimentaires, qu’évidemment on ne réévaluera pas chaque année comme cela était inscrit dans le jugement, parce que les gamins ne doivent pas trop tirer sur la corde. Les prestations compensatoires seront ressenties par leur débiteur comme indues ; alors on cessera de les verser à la première occasion, c’est à dire la première aventure de l’époux délaissé, ou sitôt que trop d’eau aura coulé sous les ponts pour que le créancier s’engage dans une quelconque procédure de voies d’exécution…

  Arrive le temps catalyseur d’intelligence pragmatique des lobbies d’influence développés par chacun des deux parents avec leurs enfants. Ils ourdissent leur trame minable non pour être plus ou mieux aimés de leur progéniture, mais bien pour emmerder l’autre haï(e). On est bien loin du Nobel !

  Les enfants feront-ils le dos rond, exposeront-ils leur violence réprobatrice, qu’ils seront toujours les victimes (pas si innocentes que cela, soit dit en passant [1]) du florilège de manœuvres élevé par leur ascendance.

  Alors les ex-époux vont vivre leurs sordides amourettes d’un temps révolu, se vêtir jeune, revoir les anciens camarades, revivre la greffe imaginaire d’un nouveau sexe, le symbole exténué d’une pomme d’amour sans arbre de la connaissance, dans un quartier de laquelle demeure planté, coquin, un dentier ou un bridge, ou une couronne, qu’en sais-je… Je ne suis pas dentiste.

 

  L’inanité de cette vie, d’un apparat de liberté, ne va les inciter qu’à commettre à nouveau les mêmes erreurs… Le remariage, ou des gosses s’ils ne sont pas déjà trop vieux (qu’ils les conçoivent ou qu’ils en deviennent beau-père ou belle-mère).

 

Mais être relapse a coûté la vie à la bonne Jehanne. Logique : la mort est la raison finale de tout.




III

 

L’ECHEC FINAL

 

Mors ultima ratio [2]

 

 

  La mort du couple peut intervenir à tout moment, du jeune couple éreinté au vieux statufié d’ennui…

 

  Pour le premier, il s’agit donc de prémices de l’échec, lesquels me forcent à l’inaction. Alors je reviens vers moi…

 

 

- la fin de mon premier jeune couple - 

 

Un rythme haché et inachevé m’entraîne dans des directions insensées, des percussions métalliques de tôles froissées, dans une atmosphère de crachats et de verres brisés. Je vois ton visage ; je vois ta sœur et la mienne, ce navire où m seule utilité était de te servir de faire-valoir ou de matelas. Tu m’enflammes, et j’y perds quelques forces, mais je peux fuir, toujours… Quoique l’envie de venir te retrouver me pèserait de temps à autre… En as-tu réellement envie ? Je me et mens à tous sur ce point, dans une forme de désespoir hautain et mondain, lorsque les stridentes sonneries d’alarme m’arrachent les tympans.

   Le fracas cesse. L’épouvante demeure, telle moi, crispé sur les mâchoires, époumoné, bancaire… Certains yeux s’enfoncent dans les orbites plus bas que la racine des pissenlits : les nôtres. Ô toi, je vais te retrouver… Les embruns caressent déjà mes mains dont la hâte montre le trouble… Mais qu’est-ce que j’écris là ! Suis-je donc devenu idiot ?! Toutes ces conneries ! J’y crois à peine !

 

- fin de la fin de mon premier jeune couple -

  

  Le jeune couple s’éteint aussi facilement qu’une bougie, sensible aux courants d’air issus des portes sous lesquelles l’homme ne peut plus passer, qui provoque un peu de fumée immédiatement après la dernière incandescence, volatile [3] comme peut l’être la femme.

 

  Le jeune couple s’achève aussi petitement qu’il s’est conçu, à l’image de sa fugace existence, alors que le vieux couple ! Ah pardon ! Celui qui par ennui et habitude, par installation et grévinisation n’a pas divorcé ; celui que l’on admire pour sa longévité, sa quiétude bonhomme, des papys et mamys gâteaux qui ravissent l’infans, financent l’enfant, écœurent l’adolescent et financent de nouveau l’adulte qui se croit dès lors en obligation, juste réciprocité, d’inviter les vieux à manger, voire consentir à se déplacer vers l’intérieur aux senteurs de naphte et de mort des généreux mécènes…

 

  Cette chose âgée pue la mort, par son vocabulaire médicamenteux, sa tolérance moraliste empreinte de bon sens et d’antisémitisme, entre Le Pen et Buffet. Le vieux couple exhale comme une impression continue de dernier soupir qui se trouve trop souvent n’être que le pénultième, et en attendant, la note de France Telecom ne cesse de tomber, aussi régulièrement que le rythme de vie de cet amas d’artères desséchées et écaillées. Brel a écrit le meilleur du genre dans sa chanson « Les vieux », dont le lecteur pourra insérer le texte à la fin de ce chapitre, tellement il pose le sensé.

 

  A voir, cette légitime tristesse éprouvée lors de la mort d’un membre de vieux couple (et lors de l’oubli immédiat qui s’ensuit pour les membres de la famille), dont le conjoint (enfin surtout l’homme, incapable d’assumer à moyen terme quelque tâche ménagère que ce soit…) ne lui survit guère en général. C’est vrai, la femme survit plus facilement, comme en atteste le cas de l’infâme bien que défunte Jeanne Calment [4], responsable incivique du trou de la sécurité sociale.

 

  Qui peut se vanter ou targuer d’aimer les vieux, en couple de surcroît ? La vieillesse est désolante. Les corps décrépis, les tissus flasques… On ne peut apprécier de constater l’état végétatif d’un homme ou d’une femme que l’on a connus en meilleure forme. Ne fait-on pas remarquer à ses jeunes collègues qu’ils ont pris quelques kilos ? Qu’un bouton de fièvre (ou un herpès) disgracieux leur pousse dans l’aile du nez ou sur la commissure des lèvres ? Le jeu est anodin, mais le pratiquer avec les vieux apparaît comme incongru. Peut-être ne tuons-nous pas les vieux couples, songeant au simple fait que nous sommes destinés à appartenir à leur monde chimérique de regrets du bon (vieux) temps.

 

Quant à moi, beau aujourd’hui comme un crématoire, je suis un homme qui mange son pain noir…



[1] L’innocence des enfants est une aberration. Si l’on ne peut nier le traumatisme psychologique que leur inflige le divorce de leurs parents, leur approche se révèle parfois très utilitariste, par le jeu des enchères, matérielles ou sentimentales, dont ils sont les organisateurs et dont les participants nécessairement perdants (financièrement ou en termes de respect) sont les parents.

Parallèlement, il s’agit pour les enfants d’acquérir leur liberté, leur autonomie à tout le moins, en étant acteurs de l’équilibre de la terreur des premières années suivant le divorce des parents.

[2] Fugit irreparabile tempus, « la mort est la raison finale de tout » : la haine, l’envie, tout s’efface au trépas.

[3] J’hésitai cependant entre les différentes significations de ce mot, non seulement en raison de sa polysémie, mais aussi en tant qu’il peut constituer un bloconyme.

-          Polysémie : « qui passe spontanément ou facilement à l’état de vapeur » (l’évanescence de la femme), ou « qui a des ailes, peut voler » (sa facilité à nous quitter à tire d’ailes), ou encore « ensemble des oiseaux » (faut-il alors entendre « poule », « pie », « perruche » ?).

-          Bloconyme : il peut être issu de « volage » et « futile ». L’eussé-je composé en sens inverse que j’aurais obtenu « fuage » (FU-tile et vol-AGE), donc « fouage », soit un impôt à payer par foyer : la femme n’est-elle pas cet impôt que l’on endure dans un but de procréation ?

[4] Madame Jeanne, non contente de n’avoir en tout et pour tout travaillé durant sa vie que son revers et son coup droit avant de s’offrir un petit verre de Porto quotidien, s’est même permise, quelques mois avant sa mort, de sortir un CD de dance (« La farandole », dont je conseille l’audition à tous ceux qui aiment rigoler) pour acheter prétendument un minibus à ses collègues moins aisés… Et alors quoi ! Pour les faire arriver aussi à 122 ans ? Pour faire monter nos cotisations d’assurance vieillesse à 50 % du salaire brut ? C’est une honte ! C’est un scandale ! (clin d’œil au Vrai faux journal de Claude Villers en 1992 sur Inter).

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J
Merci Luc ! Ce soir encore quelques textes lus... Toujours un agréable moment qui participe à l'ouverture de l'esprit. A la prochaine...
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L
<br /> Merci "Jepréfèreresterdiscret", dont le caractère laconique et néanmoins agréable des rares interventions ne laisse de titiller mon insatiable curiosité !<br /> <br /> <br />