Lettre à une amie

Tu en es donc là aujourd’hui, ce déni du passé teinté de renoncement. Ne regrette rien de ce que tu as vécu avec lui : le jour où tu l'as rencontré n'était pas maudit, aucun temps n'a été perdu, rien n'est irrémédiablement gâché ou terni, et ressentir le contraire laissera toujours en toi une colère bileuse, une plaie béante que je ne saurais te souhaiter, pour la constater chaque jour ou presque dans le cœur de tellement de femmes (des mères, des amies divorcées, des amoureuses éconduites...). Je te dirai également de ne pas succomber à l'attirance de l'action, du mouvement perpétuel et étourdissant qui perd et trompe plutôt que ne soulage ou n'aide à l'oubli faussement salvateur. Le changement regardé comme fuite n'est qu'un renoncement coupable à ton être vrai. Il est dur de se résoudre à supporter, seule semble-t-il, les aléas du monde proche et lointain, lorsque t'attendrait la vague de plaisirs d'un ailleurs considéré comme nécessairement meilleur que l'ici et maintenant, mais je suis intimement convaincu que cette épreuve est une porte obligée, celle de la force et de la sérénité finalement retrouvées, seul chemin vers la vie nouvelle.