Carmencita

Ce fut non sans éprouver une certaine crainte que j'ouvris le courriel que tu eus la gentillesse de m'expédier. J'imagine de principe qu'en nos époques, la correspondance peut soit faire pâle et obsolète figure, soit, voire, susciter méfiance et recul. Je me réjouis, après toutefois une décade de frayeur dans l'examen attentif de tes mots, de constater qu'il n'en fut rien pour toi ; mais cependant, la problématique demeure identique. Quelques heures d'une heureuse rencontre (dont à l'instar d'Ernst Jünger je ne veux qu'oublier le caractère dangereux) ne sauraient faire oublier, tu le soulignais toi-même, notre méconnaissance mutuelle.

Alors, il convient d'éviter l'indélicatesse de la précipitation, la hâte fautive, la légèreté blâmable dans les échanges heuristiques qui nous occupent. Quelle déferlante de questions pourtant aurais-tu eu à subir de mon barrage ébréché si je lui avais lors d'un lâcher sauvage laissé libre (et anarchique) cours ! Toutes interrogations d'ailleurs pouvant tenir en une, Qui es-tu ?, trop ample, curieuse et grossière pour trouver une réponse.

Une joute verbale (enfin... scripturaire en l'occurrence) à fleurets mouchetés ne m'en apprendrait pas plus sur toi que l'impatience irrémissible de la première hypothèse, soit que nous nous perdions de vue au profit du seul langage dans cette dernière, soit que tu te détournes prophylactiquement pour cause d'agression intime dans la seconde.

L'alliance d'une plume leste et d'un esprit lourd et faible (tous adjectifs pouvant d'ailleurs être intervertis sans que le sens général s'y perde !) ne me donnent qu'au doute et à la terreur, dans l'angoisse absolue de mal faire, d'être laid et ridicule...

J'y songe, maintenant...

Ce sera ma première question.

Connais-tu cette angoisse ?