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Hontes

Souffrances, amour, désespoir, moquerie, musique et philosophie... La vie, quoi !

eternel retour de fin (du 1-5 au 14-10-11)

Xanadu

Publié le 6 Septembre 2012 par Luc dans Eternel retour de fin (du 1-5 au 14-10-11)

Tant d’images se pressent à mon souvenir embrumé, et mon souci de cohérence se berce encore de l’illusion de la rationalité, du bon ordonnancement des relations de cause à effet, mais tout ça, c’est trop grand pour moi.

 

Comme Hölderlin, je ne chercherai aucune raison profonde, et me contenterai sobrement de constater le jaunissement subit de l’index de ma main gauche, tandis qu’un rayon de soleil se serait frayé un passage à travers les canisses et viendrait caresser amicalement ma tempe battante.

 

Je devrai me résoudre à la modestie, l’humilité presque mais point trop n’en faut, d’une vie collective, où nous observerions un baby-foot, tellement désireux de faire une partie à quatre, qui se trouverait complètement délabré, avec la barre des milieux rouges tronçonnée en son milieu et hâtivement réparée grâce à du scotch de déménagement et ne lui enlevant en rien les torsions la rendant parfaitement non maniable. Il y aurait aussi, puisque je ne jouerais qu’à l’arrière compte tenu de mon caractère profondément défensif, la barre détruite des arrières bleus, les deux défenseurs raides étant remplacés par d’autres figurines en provenance d’un autre jeu, rattachés à une tige en plastique vert de type Subbuteo, se terminant par un petit cube de mousse isolante jaunasse et permettant des mouvements semi-circulaires, un prodige au baby foot dans une atmosphère conviviale de bar îlien.

 

Je renoncerai à tous mes projets absurdes et moins absurdes, vainement conscient de ce que je n’ai rien à apporter à ce monde sinon un regard.

 

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Rechute

Publié le 10 Août 2012 par Luc dans Eternel retour de fin (du 1-5 au 14-10-11)

Je m’étais cru guéri, fut un temps.

La chaleur revenant,

Le sang coulant plus vivement dans mes veines,

Le corps trépidait à nouveau,

S’enthousiasmait presque de pouvoir encore

Se donner.

 

Depuis deux nuits, une autre forme

D’agitation, que je connais si bien,

S’est emparée de moi.

Ma pensée avale les distances

A une vitesse folle, en multipliant

Les brusques changements de direction.

Je suis ballotté de part et d’autre,

En tous sens, émeri le long des murs

Blancs, tandis que ma tête s’obstine

A tourner de droite et de gauche

Pour signifier son désaccord

Silencieux.

 

Se donner ! Ah !

Le froid revenant,

Tout fluide se ralentissant en moi,

Mon corps me lâche à nouveau,

Pris d’un intense dépit pour un temps

S’être cru guéri.

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R101 Uchronie

Publié le 12 Juillet 2012 par Luc dans Eternel retour de fin (du 1-5 au 14-10-11)

Je suis à Paris, en formation probablement, et tue le temps le temps de régler les modalités pratiques de mon retour. Dans un hall d’université, la Sorbonne puisqu’une discussion littéraire sur le romantisme attire mon attention, se trouvent trois jeunes étudiants qui moquent gentiment ce concept. J’interviens en me redressant de ma position avachie en disant :

 

- C’est sûr, il y a du vrai dans vos propos,

mais pour que les envolées lyriques et sanglantes,

ces images exagérées et pleines de pompe

et ces situations extrêmes de souffle toujours haletant

ne deviennent pas ridicules, il faut du génie. -

 

Une jeune fille sans charme à la chevelure brune ondulée abonde à mesure que je m’affaisse de nouveau dans la banquette marron, perdant l’attention générale. Une autre fille brune, les cheveux soigneusement tirés en arrière, à la peau autant reprochable que son œil s’avère brillant, aborde le problème collatéral de la qualité des traductions dans l’expression du génie chez les romantiques. Cette fois, c’est à mon tour d’être d’accord ; je rassemble mes dernières forces pour reprendre le crachoir.

 

- Exact ! Sans parler de France Prešeren, Przybyszewski, vous connaissez ?

Il écrivait en allemand comme Goethe et s’était lui-même traduit en polonais,

ce que chacun s’était dès alors accordé à considérer

comme un grand massacre de l’œuvre originelle, De Profundis,

et bien figurez-vous que c’est à partir de cette version là

que l’œuvre a primitivement été traduite en français !

Après ça, on ira s’étonner que personne ne connaisse Stanisław en France ! -

 

A peine avais-je achevé la moitié de ma phrase… haletante… que deux jeunes filles étaient déjà parties et que la dernière ne me jetait plus que des regards nerveux, gênés et nauséeux, de temps à autre, par pure politesse nonobstant le non-lieu absolu de ma présence ici. Je le réalise bien en m’avachissant plus encore, croisant de mon regard les jambes de celle qui est restée.

 

Je me relève avec difficulté, pose mon cartable sur le pupitre, l’ouvre afin d’y trouver le détail de mon trajet de retour, sur le billet électronique, les heures de départ et d’arrivée m’intéressant très vivement depuis le camouflet subi. Après tout, peut-être est-il déjà l’heure de se mettre en route, avec un peu de chance, pour sortir de cette ambiance sentant trop fort le mépris à l’égard de ma personne. Je saisis mon portable, l’allume et constate avec désagrément qu’il me demande de renseigner l’heure, comme après une coupure de batterie. La date sombrement surlignée s’avère quant à elle intangible : nous sommes le 25 juin 1988, trois jours avant l’obtention de mon permis de conduire, le jour précis où j’écrivis ces lignes :

 

- Encore des combats, de la violence…

Les pensées embuées se délaissent le long des âtres éteints.

Je joue seul, pitre, l’idiot qui donne le rire aux autres.

Je ne fréquente guère les salons, où l’on boit en courant,

Sous les ponts où courent les rats de ma vie ;

Ne pouvant entendre le dernier son du soir.

Je tue et suis tué, me moque et suis hué.

Saleté, viscosités, on baigne le sang ;

Sois pur, avec finesse, sois plus doux et attaque

Sans relâche vers le son et la lumière des rats.

L’effet se provoque, il n’y a qu’à… -

 

Rien ne change donc, même à vingt-trois ans d’intervalle, je suis toujours un idiot, laid et sans intérêt. Mais quelle est cette date !? On est le 1er mai 2011 ! Calmons-nous, l’effet se provoque, il n’y a qu’à… Je m’enquiers avec néanmoins une certaine discrétion de la date auprès d’un étudiant qui me la confirme, l’air soupçonneux. Je suis abasourdi, et finis par demander tout haut, par désespoir, si pour quelqu’un ici nous ne sommes pas le 25 juin 1988. Un jeune homme chevelu me fait signe et nous nous dirigeons d’un pas rapide vers sa voiture. Une fois assis, portes et fenêtres closes, il m’explique que lui aussi est la victime de distorsions du temps depuis quelques jours mais que l’on s’y fait.

 

Cette accoutumance progressive contribue à éclaircir l’étrangeté que pourrait constituer de prime abord le fait de rouler sur une bande de bitume sans signalisation au sol, tracée au sommet d’un terril, à une vitesse folle et deux roues dans le bas-côté de poudre noire. Le conducteur finit par dévaler le terril à toute allure avant d’atterrir lourdement sur une départementale. Des centaines d’animaux se mettent à traverser la route, que nous traversons sans coup férir. En solo, par couples ou triplettes, des kangourous bruns, des chiens oranges et des bananes jaunes se jettent sous nos roues comme des bars de machine à sous qui disparaissent au premier contact sans percussion. Pendant cet étrange manège, mon conducteur m’indique qu’il connaît un centre où l’on se remet bien des uchronies.

 

Allons-y donc, puisque mon train ne partira que dans un peu moins de vingt-trois ans et que dans l’attente je suis un réfugié du temps.

 

Ce pourrait être un endroit qui ressemblerait à Sainte Maxime, Place Jean Mermoz pour être précis, mais qui constitue au principal le grand champ clôturé d’un entrepôt pentagonal. Après avoir garé la voiture, nous parvenons à une entrée du bâtiment, anguleuse, de béton blanc et verre fumé. Nous poussons la lourde porte d’acier, nous retrouvons dans un couloir sombre et marronnasse pour parvenir à une pièce dans laquelle les gens s’avèrent sombres et concernés. Mon pilote et moi-même sommes invités à rejoindre d’autres personnes dans notre situation.

 

J’y reconnais tout de suite va paotr goz Tristan qui d’un coup de cil me fait comprendre qu’il faut se casser d’ici, où de fait nous sommes des prisonniers. Nous n’avons pas besoin de parler, un échange de regards suffit.

 

Quelques minutes plus tard à peine, alors que tous les détenus sont assis en silence dans le grand open-space, je profite avec lui d’un allègement momentané de la surveillance invisible et nous courons dans le couloir finalement orange sombre grâce à la lumière d’où nous nous extirpons. Nous passons la porte et Tristan se met à courir à toute vitesse vers la gauche. Je tente de lui emboîter le pas de course, mais il me distancie rapidement, alors que j’ai toujours été le plus sportif des deux.

 

Pendant que nous contournons l’arrière de l’immeuble en ciment blanc, sur le chemin de goudron gris longeant la haute clôture, je vois à la seule fenêtre de cet angle le visage et le bras d’un grand noir, de type Mister T. sans bijoux, qui me fait signe de ne pas continuer dans cette direction, de rebrousser chemin au plus vite. Un prisonnier ? Un gardien à la conscience tourmentée ? N’eus forzh, je stoppe, hèle Tristan sans succès et fais lâchement demi-tour. Revenu au trot à mon point de départ, l’endroit semble désert ; j’avance un peu, avec précaution, mais j’aperçois au loin, à deux angles de pentagone de là, surgir le maître-chien avec ses deux molosses roux.

 

Pas question de m’y piquer ! Je pose mes mains tremblantes sur la porte de l’immeuble dotée d’un poussoir au mécanisme similaire à celui des sorties de secours. Mince de chance ! Elle s’ouvre, et je rejoins piteux la salle d’où je m’étais évadé peu de temps auparavant, sans plus de surveillance qu’avant ma cavale. Un microphone nasillard nous ordonne au moment où je m’assieds de sortir en urgence du bâtiment et de nous aligner le long du mur extérieur pour un appel général. Je m’exécute comme mes compagnons en constatant la fébrilité de l’encadrement. Nous nous asseyons en ligne le long du mur, sur un mince parterre de cailloux blancs et ovoïdes, chauds. Je suis irréprochable ; j’ai finalement raté mon coup en le réussissant, mais il semble bien que la course infernale de mon cher Tristan ait porté ses fruits ! La fièvre inquiète des matons m’en persuade : il est parvenu à s’évader, quand je demeure ici, humilié et lâche, que nous fussions en 1988 ou en 2011.

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Retour de fin

Publié le 17 Octobre 2011 par Luc dans Eternel retour de fin (du 1-5 au 14-10-11)

Après trois nuits engourdies, de repos létal,

Je suis enfin retourné vers les contrées

De l’éveil forcé, du cœur battant sourdement

De palpitations arythmiques, dans l’étale

Mauvaise du corps paralysé et démembré

Devant l’image de la mort sautillant gaiement.

 

Après sept jours de renoncement bonhomme

Face au traitement de mépris que l’on m’avait infligé,

Je suis enfin retourné aux pleurs et au chagrin,

A la faiblesse devant la colère, en piètre homme

Que jamais je ne sus éviter d’être, gagé

Par avance auprès de l’ivraie plutôt que du grain.

 

Après neuf mois de main lourde et rouge,

Je suis enfin retourné à la pâle extrémité,

Gwenhwyfar pentacéphale accroché en dais,

Qui se tend, craque, se replie et bouge

Dans un son semblable aux râles alités

Ayant ponctué l’agonie de ma grand-mère que j’aimais.

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Rêve 105 Dévoré

Publié le 4 Octobre 2011 par Luc dans Eternel retour de fin (du 1-5 au 14-10-11)

Enfin arrivé au rez-de-chaussée de cette immense bâtisse de bois blanc, nuitamment par une route déserte, je sais être en retard pour le dîner. Je jette pêle-mêle imperméable noir, cartable noir sans que ce sensible allègement vienne changer la couleur de mon humeur. Je traverse rapidement le hall d’entrée sans prendre le temps d’en remarquer les volumes exceptionnels, la hauteur singulière du plafond où est pendu un lustre dont on ne pourrait compter le nombre d’ampoules qu’il supporte. Je grimpe deux à deux les marches du large escalier à la rampe ouvragée de bois laqué blanc et arrive sans un sursaut de cœur au premier étage. Je prends le vestibule de droite et débouche sur la vaste terrasse couverte.

 

Les couleurs s’avèrent fort différentes ici : chaleureuses, entre bois brut et flamme. Le plancher ne grince pas sous mes pas lorsque je m’approche, frôlant ici une statue balinaise, rattrapant là une lampe chinoise en porcelaine noire finement décorée de peinture d’or. Je descends deux marches et arrive à la table où m’attendent les convives. Une odeur de Beaune m’interpelle alors que je vois décliner le jour par-delà la large baie vitrée, ouverte ce soir-là. Je m’assois dans un marmonnement, auquel j’ai la sensation que les deux ou trois autres personnes répondent par le même langage. J’ignore en effet s’ils sont deux ou trois car je baisse la tête, ou bien je dirige mon regard vers l’extérieur, la nuit qui naît. Je ne suis absolument certain que de la présence des deux premiers, que j’ai vus, mais mes sens apaisés me signalent qu’il doit y avoir un tiers à ma droite. Peu importe, le Beaune 1er cru est excellent, et en le laissant couler au fond de ma gorge après l’avoir laissé reposer quelques secondes sur mes papilles engourdies, je projette à nouveau mon regard vers les dernières lueurs de l’horizon. Nous sommes vraiment en hauteur – pense-je.

 

D’ailleurs, c’est bien le dessus d’un cerf-volant jaune et vert que je vois apparaître dans mon champ de vision, là, dehors, à quelques encablures de la baie vitrée. Je m’étonne de la tension apparente dans son vol tandis que je ne ressens aucun souffle de vent de l’extérieur. Il continue sa montée en frémissant, jusqu’à se retrouver pile en face de nous, à trente mètres peut-être. Le cerf-volant se retourne, mais au lieu de nous montrer son architecture intime, il s’avère qu’il est de fait un dragon, ou plutôt non, un démon. Grand, avec ses deux ailes noires de chauve-souris plantées sur les omoplates d’un dos puissant que j’avais stupidement confondu avec un cerf-volant. Il paraît dans une colère noire, elle aussi. Il ne fait aucun bruit tandis que sa mine se renfrogne encore. Sa couleur varie à quelques secondes d’intervalle entre le rouge enflammé tacheté de combustion, l’orange de braise à la luminosité irrégulière et un vert de combat strié de cicatrices carmines. Compte tenu du calme ambiant, je suis manifestement le seul à l’avoir vu.

 

Il s’approche maintenant, tellement près de la baie vitrée qu’il est raisonnablement impossible de l’ignorer. Aucun des trois convives ne bouge alors qu’il ouvre sa gueule de stryge, démesurée aux innombrables, longues et très fines dents, en se déformant la mâchoire jusqu’à vouloir enserrer d’un coup la tête de mon père, assis à ma gauche et continuant de siroter son verre de blanc. Mon père, oui, dans un sens… car si je sais avec certitude qu’il s’agit bien de lui, il n’en pas moins revêtu ce soir ma propre apparence. Je ne vais pas le laisser bouffer sa ma caboche : j’interviens promptement, sans crainte excessive malgré cependant le déséquilibre risible des forces en présence. J’adresse une claque au monstre, suivie d’un coup de pied dans ce qui doit lui tenir lieu de côtes. Interloqué, le démon extrait sa tête d’au-dessus de la table et se place en vol stationnaire devant la terrasse. Il reprend sa moue renfrognée, change deux ou trois fois de couleurs et me fixe intensément, semblant ne rien comprendre à la situation sans toutefois désarmer son air menaçant ni esquisser le moindre mouvement de départ. La nuit est tombée totalement cette fois, noire d’encre. Sinistre luciole.

 

Hésite-t-il à agir, encore surpris par l’imprévisibilité de ma réaction ? Ou plus sûrement, provoquant ma terreur, si je suis assis à ma propre gauche, quel visage voit-il de celui qui l’a frappé ?

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Rêve 104 Régis Mailhot

Publié le 23 Septembre 2011 par Luc dans Eternel retour de fin (du 1-5 au 14-10-11)

Je suis à la bourre. Je me précipite vers l’appartement d’une amie qui aurait pu être Laure si elle avait habité Rue des Blancs Manteaux. Je comptais prendre une douche mais je dois bien vite déchanter : pas le temps, nous devons aller voir Régis Mailhot au point virgule. Nous marchons rapidement dans la nuit soyeuse avec mes deux amies, dont l’autre eût pu être Valérie si elle avait été parisienne, obliquons à droite, peu avant l’église, dans la rue Aubriot puis à gauche dans la rue Sainte Croix de la Bretonnerie, et ça y est, nous y sommes.

 

Je ne me rappelais pas que le Point Virgule comptât une antichambre. Elle ressemble à une salle de café, assez étroite, en L, avec plusieurs banquettes marron composées chacune de quatre sièges soudés ensemble. Au fond à droite, sous un plafond jaunâtre est située une estrade en bois d’un mètre de haut environ, recouverte d’un vieux tapis de style persan. On nous signifie de nous asseoir, et arrive sur cette modeste scène une dame d’une cinquantaine d’années que je suppose d’origine kabyle. Sans geste, l’air timoré, elle engage un monologue. Je peste intérieurement. Je grommelle mon désarroi : nous sommes assis comme dans une gare et n’avons même pas Régis Mailhot !

 

Une fatigue insurmontable me saisit après moins d’une minute et je m’affaisse doucement, dans mon costume noir, ma chemise blanche et ma cravate parme, sur mes deux amies. Le languissant discours de la dame, assez peu drôle pour ce que j’en perçois, m’empêche cependant de sombrer tout à fait dans le sommeil. Bien vite elle cesse sa logorrhée, et je redresse la tête pour voir un petit homme mafflu, un vieux bouledogue de soixante ans vêtu à la polonaise dans les années soixante-dix, prendre la parole. Oh non ! - me dis-je – pas encore une première partie ! Et non, je l’entends distinctement énoncer que le public sélectionné en fonction de son attitude envers l’humoriste kabyle va pouvoir le suivre pour le spectacle de Régis Mailhot. Dame ! Vu le bide, mettons le succès d’estime, qu’elle a subi, il ne risque pas d’y avoir grand monde, et moi qui bêtement me suis avachi de tout mon long pendant ses tentatives de faire naître le rire sur les visages longs et blafards… Aucune chance pour que je sois sélectionné.

 

Je suis le seul à avoir été sélectionné, et je reconnais bien là l’humour caustique de Régis Mailhot. On me fait passer dans un modeste couloir et je m’attends tout naturellement à retrouver la petite scène mal éclairée, les banquettes rouges inconfortables, le Point Virgule quoi ! En aucun cas : je débouche sur une grande cour intérieure, des clapiers sur la gauche et une grande scène impressionnante sur le côté droit. Régis Mailhot vitupère contre son guitariste situé à l’extrême droite de la scène. On dirait Pat Metheny, c’est curieux quand même pour un one-man show. Le fantasque chevelu vient manifestement de se faire virer, et peut-être Régis avait-il remarqué durant sa désolante première partie d’antichambre mes doigts nerveux de guitariste soutenant solidement ma tête molle et ensommeillée. Je me risque à me proposer, et à ma grande surprise, il accepte benoîtement. Je me hisse sur la scène et me saisit de l’instrument relié à un ampli d’à peine trente watts. Je me dis que le son va cracher, c’est fatal. Je balance un riff en la majeur avec saturation maximale, tout en répondant à Régis qui m’indique les quelques répliques prévues pour son musicien durant le spectacle. Une vraie répétition en un mot ! Ma voix nasillarde et mon ton faux se perdent dans les crachotements de l’ampli époumoné. Régis joue tout aussi faux que moi d’ailleurs.

 

Je lui demande si ça va. Il me répond distraitement que oui et je continue à jouer le même riff devant l’espace vide de la cour intérieure, face aux clapiers vides, sans que personne ne débouche du couloir d’où j’étais venu, Régis Mailhot tout vêtu de noir continuant l’air préoccupé à marcher de long en large sur le sol de terre claire et sèche, les mains croisées dans le dos.

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Tremblements de mort

Publié le 1 Septembre 2011 par Luc dans Eternel retour de fin (du 1-5 au 14-10-11)

Je suis fragile. Mon équilibre établi s’avère précaire finalement, sujet à la bourrasque comme un spi aux coutures lâches. Une mince mollesse un jour, une outre gonflée le suivant, le vent n’a aucune difficulté pour s’immiscer dans ma construction à son image. Chaotique et imprévisible. Suppliant de la religion de la prévisibilité.

 

Je peux sombrer à tout moment, dans ma coque grinçante, mes voiles se rétrécissant avec le temps. J’ai même fini par perdre ma quille en l’attendant. Je couine et grince de l’intérieur aussi, manifestement.

 

Des images inquiétantes traversent mon abstinence, telles celle d’une Marie callipyge et trop bronzée, à la taille d’une finesse démesurée, aux épaules ridiculement étroites, ce buste tors coiffant des hanches à la largeur d’une baignoire. Telles moi errant hébété sur une esplanade blanche disposée au sommet d’un entrelacs de larges escaliers déserts. La moindre trace de vie s’évanouit en moi comme disparaissent irrémédiablement les restes de mes rêves nocturnes, que je n’arrive plus à saisir, que ma volonté est insuffisante à saisir. Tremblements de mort.

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Pas un mot, pas une pensée

Publié le 31 Août 2011 par Luc dans Eternel retour de fin (du 1-5 au 14-10-11)

Voici l’homme, bon camarade,

Entends l’homme, l’aigle en rade,

Regarde-le tomber, le héros,

Entends-le tomber, zéro.

 

Regarde l’homme, creux,

Entends l’homme, peureux,

Regarde-le, derrière ses barreaux,

Entends l’homme-zéro.

 

J’avais pu vraiment croire à l’éternel retour,

Toutes ces choses grand style, dont on eût souhaité

Qu’elles se reproduisissent, une infinité

De fois, toutes mues par le destin et l’amour.

 

Mais aujourd’hui, la lourdeur le cède à l’élégance. Mes forces demeurent dans un rythme sourd et solitaire. Les martèlements de la musique et des machines se confondent en une unité de façade quand trop de glissés des basses fréquences me font basculer dans la nausée. Pour éviter d’être malade, je préfère suivre le mouvement lent et pesant avec ma tête lente et pesante.

 

J’ai vu l’homme en moi.

 

J’ai entendu l’homme en moi.

 

Creux, peureux, prisonnier, zéro.

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La fin des heures avenants

Publié le 26 Août 2011 par Luc dans Eternel retour de fin (du 1-5 au 14-10-11)

NDLA : addendum à l'article du 3 février 2011 intitulé « La fin des heures avenants dans la grande distribution ».

 

Nous avions conclu dans l'article précité à l'opposition catégorique de la jurisprudence, sur le fondement de l'ordre public absolu, à cette pratique consistant à augmenter temporairement l'horaire de travail des salariés à temps partiel sans respecter l'ensemble de la législation sur les heures complémentaires.

 

Le principe de séparation des pouvoirs voulait cependant que le législateur pût revenir sur cette jurisprudence en faisant son travail, c'est-à-dire légiférer. Un député, M. Poisson, avait à cet égard déposé en 2009 un amendement visant à sécuriser les heures avenants, mais le Sénat traînait vraiment à le mettre à son ordre du jour, négligence ou opposition larvée ? Nous allions le découvrir. Tentant de nouveau sa chance, l'Assemblée Nationale a introduit un amendement dans la proposition de loi Cherpion (nouvel article 13 bis), et par ailleurs, le point 24 du rapport Warsmann émettait la même suggestion au gouvernement (« La simplification du droit au service de la croissance et de l'emploi », p. 100) en suggérant une validation législative dans les douze mois.

 

Le Sénat a cependant supprimé l'article 13 bis de la proposition de loi Cherpion, sur les fondements suivants : « Alors que la délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale vient de publier un rapport appelant à réduire le travail à temps partiel, « source de précarité pour les femmes et facteur aggravant des inégalités professionnelles », il n’a pas apparu opportun au Sénat d’adopter cet article car il aurait eu pour conséquence une baisse de la rémunération de nombreux salariés, en particulier des femmes. Les entreprises doivent plutôt essayer de faire en sorte d’offrir des emplois à temps plein à leurs salariés à temps partiel qui souhaitent augmenter leur temps de travail. »

 

La commission mixte paritaire (CMP) du 6 juillet 2011 a maintenu la suppression de cet article enterrant donc les heures avenants dont on ne voit plus très bien aujourd'hui ce qui pourrait les sauver.

 

En dessert, une petite pépite : Pierre Méhaignerie a suggéré dans cette CMP de laisser les partenaires sociaux négocier sur le point… A priori, il n'était pas au courant de la jurisprudence de la Chambre sociale de décembre 2010, le principe même de l'ordre public absolu interdisant toute convention dérogatoire à la loi, même dans un sens plus favorable au salarié !

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L'Eternel Retour

Publié le 20 Juillet 2011 par Luc dans Eternel retour de fin (du 1-5 au 14-10-11)

Je dois aujourd’hui, pour parvenir à l’harmonie, à respecter ma volonté de puissance, ma vie, mettre mes forces en équilibre, éviter le conflit intrapsychique ou autrement dit le déchirement intérieur. C’est une forme d’impératif catégorique.

 

Il me faut tout d’abord, afin d’éviter le conflit par nature épuisant et diminuant la volonté de puissance, tempérer mes forces réactives, celles qui ne s’expriment ou projettent dans le monde qu’en niant d’autres forces, en les combattant : ma recherche de la vérité, ma tendance républicaine et démocratique à l’argumentation.

 

Il me faut tout autant vivre pleinement mes forces actives : le goût pour l’art (écriture, musique) et l’esthétique en général, sans mésestimer un côté aristocratique s’éveillant sitôt que le jeu de l’argumentation commence de se révéler non conforme à ma volonté, ou dans la solitude de l’effort physique quand bien même il s’agisse d’un sport d’équipe.

 

Comment concilier ces forces pour ne pas diminuer l’intensité de la vie qui coule en moi ? Par l’éternel retour semble-t-il, en vivant pleinement ces instants dont j’aimerais qu’ils se répètent une infinité de fois.

 

En clin d’œil à la généalogie comme alternative à la théorie, je procèderai chronologiquement.

 

A cinq ans, les frères Régis me poursuivent dans la cour d’école de Marché Marais à Melun, mais je bondis habilement sur un banc, continue ma course, saute et me libère ainsi du piège.

 

A six ans, j’aime Céline, la petite Narbonnaise perdue au Mée sur Seine.

 

A sept ans, Christelle Joffre et moi-même révisons nos connaissances des chiffres en les dessinant dans nos dos respectifs.

 

A huit ans, nous pêchons avec mon grand-père Gustave au bord d’un bras de Seine mort, lors d’une douce journée de printemps, ensoleillée et chaude, à l’ombre d’un grand saule pleureur.

 

A neuf ans, nous réalisons avec Franck Vandesbosch la pêche miraculeuse à Enez Arz. Tacots et éperlans viennent se jeter par dizaines sur nos hameçons qu’il est même inutile de garnir d’appâts. A neuf ans toujours, le même Franck avec qui nous pédalons dur en direction du Lan lors d’une matinée de crachin, hurle son amour à Elise Tanguy devant la maison ensommeillée de la famille de cette dernière, et nous repartons au sprint en riant jusqu’à l’apnée.

 

A dix ans ou presque, j’écoute l’émission de Bernard Lenoir sur France Inter et entends en direct le concert de Joy Division aux Bains Douches. J’aime Carole Gosselin. J’écoute en boucle « Songs of love and hate » de Leonard Cohen et l’intégrale de Brel, surtout l’Olympia 1964.

 

A onze ans, le petit gars pas très costaud mais doté d’une bonne technique et d’une excellente vision du jeu selon ses entraîneurs, plante une magnifique et surpuissante reprise de volée, d’un geste délié sans effort semblerait-il, artistique, sous les yeux ronds d’ébahissement de Stéphane Léger, le gardien de but. Je découvre « Rattus norvegicus » des Stranglers et « Nag nag nag » de Cabaret Voltaire. Je prie pour la seule et unique fois de ma vie pour mon grand-père Maurice victime d’une crise cardiaque, avec succès… du moins pour les quelques mois le séparant encore de la mort. Nous luttons respectueusement avec Maria Fernandez pour le nombre de nos rédactions figurant dans le livre d’or de notre classe de CM2.

 

A douze ans, mon caractère aristocratique s’accommode mal, lors d’un voyage au Canada, du statut d’enfant non accompagné doté d’un écriteau autour du cou ; bien vite, l’infâmant panneau disparaît dans mon sac et je voyage seul, comme un grand. A douze ans encore, je lis « Le Joueur » de Dostoïevski, regarde pour la première fois « Le bon, la brute et le truand » de Sergio Leone et écoute « Ceremony » de New Order.

 

A treize ans, j’écris ma première nouvelle et entends « Pornography » des Cure ainsi que « A new day » de Killing Joke. Je me remets en aimant « I’m only shooting love » de Time Bandits, en jouant au base-ball et au foot sur la console « Intellivision » de Mattel ainsi qu’en aimant « Lawrence d’Arabie » avec Peter O’Toole. Je tombe amoureux de Robin Wright dans son rôle de Kelly dans « Santa Barbara ».

 

A quatorze ans, je fais percer mon oreille gauche et adore « Aguirre ou la colère de Dieu » de Werner Herzog, avec le fantasque Klaus Kinski. Je retiens mes larmes en regardant jouer intensément Peter O’Toole dans Masada.

 

A quinze ans, je commence la basse, reste sur mon séant en écoutant pour la première fois « Fresh fruits for rotting vegetables » de Dead Kennedy’s et manque de mourir en lisant « Crime et châtiment ». Je me remets encore en aimant « Shake the disease » de Depeche Mode. Je regarde « Le cuirassier Potemkine » d’Eisenstein. Nous tenons avec mon cousin Jean-Luc un cierge à l’enterrement de mon grand-père Gustave et éclatons de rire avant de fondre en larmes.

 

A seize ans, j’achète mes premières Doc Martin’s noires, coquées et 18 trous et écoute au casque chez Nugget’s, sur les conseils de Mireille, « Third uncle » de Brian Eno, reprise par Bauhaus. Notre groupe « Lies of purity » reprend « In a lonely place » de New Order et « A rock and hard place » des Sisters of Mercy sur la place des Chapeliers lors de la fête de la musique 1986.

 

Le jour de mes dix-sept ans, les mains de Béatrice Jourdan se perdent au-delà des boutons de chemise sur mon torse de poulet. A dix-sept ans encore, je lis « Le feu follet » de Drieu la Rochelle, « Le voyage au bout de la nuit » de Céline, « Les abeilles de verre » de Jünger. Je verse des larmes sur le « Day of the Lords » du « Boulevard of the broken dreams » de Joy Division. Je dors chez Albain Lutaud en écoutant « Funhouse » des Stooges et les 13th Floor Elevators de Roky Erikson. Je me réjouis en bondissant des pourtant objectivement pas terribles 13 et 13 du bac Français. Je lis « Les contes cruels » de Villiers de l’Isle-Adam, « Les chants de Maldoror » de Lautréamont.

 

A dix-huit ans, nous allons voir les Rita Mitsouko en concert au Rex, puis Pierre Desproges pour son dernier spectacle (« Métastase, cancer, Schwartzenberg, avenir ; trouvez l’intrus ! »). Notre nouveau groupe « Eternel Blanc » se produit lors de la fête de la musique 1988 et fait pogoter le public sur une reprise rapide de « Warsaw » de Joy Division. Tout en lisant « Qu’est-ce que s’orienter dans la pensée ? » de Kant et « Les âmes mortes » de Gogol, mon premier recueil de poèmes est publié peu après que je crois aimer Kim Parry. Puis en une semaine j’obtiens mon bac A1 avec mention, le permis de conduire et le privilège de découvrir les Swans par l’album « Public castration is a good idea » cédé par le mentor Fabrice Billard. Au feu le Studio 24, je regarde avec Sylvie Feller et Albain « Le feu follet » de Louis Malle avec Maurice Ronet ainsi que les cycles « Expressionnisme allemand » (« Les trois lumières », « M. le maudit » et « Metropolis » de Fritz Lang notamment, ou « Nosferatu » et « Faust » de Murnau) et « Bogart »… Casablanca, Le port de l’angoisse, Le faucon maltais… En juillet, avec Vera Zakharov et Lambert Barthélémy, nous écoutons encore et encore « Apologija » de Laibach in « Krst pod Triglavom baptism », tandis qu’avec Sylvie Feller nous allons voir la Tétralogie complète aux chorégies d’Orange. Je m’émeus sur « Le bœuf écorché » de Soutine. J’achève aussi les nouvelles « A Verdun » et « La Folie ».

 

Le jour de mes dix-neuf ans, je crois vraiment aimer Carol Antoine mais la beauté de Rachel me renverse. Nous dansons moins d’une semaine plus tard un pogo avec Manuel Guez sur de la new beat au Sahara Beach, entre Souss et Monastir. En juin, je nage dans « L’eau rouge » des Young Gods. En novembre, je me promène avec ma mère sur la Place Saint Marc déserte et recouverte de brouillard ; les pigeons s’envolent et disparaissent dans la brume à notre approche. Un mois plus tard, notre groupe désormais industriel, « Der Ewig-Weiß », sous influence « Strategie gegen Architektur » d’Einstürzende Neubauten, fait tomber les vitres de la salle des fêtes de Puyricard en raison d’une mauvaise sonorisation de l’enclume et de la porte de garage.

 

A vingt ans, je découvre les Têtes Raides en concert à Enez Arz, peu après avoir réussi à me procurer le disque de la 9ème de Dvořak par Furtwängler à l’opéra de Berlin en 1941. Lors de l’écrit de droit pénal général en DEUG 2ème année, portant sur la complicité, je suis touché par la grâce et recopie littéralement le polycopié de cours qui s’ouvre derrière mes yeux, à la coquille près ; l’écrit de droit administratif étant tout aussi magique, je termine major de promotion. J’achève aussi mon livre « Amourettes lycéennes ».

 

A vingt-et-un ans, je me réjouis sans mesure de la victoire de l’Etoile Rouge de Belgrade sur l’OM en finale de la Coupe d’Europe des Clubs Champions. Je lis « Je ne regrette rien » de Pierre Sergent. Ayant cédé aux instances de Sandrine Beuve-Méry à Enez Arz, je suis vraiment amoureux de sa sœur Christelle-Olivia. « Vin qui pétille, femme gentille, sous tes baisers brûlants d’amour, plaisir, bataille, vive la canaille, je bois, je chante et je tue tour à tour »… J’en profite pour écrire « La dernière fête ».

 

A vingt-deux ans, je regarde « Luna Park » de Pavel Lounguine, suivi peu après d’une rediffusion de Taxi Blues, puis deviens fou sur « A bullet in the head » de Rage against the machine. Je joue 48 heures d’affilée à « Romance of the three kingdoms » sur Super NES.

 

A vingt-trois ans, alors que Bruno Kersuzan me faisait écouter les maquettes de « Fleurs de yeux » que lui avait confiées Christian Olivier, un homme de la trentaine, aviné au bar de La Fontaine à Penero, m’apprend l’existence du groupe « Red Cardell ». Je joue au basket sur Super NES avec les frères Arnaud et Jean-Loup Lagavardan. Je discute à bâtons rompus de l’aéroport de Warszawa avec les Professeurs Renoux et Berra lors de mon souriant grand oral de DEA de droit du travail. Je lis « Le temps des citoyens » de Jean-Pierre Chevènement.

 

A vingt-quatre ans, j’écoute intérieurement « Rot scheint die Sonne » dans un camion militaire dans la campagne saumuroise tandis que le soleil se lève dans la brume au dessus de la Loire, puis « La marmaille nue » de Mano Solo dans ma chambrée à Saint-Cyr-Coëtquidan. Nous jouons avec Stéphane et Nathalie Rivière, avec Yohann Meynadier et Myriam Mahé, aux jeux olympiques sur Super NES.

 

A vingt-cinq ans, j’écoute les « Chants et danses de la mort » de Moussorgski en élaborant une frise papale, et reçois un choc artistique avec « Underground » d’Emir Kusturica sur la musique de Goran Bregović. J’enchaîne sur « Le temps des Gitans ». J’aime Emilie Holtz et j’achève mon livre « Le Couple ».

 

A vingt-six ans, Guillaume Decron et moi-même ne manquons jamais un épisode de « Black Adder » en VO avec Rowan Atkinson et Hugh Laurie, chez Emilie.

 

A vingt-sept ans, Milla Jovovich est affolante de beauté dans « Le 5ème Elément » de Luc Besson. Nous roulons à vélo sur un plateau enneigé avec Guillaume Decron, puis parvenons à une clairière ombragée, dans laquelle un petit ru se termine en mare d’une eau glaciale et limpide où nous buvons.

 

A vingt-huit ans, j’écoute « Là-bas si j’y suis » de Daniel Mermet durant une période de chômage. Stéphane Rivière et moi-même participons à des ateliers d’écriture, une sotériologie.

 

A vingt-neuf ans, nous jouons au basket avec Stéphane Rivière. Je bois un verre de blanc sur la place arborée du village de Nyons, un vent doux agitant mes cheveux.

 

A trente ans, j’écoute « Ar gouriz koar » de Denez Prigent et découvre « Le problème XXX » d’Aristote. A trente ans encore, je maigris à vue d’œil et aime Pascale Auger.

 

A trente-et-un ans, je lis « Sous l’aile d’un ange » de Jerzy Pilch, en regardant « 24 heures ».Je me félicite de l’effondrement des Twin Towers, « Magnifique ! ».

 

A trente-deux ans, je lis « La Grammaire des civilisations » de Braudel.

 

A trente-trois ans, je regarde hilare « Black Books » avec Dylan Moran. J’achève mes deux bouquins « Träume I » et « L’Eglentreprise ou la religion de l’entreprise » en à peine deux mois. Je prends avec Guillaume Decron un verre de Pouilly Fumé en mangeant les noix fraîches de mon jardin sur le Chemin de Rapine. Le 21 septembre, je tombe amoureux d’une Anne Baqué à la resplendissante beauté, à l’occasion de son anniversaire.

 

Le jour de mes trente-quatre ans, tremblant comme une feuille, j’aime encore plus Anne devant le Leydet à sept heures du matin. En janvier, je fais face au vent déchaîné au sommet de l’Arthur’s Seat. En août, Anne me demande en mariage. Nous jouons avec Yohann Meynadier à « L’Entraîneur 2003-2004 » sur PC. Avec Josie et Stéphane, nous faisons le tour d’Europe avec mon Audi A3 flambante neuve.

 

A trente-cinq ans, le 18 juin, j’entre dans l’appartement d’Anne en pleins préparatifs pour la cérémonie de mariage. Nous roulons entre la mairie et l’Eglise en écoutant « Płatna miłość » de Goran Bregović par Krawczyk (« In the death car » version polonaise) tandis que Marc Baqué tourne. Nous roulons au petit jour vers la Bastide Roman à Gardanne. Et c’est beau, tout comme naviguer entre les tepuys jusqu’au Salto Angel, comme le « Non » au référendum sur la Constitution européenne.

 

A trente-six ans naît Ilana et je lis le premier tome de la « Contre-histoire de la philosophie » par Michel Onfray. J’achève mon livre « Honte ».

 

A trente-sept ans naît Erwann.

 

A trente-huit ans, je lis « La mythologie celtique » de Yann Brekilien.

 

A trente-neuf ans, je lis « Le moment fraternité » de Régis Debray et au même moment, nous mangeons une assiette de charcuterie avec Anne à Oletta, observant des hauteurs montagneuses le coucher de soleil sur la baie de Saint Florent.

 

A quarante ans, je regarde « L’Île » de Pavel Lounguine, découvre Vladimir Sorokine avec « La voie de Bro » et « Roman ». Je lis aussi « L’Adolescent » de Dostoïevski, lumineux dans sa critique du nihilisme libéral.

 

A quarante-et-un an, toujours jouant avec Yohann à « L’Entraîneur 2003-2004 » et selon l’ontologie nietzschéenne, sans regret, nostalgie, ni culpabilité ou moindre projet d'avenir, je suis devenu sage… peut-être.

 

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