Arythmie

L’alternance insensée des rythmes s’impose à moi de façon pire que la raison. Une journée d’oisiveté librement consentie se termine dans la cohue des clampins et lambins, vertigineuse de bêtise assoupie quand après mes heures de cossard j’ai dû me remettre dans une foulée cosaque. Je voulais être à fond, réinjecter une vie nerveuse dans ce corps attendri, et je n’ai pu que me fondre dans la file lente et molle.

J’ai encore accéléré les battements de mon cœur pour l’exécution rapide et technique des tâches diverses meublant la seconde journée de travail avant le repos. J’étais un automate centré sur la seule nécessité de sa programmation : se débarrasser de tout le plus vite possible pour enfin ne plus rien faire. Je me satisfais faute de mieux de ce paradoxe apparent : c’est parce que je suis une grosse feignasse que je travaille vite et plutôt bien.

Parfois néanmoins, je me heurte encore au réel. Le moindre grain de sable en effet, dans un rouage de ma belle mécanique, suffit à faire voler en éclats le frêle équilibre : il s’agit de l’imprévu, qui me contraint à modifier mon rythme, comme si, sans avertir son frère bassiste qui n’est autre que moi, mon frère batteur se mettait à jouer une mesure sur deux en triolets. Je grimace, soupire lourdement, râle, gueule comme un putois, puis m’adapte, rentre dans la file lente et molle.