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Hontes

Souffrances, amour, désespoir, moquerie, musique et philosophie... La vie, quoi !

R93 Deuil

Publié le 19 Septembre 2012 par Luc in Ernez (du 31-12-10 au 21-4-11)

Nous marchions avec ma grand-mère Réjane, lentement dans les couloirs du métro parisien. Je l’accompagnais, en ce quatorze janvier 2011, prendre un train. Nous devisions silencieusement dans les escalators déserts, l’écho assoupi des allées s’affalant délicatement sur les sols luisants. Les lignes droites éclairées d’une lumière douce m’étaient rassurantes, au même titre que la chaleur douce qui s’exhalait des bouches d’aération.

 

Arrivés au bout d’un long couloir, je constatai l’architecture fantasque de la gare où ma grand-mère devait prendre son train. Une façade immense et multicolore, dans un style intermédiaire entre le graff et Looney Tunes, une façade déformée comme dans un palais des glaces, le concave le disputant sans cesse au convexe. Réjane me prit par le bras avec fermeté, m’entraînant vers les portes vitrées marquant la sortie.

 

Elle était vêtue d’une jupe bleu marine, droite et s’arrêtant sous les genoux, d’un gilet assorti à la jupe sous lequel elle avait enfilé un corsage blanc et simple. Elle marchait avec sa canne de noyer rutilante à la main gauche, le buste légèrement penché en avant, témoignant de la ténacité, du volontarisme de son caractère. Son œil s’assombrissait et son pas s’accélérait à mesure que nous approchions des baies vitrées, tandis que ma panique augmentait. Je savais que je devais prendre un train, mais à Montparnasse, pour la Bretagne évidemment, et j’ignorais fichtrement où nous étions, quelle était cette gare étrange et colorée.

 

Ma raison me dictait que nous nous trouvions à Saint Lazare, direction la Normandie, la seule qu’aurait pu prendre ma grand-mère soucieuse de rejoindre ses ancêtres à Saint Nicolas d’Aliermont, mais non, je la connaissais bien cette gare et ce ne pouvait être elle. Mon cœur s’arrêtait de battre à chaque bruit, des brûlures nerveuses pointaient ça et là sur l’ensemble de mon corps apeuré, des fourmillements intempestifs venaient paralyser à chaque second, là mon bras droit, là mon pied droit, le tout s’éteignant brutalement dans un frisson général.

 

C’est alors que ma grand-mère ouvrit la porte vitrée et sans un mot me montra la direction à prendre : vers l’église Notre Dame du Travail. C’est le quatorzième… c’est déjà ça, je pourrai m’orienter pour retrouver Montparnasse. Je me retourne vers elle et je comprends dans son regard que nos chemins se séparent ici, définitivement. Son train n’est pas le mien, mais elle m’a montré le chemin que j’aurai à prendre seul en ce début 2011.

 

Toutefois, Réjane, ma grand-mère, était morte le dimanche 21 novembre 2010.

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