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Hontes

Souffrances, amour, désespoir, moquerie, musique et philosophie... La vie, quoi !

A Réjane

Publié le 30 Novembre 2010 par Luc in Dégradation (du 1-7 au 30-12-10)

Les chocs sourds de la pelle dans la terre neigeuse rythment mes ahanements dans l’effort et les larmes. Un réseau de racines épaisses s’acharne à ralentir mon labeur d’ultime hommage à celle qui a disparu, dont les cendres dispersées devront attendre le redoux pour pouvoir s’envoler, engluées qu’elles sont à cet instant dans la pellicule blanche et fraîche.

 

Que de chemin parcouru en quelques jours ! Là où le souci de la dignité le disputait aux dernières piques d’un humour ravageur sous un amas définitivement incompréhensible de tuyaux et de souffrances, il n’est plus qu’un lit vide. Comme nous arpentions les couloirs blafards en tentant de retenir nos larmes dans d’affreux rictus de douleur et de compassion, seuls nous répondirent deux visages sur blouses blanches, l’un souriant gentiment, de façon tellement absurde, l’autre impassible, dont on ne savait s’il exprimait du respect ou de l’indifférence, vite oublié au profit d’un grand sac au côté duquel reposait bien équilibrée une canne bien connue.

 

Elle n’avait pas peur, disait-elle, n’aspirait qu’à la fin de la déchéance, de sa putréfaction dans un esprit clair. Il ne s’agissait pas d’une pulsion de mort, mais bien de la cessation nécessaire, utile, d’une vie qui n’en avait plus que les apparences trompeuses. – A quoi sert tout cela ? - Le renoncement fut éclairé, l’agonie rapide… mais agonie tout de même, puisque le corps inconscient des dernières heures ne put réprimer sa peur d’en terminer, les râles d’agonie durant lesquels nous lui fîmes nos adieux, l’embrassâmes en lui souhaitant de bien passer, accompagnée qu’elle serait par nos baisers et ceux de nos enfants.

 

Descendant quelque temps après de la colline, nous dominions un paysage vallonné, arboré et herbu, aux perspectives complexes telles que seule l’union de l’homme et de la nature sait concevoir, éclairées et ombrées du soleil automnal. Un souffle de vent à peine perceptible nous redonnait à la vie en piquant nos extrémités d’un froid vif. Nous acceptions avec émotion les témoignages d’amitié dont on nous gratifiait en cette occasion qui commençait de ne plus être triste. Rien de plus semblable à un temple que cette salle lumineuse et dépouillée aux bancs de bois clair soigneusement alignés. Rien de plus semblable à une cérémonie des obsèques que les mots d’accueil et de lumière de l’officiant, compassés mais bien placés et touchants, entrecoupés des Kindertotenlieder de Mahler et Rückert. Tandis que le cercueil de chêne franchissait symboliquement la porte de l’au-delà, je repensai à mes propres volontés, mon corps uniquement recouvert d’un drap de lin blanc, déposé à même le petit bois fourni dont on avait empli une barque et qu’on livrerait à la marée descendante puis à l’Océan après y avoir mis le feu près de Port Navalo.

 

Ma fosse est achevée dans le froid d’un ciel qui blanchit. Ma mère a achevé d’épandre les cendres sous les branches basses de chênes verts. L’urne et la plaque sont désormais prêtes à être enfouies. Si fait. J’enrage de la mort et frappe le sol à grands coups de pelle et de pieds pour rendre à la terre et mon âme leur humble apparence première.

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G
<br /> <br /> Nous étions de coeur avec vous pour cette cérémonie que Réjane souhaitait intime<br /> <br /> <br /> et près de vous, sa fille, ses enfants et les petits enfants. Nous sommes surs que<br /> <br /> <br /> les roses blanches qui l'accompagnaient correspondait à ses osuhaits les plus profonds.<br /> <br /> <br /> Derniers baisers à elle et gros bisous à vous tous<br /> <br /> <br /> <br />
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L
<br /> <br /> Merci de l'attention mon oncle. Au moins ce texte vous aura-t-il permis peut-être de vous représenter la fin et la cérémonie. Je vous embrasse tous.<br /> <br /> <br /> <br />