Rêve 20 Sauvegarde

Nous devons partir en voyage. C’est une supposition, mais le fait de nous trouver en attente dans une gare vaste et lumineuse m’invite à le laisser croire. Sur le sol blanc dont le soleil vient imperceptiblement soulever la fine poussière, j’ai un sac à dos, ce qui est suffisamment inhabituel pour renforcer ma conviction. Tu es là, sous la verrière du ciel, toi qui aimes tant les pérégrinations, et la sensation de voyage s’insinue plus encore en moi, ravi du silence des voyageurs en transit.  

Pour tromper notre arrivée trop en avance ou un délai de correspondance interminable, je me place devant un écran d’ordinateur sur lequel, étrangeté des équipements ferroviaires, il est possible de jouer à mon jeu de management préféré. Je m’y attèle tandis que tu te diriges lentement vers le quai annoncé pour notre train, que je vois là-bas, au fond à droite. Un TGV Atlantique s’y trouve, ce qui ne m’inquiète pas outre mesure…

C’est probablement que notre train est un Corail. Je continue à jouer avec une gêne de plus en plus palpable. Je vois le TGV s’ébranler vers sa destination inconnue et mon regard revient vers l’écran fascinant. Du coin de l’œil, je te vois poursuivre ton lent cheminement vers ce quai lointain où s’est instantanément substitué au vide un Corail rouge délavé. Mon esprit tangue tandis que je me sens en devoir de sauvegarder ma partie. Surtout ne pas partir sans avoir sauvegardé cette partie à laquelle je ne pourrai plus jamais jouer… Mais le processus informatique prend plus de temps que prévu. La bécane a dû planter. Tu as du monter dans le Corail que j’entends vrombir. Cette saleté de machine à la barre de réalisation des tâches immobile a dû boguer. Le Corail vient de partir avec toi. Je reste vain et obstiné sur ma sauvegarde. Je pleure convulsivement.