Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Hontes

Souffrances, amour, désespoir, moquerie, musique et philosophie... La vie, quoi !

L'Eglentreprise ou la religion de l'entreprise (0 & 0.1)

Publié le 13 Février 2009 par Luc in L'Eglentreprise ou la religion de l'entreprise

  Puisqu’il fallait raconter une histoire, racontons-la... Tant d’images se bousculent, se superposent pour ne donner au final qu’une intense sensation de confusion, d’irréelle inutilité... de gabegie.

  Les ondes radiophoniques égrènent leurs lancinants couplets de vraies nouvelles, et aident à l’oubli salutaire, en ce matin frais qui me fit incliner vers l’optimisme.

  Hier soir pourtant, tout aurait pu se jouer en ma défaveur, lorsque emporté par la facilité de la détente soigneusement organisée par la hiérarchie, je me comportai librement dans l’apparence. Je fis preuve tour à tour de mauvais esprit, d’une fausse écoute distraite adroitement celée sous le couvert d’une attention sans pareil, et enfin d’une participation à l’extase commune sur tel ou tel sujet. Toujours cependant, je pensais à mener ma barque, gérer à mon avantage tout ce qu’une conversation peut compter d’imprévus.

  Cela ne m’a pas empêché d’aller un peu plus loin que la rigueur de ma position le permettait. Peut-être cette maladresse ne fut-elle ressentie que par moi, mais il ne faut jamais sous-estimer la capacité de nuisance de son interlocuteur d’un soir, si sympathique soit-il, puisque à son niveau, il est un rouage de l’entreprise.

  C’est tout ce jeu fumeux de l’Entreprise, tout en soulignant que ce « E » majuscule ne saurait m’engager dans la voie d’une admiration béate mêlée de reconnaissance éternelle, dont une force indicible me contraint d’établir les règles en ce jour inactif.



PRELUDE

 

 

  « Le cheminement hypocrite jusqu’à l’horreur d’un salarié jeté dans les neuf gueules de l’hydre », tel pourrait être l’intitulé de la bande de papier recouvrant délicatement la première et la quatrième de couverture de l’édition prestigieuse de mon gros œuvre. Les caractères blancs sur fond rouge attirent le regard habituellement ensommeillé de mes congénères, vivant pour les plus adaptés et subissant pour les autres la monstrueuse supercherie du système libéral à la tête duquel se dresse, dans toute sa hideur, l’Entreprise. Personnalisée, mais évanescente, comme touchant à une déification magique.

  Dans un tel système, M. Madelin ne me démentira pas, Madame Entreprise a copulé en douce hermaphrodite avec Madame Erreur, suppôt en ligne directe de l’intelligence humaine, pour enfanter à de multiples reprises, donner naissance à d’autres personnes à part entière : Direction, Comité, Conseil, Président, Directeurs de tout et de rien (des ventes et/ou Ressources Humaines, Général, de conscience... Non, pas de conscience, il s’agit d’une descendance bâtarde indigne d’être citée ici, dans cette noble lignée), Responsables, également de tout et de rien (des ventes encore et/ou Relations Humaines ou Sociales, de l’Administration du Personnel, d’Entrepôt, de R&D en BtoB et CompBen...).

  Et malgré la connaissance de sa reproduction, nul n’a défini avec précision à ce jour qui est cette Madame E. Quoi de plus normal en l’occurrence ! Saurions-nous définir exactement les méandres silencieux de l’inconscient d’un être humain véritable ?

  Néanmoins, la question de la définition de l’entreprise, mérite que l’on s’y attarde.

  L’entreprise va bien au-delà de la notion induite par le verbe « entreprendre », lequel atteste d’une démarche positive, créative : on « entreprend une démarche », on « entreprend une femme », etc... En revanche, l’analyse du participe passé de ce verbe se révèle plus instructive.

  Le fait d’avoir été « entrepris » signifie que l’acte originel de naissance de l’action a été signé dans le passé, que nous ne saurions plus, pour autant que nous fussions concernés, que continuer l’œuvre déjà commencée. Par analogie d’idées, il pourrait paraître que le concept d’entreprise se rapprocherait ontologiquement de l’idée de Dieu, en ce que dans les deux cas, l’être humain hérite une situation dont il n’est pas responsable, et sans aucun moyen de la modifier ou de la dominer.

  L’explication philosophique, ou tentant de se le prétendre, ne convaincra pas les adeptes du système libéral, tout en notant la curiosité intellectuelle que peut constituer le fait que l’objet (l’entreprise) soit placé comme fondement du système (le libéralisme). Le libéralisme s’explique par la vertu de l’entreprise, et non l’inverse. Or en toute logique, l’objet ne saurait que servir un système conçu avec raison et entendement tout d’abord de manière abstraite, puis modifiant ou amodiant les phénomènes.

  L’explication purement rationaliste apparaît délicate. La théorie juridique s’est longuement attelée à une éventuelle définition de l’entreprise... pour ne pas aboutir. L’entreprise n’est pas une société, puisqu’un artisan personnifie une entreprise, fût-il démuni de toute forme sociale. L’entreprise n’est pas plus un terme juridique créateur de droits ou d’obligations.

  La définition managériale ne s’avère pas plus convaincante, car préférant recourir à des relations transversales (« transverses » dans le jargon) avec les termes « entrepreneur » et surtout « entreprendre » pour aborder le fond du concept. Le « entreprendre » peut se définir par la culture du risque, qualité inhérente et intrinsèque au véritable « chef d’entreprise », comme à tout dirigeant d’ailleurs. Cette notion induit la créativité, le sens de l’innovation, l’esprit d’initiative et le goût du risque. Le tenant s’avère donc un esprit participatif, doté d’un solide sens de l’improvisation, celle-ci étant guidée principalement et de manière dominante par ses intuitions.

Dans ce contexte, l’entreprise fait preuve par le biais de son dirigeant d’ingéniosité et de créativité intuitive, nécessite une grande flexibilité et vivacité intellectuelle (en matière de fraude fiscale notamment… Just a grin) pour guider l’ensemble par son sens du devenir. Toutefois, il convient dès à présent de souligner que non seulement cette définition se projette par l’intermédiaire du chef d’entreprise, mais que d’autre part il en résulte directement des défauts incompatibles avec l’acception magique du bon du système libéral et donc de l’entreprise. Dès lors, les tendances du « entreprendre » à ne pas aller au fond des choses, être muni d’une faible capacité à exercer une activité récurrente telle que la réflexion, ainsi qu’à s’adapter à un cadre imposé (celui de la réflexion encore, dans la conception a priori de la représentation), s’opposent au fait de retenir la définition managériale comme générale.

  Il ressort par conséquent des multiples avatars subis par ce concept que sa définition est polymorphe, mouvante selon les domaines, et bien usitée à dessein pour une utilité casuelle, tout comme Dieu...

  Le caractère obscur des fondements du concept favorise indéniablement, ainsi que l’a démontré J.G. Frazer tout au long des tomes du « Rameau d’or », l’acception magique et religieuse du concept, autour duquel s’articuleront progressivement cérémonies, rites, sacrifices et enfin, dans une évolution subséquente, un culte.

Commenter cet article
T
Mérite un dévelopement à chaque paragraphe..car peu se sontrisqué à écrire sur les finalités de l'Entreprise et de l'Entrepeneur.tu as la main, ou plutôt la plume.amitiés  gérard
Répondre
L
<br /> Merci pour ce commentaire, mon oncle ! Donc RV tous les vendredis !<br /> <br /> <br />