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Hontes

Souffrances, amour, désespoir, moquerie, musique et philosophie... La vie, quoi !

Nécro Georges Fenech

Publié le 18 Février 2009 par Luc in Embannoù-kañv (Nécrologies)

Georges Fenech est mort ce matin, asphyxié dans sa salle de bains insuffisamment aérée à la suite d’un usage probablement excessif de laque pour les cheveux. Une mort ridicule, mais la mort sait toujours s’identifier à celui qui devient son objet.

 

Je m’en réjouis absolument.

 

Mais revenons à la veille au soir de son trépas… Nous étions tranquillement affalés sur le divan, à regarder un reportage puis un débat sur la responsabilité pénale des malades mentaux, psychotiques et autres schizophrènes. Je ne cessais d’interrompre les plaintes des parents de victimes par mes interventions finalement très jacobines (substitution de la notion d’atteinte à l’ordre public à la vengeance privée de nos Francs d’ancêtres, la victime n’est pas le cœur du procès pénal, le fait de pouvoir entendre et se représenter ce qui vous est reproché est une condition nécessaire du procès pénal, le but final de la peine pénale est la réinsertion dans la vie civile, et non pas la guérison d’une affection pathologique, etc.).

 

Soudain, à la fin du reportage consacré à l’affaire Dupuy, alors que le débat, animé par un Christophe Hondelatte théâtralisant à la Denis Brogniart, avait commencé depuis quelques secondes, Anne me dit :

 

-          Ca pue, non ?

-          Tu trouves ?

-          Oui, il y a une drôle d’odeur…

 

Au même instant, le cameraman braque son objectif sur un homme en costume marronnasse, rasé et manucuré de très très près, portant cheveu noir et épais, ondulé et bien maîtrisé sur une peau quelque peu amarile cependant. La gestuelle s’avère précieuse, et les poignets de la chemise blanche, irréprochables. D’un ton patelin, il entame la récitation de son auteur préféré : « Cette loi est une avancée majeure pour les droits des victimes ». Je connais ce poème, ce vers ayant été déclamé mot pour mot par ledit auteur l’année dernière. C’est Nicolas Sarkozy… Anne coupe la performance en affirmant :

 

-          Ouh là, je ne l’aime pas celui-là !

 

Le nom de l’individu vient enfin apparaître en sous-titre luminescent sur notre écran alors que de concert mais sans concertation, nous avons quitté la position avachie pour nous redresser, tendus comme des arcs à la colère sourde. Il s’agirait d’un certain Georges Fenech, député UMP et ancien magistrat. Un Fenech, c’était donc ça la drôle d’odeur ! – pensai-je intérieurement en la ressentant désormais avec un intense désagrément.

 

C’était amusant finalement. Je n’avais ouï dire de ce Lyonnais (décidément, le hasard n’existe pas, sa bourgeoisie malsaine ne pouvait provenir que d’un seul endroit sur terre…) que via les rubriques judiciaires (élection invalidée et condamnation à un an d’inéligibilité pour fraude sur les comptes électoraux, instance pénale en cours pour avoir indirectement soutenu un vendeur d’armes à l’Angola…). De surcroît sa connaissance de la procédure pénale, en tant qu’ancien juge d’instruction et actuel mis en examen, aurait pu être un élément important dans le débat en question, mais non, le pied-noir bien civilisé désormais se contentait de reprendre sa triste partition propagandiste sans rien apporter d’autre. A chaque interpellation, qu’elle provînt agacée et souvent fondée d’un avocat dont l’ire avoisinait en volume son corps d’homme et demi, ou posée et presque métallique d’un juge d’instruction particulièrement lucide et compétent, voire, tout en ondulations et rondeurs, d’un psychiatre expert près la Cour, il répondait « Procès d’intention ».

Malgré le caractère évidemment faiblard sur le fond de son absence d’argumentation, il l’articulait d’un air péremptoire, définitif, en réprimant un sourire blanc de surpuissance lorsqu’il constatait faire sortir les autres participants de leurs gonds, en échangeant force œillades avec la jolie rouquine assise au fond, fille de victime d’un schizophrène.

Bon, il échangeait moins avec un fils de victime découpée à la hache par un autre malade, du fait que ce béarnais ne comprenait pas un traître mot de la teneur du débat, ses interventions avec l’accent tombant mystérieusement toujours à côté du point abordé. Il est toujours bon d’inviter un extra-terrestre, une sorte de Mister Bean version cassoulet de Castelnaudary, pour détendre un peu l’atmosphère languide propre à ce type de débat.

 

Toutefois, le sentiment de surpuissance de l’odoriférant Fenech, la jouissance perverse qu’il ne celait presque plus, n’étaient qu’un leurre. Son aveuglement était de type Deutsche Grammophon Gesellschaft – Pathé-Marconi : ne cherchez pas dans une encyclopédie des pathologies mentales, mais chez Harmonia Mundi. Vous y verrez Nipper, ce petit chien assis à côté d’un gramophone, avec le sous-titre français « La voix de son maître ». La maladie du Fenech était la sarkozyte dégoulinante, forme d’affection mentale combinant paranoïa à tendance perverse (surpuissance et sentiment de persécution, absence de castration) et apocéphalite spongiforme ovine (c’est-à-dire que les cheveux poussent comme la laine des moutons).

 

C’est en voulant lutter, comme son maître et comme chaque matin, contre ce dernier symptôme que Georges Fenech, après avoir utilisé une seconde bombe de laque pour domestiquer la preuve physiologique de sa maladie mentale, s’est asphyxié bêtement, tel qu’il a vécu.

 

Ni rires ni crachats.

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