La triste mélodie du gwerz se fond dans le fracas des chutes d’eau. L’herbe si verte distille dans les rayons du soleil montant ses perles de rosée, se confondant elles-mêmes avec les particules de brouillard.
C’est une aube de halo qui s’éveille ; j’y assiste grave, assis sur un rocher moussu, l’attention à peine retenue par les clapotis du ruisseau. En bas, à mes pieds, je commence à deviner les formes et couleurs des galets qui jouent avec les reflets de l’eau vive. Un peu au dessus de l’écume, les bords herbus, les arbustes, puis la lande jaunie. J’attends depuis des lustres que quelqu’un sorte de la brume. Toujours sur mon rocher, au même endroit exactement sans qu’il y ait faute, je ressurgis les lendemains de pluie en automne.
L’année dernière, après la fameuse rincée de l’été, j’ai sorti du rocher ma tête fière et appétissante… J’avais cru deviner une présence derrière le brouillard et la lande. La simple sensation, prescience de l’arrivée, avait suffi à me réjouir, à donner l’espoir de partir panier dessus panier dessous vers l’horizon si proche des genêts, des joncs, par delà les ronces, les épineux et les buis.
Rien n’est venu fors mon idée.
Cette année, les premières pluies ont régénéré les mousses de mon rocher, qui se sont évidemment repues de putréfaction… ce qui m’a permis de pointer une corolle capitale, blanche et châtain, hors de la pierre. Je durerai encore quelques jours. Je ne suis qu’un champignon.