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Hontes

Souffrances, amour, désespoir, moquerie, musique et philosophie... La vie, quoi !

R33 Ar klan adc’hraet, adstummet eo

Publié le 28 Juin 2013 par Luc in Un an (du 25-8-05 au 13-6-06)

 

Ar klan adc’hraet, adstummet eo… Une de ces réunions de famille chez mon oncle et ma tante qui réjouissaient toute la marmaille nombreuse à laquelle j’appartenais, mais nous sommes plus vieux aujourd’hui. Parmi les convives, j’observe Julien, l’ami de Charlotte, elle-même une désormais ancienne amitié d’Anne, mon épouse. Je m’interroge fugacement sur le pourquoi de sa présence au sein du clan, et préfère aller lui poser directement la question. Avant que j’articule ma phrase, m’approchant de lui, je remarque son visage grave de taiseux, ses yeux présents qui ne me regardent pas, et il se fend d’un discret « Je m’emmerde ici », que je prends immédiatement pour moi, oubliant qu’il n’a probablement rien à faire ici. Je m’éloigne maussade, mon humeur jusqu’alors hésitante ayant finalement opté pour l’irascibilité.

 

Je rejoins alors le clan, joyeux et farceur. Soudain, mon petit cousin Thomas lance une petite boule de terre meuble dans ma direction, et le projectile touche la manche droite de ma veste, aux éclats de rire généraux. Là encore, ma réaction hésite : colère ou empathie avec le rire commun ? Ma conscience me souffle de pencher pour le second terme de l’alternative, ce que ma légendaire raison approuve. Mon ire prend cependant le dessus en moins d’une seconde, mais ce n’est qu’à moitié sérieux et en rogne que je me dirige d’un pas décidé et le regard noir vers mon petit cousin, vers celui que je sais être mon petit cousin malgré son visage inconnu de gamin frêle, livide, aux cheveux blonds bouclés et aux yeux bleu pâle, qui me rappelle l’enfant qu’aurait pu être Hugh Grant.

Voyant ma face sombre et mon pas de plus en plus rapide à mesure que je m’approche de lui, Thomas paraît apeuré, pressent la sanction corporelle que je ne compte pourtant pas lui infliger. Il recule, trébuche, tombe en arrière et sa tête heurte le mur de vieille pierre avant qu’il s’affale de tout son long sur l’herbe parsemée de cailloux lisses et ronds.

 

Je presse encore ma marche, persuadé que les membres de ma famille vont me tomber dessus à bras raccourcis, me rendant responsable de l’accident. J’arrive au corps inanimé, m’accroupis à son côté en prévenant toute tentative d’intervention, notamment de sa mère, par une déclaration péremptoire selon laquelle il convient de ne pas bouger ou déplacer la victime d’un choc crânien. Je soupèse sa tête douce en constatant ses yeux qui voguent ailleurs. Je décèle immédiatement une blessure au crâne, mais qui est cautérisée. Je poursuis mon investigation alors que curieusement personne ne semble s’intéresser à la situation. Je trouve la blessure, qui paraît anodine, une large égratignure au cuir chevelu, sans plus. Aucun mot n’est prononcé par qui que ce soit.

 

L’instant suivant, nous nous retrouvons dans la salle à manger pour le déjeuner. De tout le clan, seuls mon oncle, ma tante et l’aîné de mes cousins, celui que je connais le moins, sont assis et devisent paisiblement. Devant le nombre de sièges vides, je ne sais où m’asseoir, et il ne me fait plus aucun doute que les autres membres de la famille ont boycotté le repas du fait de ma présence irresponsable. Quelle est cette voix qui me fait part lentement de ma culpabilité évidente dans ce qui s’est produit ? Je continue donc à tourner autour des chaises inoccupées, sans me poser, écoutant mon oncle plaisanter dans la pièce blanche et lumineuse, pétrifié dans un mouvement rotatif par la culpabilité qui me ronge.

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