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Hontes

Souffrances, amour, désespoir, moquerie, musique et philosophie... La vie, quoi !

Mort

Publié le 2 Novembre 2009 par Luc in Humeurs froides (du 2-1 au 23-3-96)

Un petit événement se faisant jour dans l'indifférence, il est naturel que je l'aborde simplement. Il est mort, et comment avouer que seule la dévolution de ses biens m'a affecté après la sensation d'extrême soulagement qu'a provoquée la nouvelle?

Cela me rappelle un autre décès, dont je crus un instant qu'il eût pu m'apporter la gloire. En cet été, il y a de nombreuses années de ça, je m'alanguissais à la terrasse d'un café quand une jeune fille m'aborda, interrompant le triste cours de mes impensées. Elle se révéla comme vendeuse d'une revue belge de poésies, « Le crayon mordu » ce me semble. Extirpé de ma torpeur, je m'intéressais incontinent à l'ensemble composé de la fille et de la poésie, sans arrière-pensées. Nous eûmes une conversation sympathique, comparâmes ainsi nos goûts désolés, bienqu'à mon habitude, en pratiquant cette maïeutique indigne, je monopolisai le dialogue et l'on ne pouvait guère recenser qu'un sujet unique : ma propre personne, telle que je l'eusse voulu être, et non mon être en lui-même. Sur ce, nous nous revîmes le lendemain, et je lui offris mon livre. Elle venait du nord ; une fois son travail saisonnier achevé, elle s'en devait retourner. Si fait, sans aucun échange d'adresses, une rencontre lettre-morte.

Un ou deux mois plus tard, sonnerie de téléphone... Sa mère... Aparté plein de médiocrité : ce n'est pas moi qui l'ai mise enceinte... Il ne s'agit pas de cela : cette jeune fille, dont je ne me souviens même pas du prénom, s'est suicidée... mon livre sur le rebord de sa table de nuit ouvert sur « Doublicide ».

Là, je réalise que cette mort ne m'a pas causé de peine. La voix douce de cette femme ne comprenant pas le pourquoi des choses, hébétée ou choquée, non plus. Tout m'était étranger, sauf un détail : ce livre, que je méprise autant que moi-même, avait pu concourir à la mort. Cette possibilité me remplit d'aise, songeant cependant immédiatement après que je suis trop lâche ou paresseux pour en faire de même.

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