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Hontes

Souffrances, amour, désespoir, moquerie, musique et philosophie... La vie, quoi !

Chers amis

Publié le 24 Août 2006 par Luc in Gwellañ war 1990-1991

10 février 1990

 

Des coups à se tirer une balle dans la tête ! Les amis s’amusent, c’est bien. J’ai des pensées contre nature, c’est moins bien. De cette table de jeu d’où fusent les rires, les bruits, la joie, s’exhale quelque chose, un néant sûrement, que je contemple paralysé et défait. Je ne peux intervenir ni rien faire ; je détourne mes visage et regard – le son parvient encore à percer – et fixe un autre jeu, qui attire mon attention celui-ci. Cela bouge, se défile et éclate en deux : bruit net et brouhaha.  

 

Je ne me pose même plus la question de savoir si les amis, toujours assidus à leurs ludiques occupations, se soucient encore de ma présence. Je suis atone. Atteint. Profond. Un. Un avec la matière, le jeu, le bruit. Je suis cette balle sur laquelle ils s’acharnent, armés de bâtons métalliques et dentés. Soubresauts, chutes, violence des coups portés.  

 

Je voudrais agir ! mais seuls mes membres ankylosés se meuvent lorsque la pression se fait vraiment trop forte. Alors ils s’écartent, s’étirent et, tous d’accord, laissent le poids du corps se porter sur une autre jambe surmontant un autre pied, soutenue par l’autre qui se croise, comme un tuteur soulage une plante malade, pour quelque temps encore.  

 

Les mains semblent immobiles, pas même crispées dans ce qui devrait être la douleur d’un sentiment effroyable d’abandon. 

 

Pas même d’ennui, qui aurait pu me forcer à l’action. Rien sinon un vide, qui me vide, se vide en lui-même. Non, je ne m’ennuie même pas, ni d’eux ni du jeu auquel je n’ai pas été convié. Il est toujours difficile d’être le cinquième dans un jeu à quatre. Un remplaçant, une borne ou une cabine téléphonique qui ne saurait appeler que le douze, une cabine en dérangement momentané bien sûr.  

 

Puis le courage vient, car le jeu que je fixais à l’insu des amis – ils sentent la peur, je n’aime pas ça – dont les sons s’érodent enfin en derniers résonnements et déraison, vient de signaler dans le fracas sa fin, tant attendue, tandis que m’arrache de la torpeur alentours une musique guillerette qui force l’acte. Je suis donc un homme dangereux. Je tiens l’action entre mes mains, caresse sa tête douce, et soudain la tue.  

 

L’au revoir n’a pas pu sortir de ma bouche ; le simple « Bon, je vais y aller » en a tenu lieu. Même dans le courage, il y a une part de faiblesse, accentuée encore par le fait que rien d’autre n’a su franchir le cap de mes lèvres sèches : ni reproches, ni souhaits, ni « Bonne soirée ! », ni même un baiser ou une poignée de mains. J’ai tourné les talons et marché. 

 

La rue est vide. Pas grand-chose à en dire, sinon que le claquement de mes pas, qui avant m’effrayait, ne me procure plus la sensation nerveuse qui incitait à l’accélération, des pas et du temps.  

 

Une clé dans la serrure, action répétée une seconde fois. Puis un bruit survient, habituel celui-là, normal en somme. Calmement, en pensant que j’aurais dû pleurer, que j’aurais pleuré si « ça » s’était passé « avant », je rentre sur la route, sur un miroir où les loupiotes et mon esprit bileux meurent. Je rentre. Mon lit !  

 

-Mort- 

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