Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Hontes

Souffrances, amour, désespoir, moquerie, musique et philosophie... La vie, quoi !

Tourments

Publié le 30 Septembre 2005 par Luc dans Un beau rêve (du 1-8-00 au 31-3-01)

344                                                                                                                              19-02-01

 Tant d’images se pressent à ma porte, que je ne parviens plus à maintenir close. Charles Trénet est mort. 

 

Je m’en réjouis absolument. 

 

Ce gars me donnait un bourdon impitoyable avec son air de premier communiant allumé et pédophile, sa joie de vivre continuelle. Un cafard comme il n’est pas permis... Sa bonhomie légendaire, son talent, son swing bien qu’il ne jouât en aucun cas au golf, son côté zada, ou dazou qu’en sais-je, me révulsaient sans autre compromis.  

 

Cet oeil rond, réjoui de tout, m’horripilait... “Ce type m’en veut ! C’est pas possible !” Hurlais-je en me frappant la tête du poing alors qu’il bredouillait ses mélodies séniles, ses bribes d’une vie incomplète et incomprise. Ses élans sentimentaux me faisaient vomir d’une fausse bonté.  

 

Aujourd’hui, les pleurnichards en dressent une auréole bien terne, lorsque le seul engagement réel de ce pâle individu aura été celui de son dentier luminescent exhumé de sa bouche putride, éclairant faussement l’obscurité insensée de ses admirateurs bornés.  

 

Charles Trénet n’est rien, sinon la représentation même de l’appât-piège qu’est la conception commune d’un bonheur clairvoyant... fourvoyé, ridicule en somme.  

 

Tant de maux ne nous accablent pas qu’il ne paraît guère impératif de s’imposer des biographies larmoyantes, des hommages évidents, un néant de tourmente. 

commentaires

Outrages

Publié le 30 Septembre 2005 par Luc dans Un beau rêve (du 1-8-00 au 31-3-01)

343                                                                                                                              17-01-01

 Les outrages se succèdent... Dans la brisure de la vague, je sentais mon corps roulé, plus léger qu’un galet, plus lourd qu’une écume. Pris dans le mouvement matriciel, l’interrogation venait : ce que je recherche n’est pas un résultat, un composant, un état, mais bien une question, LA question ontologique originelle. 

 

On a pu m’accuser de manque de clarté, d’incapacité à la définition de cette heuristique, de mes croyances selon ce “on”, mais non, il s’agit de mon identité, que je ne saurais transcrire en de simples valeurs ou comportements.  

 

Ma recherche s’avère tout le contraire d’empirique, dont je me défends par dessus tout dans la mesure où il ne me paraît susciter que l’erreur finale, le déplorable constat de l’éboulement ou de l’interdiction du chemin que l’on comptait emprunter... Cette recherche est donc ésotérique, s’appuyant sur l’intuition transcendantale plutôt que sur le phénomène, l’événement, l’objet ou la méthode empirique (pragmatique ?) de l’expérimentation.  

 

Trouver une question ! Dont on ignore jusqu’à l’article ou le pronom déterminant ! Tel n’est pas l’intérêt de la quête si peu mystique et tellement “raisonnable” : elle n’en compte aucun, excepté pour celui qui la suit et ceux qui la découvriraient dans leur vérité propre.  

 

Je n’oeuvre pas pour le monde mais pour l’éveil. 

commentaires

Tourné vers

Publié le 30 Septembre 2005 par Luc dans Un beau rêve (du 1-8-00 au 31-3-01)

342                                                                                                                              25-12-00

 C’est maintenant. Sur le mur blanc opaque et granuleux, j’ai apposé mes lèvres avec fureur, tellement fort comme une absence qu’elles ont éclaté. J’ai alors entamé un pas de danse centrifuge, les bras levés au dessus de la tête, sur la pointe des pieds, pour fléchir, me courber, connaître l’humilité. Les jambes arrondies, la position est vite devenue insupportable.  

 

Et j’ai chu, la nuque frappant sonorement la dalle granitée. La bouche en sang brisant le mur de ton absence, le corps se révoltant de son insouciance, de ses dérivées imaginatives et inosantes, je cogne du front la surface sans vie, priant pour qu’elle s’ouvre enfin, te décelant.  

 

Je continue ma course vers le fond et me mange un doigt que je ne saurais dire sans commettre trop d’aveu. 

 

Je nage maintenant sur toi, ton étendue, mes bras tentant en vain dans un réflexe mécanisé de se subroger à la conscience que de tout temps je te donne.  

 

Je me tourne vers toi, les dents cassées et la bouche fendue, d’une main implorante, laquelle ne pourrait que me révulser si j’éprouvais la moindre envie de la combattre.  

 

Je rampe vers toi en ponctuant chaque mouvement d’un coup de tête sur le sol chaud et poisseux. Mon visage s’étire vers toi absente, dans le rêve d’un toi dépouillée de tes oripeaux, la nuque rompue vers le ciel, dans lequel, à travers le mur, je commence à te deviner. 

commentaires

Back up

Publié le 30 Septembre 2005 par Luc dans Deux ans de reconstruction (1-98-31-10-99)

 

Revenu deux ans en arrière... Le même canapé qui se défile, se dérobe sous mon pauvre postérieur à mesure que je m’y avachis. Ma tête se baisse quand le dos s’arrondit ; le bassin s’avance vers la télévision et les jambes détendues vers la lucarne lumineuse, les mains s’approchent du visage pour le masser. Endolori, incapable de croire en ce qu’il représente ; il doit prendre un air halluciné.

 

Oui, tel qu’il y a deux ans de cela, les verres redescendent à la fois dans la trachée et dans l’oesophage... Une désinfection de l’intérieur, une catharsis !

 

(sourire et soupir)

 

Pas de nostalgie sur ce coup-là, pourtant... Parce qu’il me semble bien avoir le souvenir que la période ne brillait pas particulièrement par son alacrité rosée... Faut-il donc demeurer sombre dans le rappel ? Il y a des chances, mon petit bonhomme !

commentaires

Sifflements

Publié le 30 Septembre 2005 par Luc dans Deux ans de reconstruction (1-98-31-10-99)

 

Avant que les sifflements ne continuent de rabaisser mon âme, parcellisés de secousses métalliques, j’en ai entendu d’autres, plus cruels, car m’opposant un langage incompréhensible lorsque je n’attendais qu’un désir de moi. Trois sons aigus et brefs auxquels je répondais dans un appel désespéré, qui s’obstinaient à reprendre leur cri monotone. Trois courts qui me causaient trois longues plaintes.

 

J’ai voulu rapprocher de moi la source du son une fois celui-ci évanoui par mon geste sec et dépité, mais j’ai renoncé, intimement persuadé qu’il ne resurgirait pas de sitôt. Pour le moment, je crois avoir agi avec raison.

 

Puis les autres sifflements, lesquels n’appellent quant à eux qu’à une communication avec mon seul esprit. Les couverts cuivrés chutent derechef, s’entrechoquant sur le sol lisse, se désaccordent dans leur sonore accouplement. Trop de notes parcourent ma vue, qui ne sont plus les portées ; je n’entends plus les représentations picturales de ma gêne.

commentaires

Missive

Publié le 30 Septembre 2005 par Luc dans Deux ans de reconstruction (1-98-31-10-99)

 

Ma chère L.,

 Je suis confus de cette fausse frayeur, mais il me fallait bien trouver un artifice suffisamment subtil pour profiter de t’écrire, dans ma toute nouvelle connaissance de ton adresse, quoique tu en remontres par ailleurs.

 

Ne t’offusque pas de ce “tapuscrit”, puisque ce n’est pas la jolie Julie qui l’a dactylographié, à l’écoute attentive de ma concupiscente dictée... C’est bel et bien (“bel” ne répond qu’à un idiome : n’y vois donc aucune corrélation avec ma propre personne ou avec le méprisable chevreau Patrick Fiori dans une position de chercheur de lentilles lorsque Garou s’approche suspectement sur son côté jardin...) moi, humble et fidèle serviteur, qui tape adroitement de mains musiciennes et habiles la présente missive.  

 

Baldrick :  

 

- I think I’ve got a kind plan, Sir...  

 

The Black Adder, duke from Edimburgh :  

 

- Yes, Baldrick... I seem to deceal since now the failure in that plan. 

 

 

 

Moins sérieusement, dans la mesure d’un sommeil fuyant, l’attrait des choses, en même temps qu’il se délite généralement, se concentre paradoxalement sur certains points particuliers, jusqu’à l’obsession, la compulsivité. Comment les nommer en continuant de se celer ? Commet l’innommable celui qui continue de se mentir... Ma fascination pour l’imprononçable est une constante, pour le mensonge aussi d’ailleurs.

 Je ressens clairement, pourtant, l’obscurité totale et inféconde de ce qui précède. L’ennui est proche ! Vite ! Sortir une vanne, n’importe quoi... sauf devenir chiant...  

 

- Pourquoi y a-t-il de plus en plus de femmes célibataires ?  

 

- Parce qu’elles préfèrent un petit bout de bacon dans le frigo qu’un gros lard sur le canapé. 

 

  Le moral, quand il se mêle de morale, ne saurait qu’aller déclinant, au regard des multiples imperfections humaines. Comment expliquer alors qu’à réfuter ses instincts les plus bestiaux, grégaires, le moral persiste dans une triste ellipse ?

 

J’ignore si tu as déjà cherché à lutter contre ta nature, qu’ont causée les péripéties d’une vie sociale mouvementée, mais il me paraît que ce combat est vain. Plus simplement, il existe tant de choses que l’on aimerait avouer, calmement, avec ce léger sourire à la fois serein et énigmatique qu’avait Bowie dans Ashes to ashes. Mais il faut se réprimer, tant la sincérité se révèle dénuée de tout sens aujourd’hui. Toutes ces phrases à déclamer s’enterrent irrémédiablement dans les méandres d’un comportement sinueux, exemplaire de force et de bonheur.  

 

La plainte est interdite, ou réservée à quelque membre convaincu du quart-monde, du SDF au somalien...

 

La mienne s’intégrerait plutôt dans le constat selon lequel on ne peut, justement, éprouver quelconque état d’âme sans démontrer d’une grande faiblesse, signe précurseur d’une inadaptation sociale dépressive, selon le petit Lacan illustré.

 

Je n’ignore pas cette fois par quels chemins... vicinaux (ou parfois viciés de l’erreur) tu as pu battre ton chemin. Pour ne pas les avoir parcourus, ma tendresse à ton égard ne peut qu’en être sincère. Mes pas les auraient-ils foulés identiquement qu’il ne s’eût agi que d’une comparaison d’expériences similaires, que chacun aurait eu tendance, malgré toute l’amitié possible, à rapporter narcissiquement à la sienne propre...

 

Comme tu l’auras deviné, tout ça pour ne rien dire, prendre de tes nouvelles, montrer que je ne suis pas oublieux dans les circonstances de fait que l’on subit, nécessairement subies.

 

Je t’appelle dès que je serai en possession de mes nouvelles coordonnées géographiques et téléphoniques.

 

Bises.

commentaires

Fin

Publié le 29 Septembre 2005 par Luc dans Jours décisifs (du 6-1 au 5-3-97)

           Une page se tourne, que mon tempérament propice à la nostalgie et à la mélancolie regrette déjà. Une sensation de malaise et de lourdeur immédiatement contrée par celle, plus violente et vivace, de l'obstacle. Je m'en approche en trottant ; mes légendaires oeillères m'empêchent de voir autre chose du paysage que ce mur situé en face de moi, dans la ligne de ma course.

           Je sais bien qu'il faut y aller, que je vais devoir sauter en évitant de laisser mes jambes à son sommet. Le silence est atroce autour du seul bruit de mes pas. Ce n'est pas tant le risque de la brisure ou de l'écorchure sur les pans de ce mur qui causent ma peur, que l'ignorance complète dans laquelle je me trouve de ce qu'il y a derrière. Je ne vois rien et trottine paisiblement vers l'obstacle, sans information sûre autre que sa couleur, ocre et grise.

           Comment ne pas céder à la tentation d'imaginer cet instant fugace, lors du saut, pendant lequel on constaterait que seul le néant se trouve à son issue, et qu'alors on essaierait de s'agripper, de revenir en arrière... en vain.

           D'aucuns disent que le changement, l'inattendu, les surprises mettent un piment salutaire dans la morne vie quotidienne et fonctionnaire. Pour ma part, outre que je me passerais fort bien de l'angoisse, je ne sais plus que penser. En tous cas, j'avance à pas comptés vers ma grande ascension, vers ma fin... Qui sait ?

commentaires

Démission

Publié le 29 Septembre 2005 par Luc dans Jours décisifs (du 6-1 au 5-3-97)

           Nous marchions, tout un groupe joyeux sous le soleil commençant à peine à décliner. Du chemin rocailleux à la glèbe collante, nos pieds avançaient sans heurts ni meurtrissures, une main balayant devant qui s'accrochait parfois à l'épine d'une traître ronce. Malgré la condensation qui s'exhalait de nos bouches, nous ne ressentions que chaleur et vigueur, quand nous eussions supporté la lourde et immobile fatigue restés confinés dans nos tours citadines.

           Puis vinrent les côtes escarpées et glissantes, à l'instar des rochers moussus, précaire piste pour des pieds peu habitués. Dans les glissades pourtant, plus de joie que de crainte et de risque, l'oeil écarquillé entre une fontaine de vie et l'élébore fétide. Les cris des courlis le disputaient au faucon pèlerin et à la buse, attirés par le vol; rapide de la mésange à longue queue.

           Puis le postérieur solidement rivé aux longues herbes de lande, la discussion est naturellement légère. Le froid gagne. Il nous faut repartir, finissant par la course pour éviter que la nuit ne l'emporte sur notre trop courte randonnée, qui ferait presque oublier toute contrainte. Un peu de bonheur à savourer à sa bonne mesure...

 

 

Monsieur,

 Je suis au regret de vous signifier, par la présente, ma démission pour motifs personnels.

 Je tiens cependant à souligner qu'il m'a été prodigué ici tout ce à quoi pouvait aspirer une personne inexpérimentée ; j'entends la rigueur du raisonnement et surtout de son application pratique. 

 

J'éprouve la nette sensation d'avoir travaillé dans un cadre agréable et professionnel.  

 

En revanche, autant il m'était possible de m'identifier à une structure telle que T.V.M.P.A, autant je ne puis concevoir quelque avenir pour un collaborateur technique au sein du Groupe MAZARS.  

 

Notre déjeuner du 31 janvier n'a fait que confirmer mes impressions et informations sur la gestion très particulière du personnel au sein de ce groupe : j'avoue fort peu goûter le management à l'américaine, habilement celé pourtant, à table, sous le fard courtois de la conversation badine.

 De surcroît, pour n'être en aucune manière arriviste, je n'en nourris pas moins une (peut-être) légitime ambition, notamment en matière salariale. Une fois encore, l'entrée dans le Groupe MAZARS, qui peut être considérée comme une sorte de nouvelle embauche, m'interdit d'espérer toute augmentation dans un avenir proche, voire dans le moyen terme puisque conventionnellement, mon poste n'existe pas.  

 

Ajouté à cela que le coefficient hiérarchique visé dans mon contrat de travail (145) me place dignement entre les quatrième et cinquième catégories des personnels d'exécution, entre dactylo peu expérimentée et expérimentée, j'imagine mal le Groupe m'offrir quelconque promotion, étant d'ores et déjà manifestement surpayé pour mon coefficient. 

 

D'autres motifs, personnels tant que professionnels, m'ont conduit à prendre cette décision mûrement réfléchie, représentation d'une manifestation de volonté claire et non équivoque 

 

Ma démission prend effet à compter de ce jour. Mon préavis d'un mois se terminera donc le 12 mars 1997, date de rupture de nos relations contractuelles.  

 

Je souhaiterais néanmoins, dans un souci de simplification mais aussi de manière à déménager dans d'humaines conditions, solder mes quatre jours de congés payés (2 jours + 2 jours de fractionnement) afférents à la période de référence précédente, à la fin de mon préavis, soit les vendredi 7 mars, lundi, mardi et mercredi 10, 11 et 12 mars 1997.  

 

Je demeure à votre disposition dans l'hypothèse où vous souhaiteriez m'entretenir de ce qui précède, ou si vous désirez que chacun conserve toute discrétion jusqu'à mon départ définitif, dans l'intérêt du service. 

 

 

          Nous arrivions à Bararach, port de Séné, en minibus. La mer était basse et le soleil frappait durement sur la tôle surchauffée.  

 

          Un marseillais se trouvait là, assis avec nous on ne sait trop pourquoi, accompagné d'un enfant. Celui-ci demande en voyant les vasières pour la première fois sûrement :  

 

Papa ! Regarde ! C'est quoi ? 

 

          Au père méridional de répondre :  

 

Ah, ça me rappelleu le massifeu centraleu ! Avequeue la boueue...  

 

          Cette fois, à mon tour de m'interroger : que vient faire le Massif Central dans le Morbihan, d'autant plus que je n'en reconnais pas ici le moindre paysage : point de volcans ou de plateaux désolés. Non, juste une mer petite à l'étale.  

 

          Je ne relève pas plus, et incompréhensiblement, le minibus fait demi-tour. Quoi ! Aurais-je appartenu à une simple expédition touristique quand l'embarcadère pour Enez Arz était si proche ? Il faut s'y résoudre.  

 

          Sur le côté, je remarque la vieille Samba de Nounours Le Didroux, qu'il avait rétrocédée à sa fille Valérie, ce me semble... Mais l'absence de roue avant gauche posée sur un parpaing attire mon regard. Le vol, même ici, sur une Talbot cabossée et à moitié rouillée sous le bleu délavé et écaillé par les tempêtes et embruns. 

 

          Je me remets en tête les algues volantes des grains hivernaux qui venaient se nicher dans les cheveux et y adhérer solidement, les creux pendant lesquels, sur le bateau, les verts le disputent aux blancs pâles. Rien ne sert de penser...  

 

Un centre caviar car puissant et brossé de Christophe Cocard 

en débordement sur l'aile droite, incroyablement vendangé par un coéquipier 

qui plante la balle dans la tribune située au dessus des cages adverses ! 

 

          Que vient faire Cocard à Séné ? ... Je l'ignore encore... et m'en moque. 

commentaires

Jeune sexe

Publié le 29 Septembre 2005 par Luc dans Marseille (du 2-4-97 à février 1998)

 

Aujourd’hui, les péripéties de sa vie lui paraissent bien mornes. Les “pourquoi” incessants de son fils, à propos de tout et n’importe quoi, ne l’arrachent plus de ses pensées troubles. L’image de cet enfant, animal étonnant s’il en est, bougeant ses lèvres silencieusement, tourne autour de ses genoux, puis semble vaciller, devenir floue, puis s’évanouir complètement, par manque d’intérêt sans aucun doute.

 

Quoiqu’il en fut, le souci essentiel de l’homme assis était à mille lieues des vains agissements désordonnés de son rejeton, des maints vagissements intéressés de sa fille. Les limites de l’une, “That propell emotion” ou “petrolerhead”, parfaitement invisibles, se fondaient dans l’image muette du premier. De cette fusion, il revenait à la photographie qu’il triturait machinalement depuis des mois, cette fameuse photo d’un coucher de soleil absurde, commun et touristique, mais qu’une ombre venait faire douter.

 

Cette obscurité ne s’appréhendait pas. Elle semblait grandir à la mesure de la maladie de l’homme, elle aussi incompréhensible d’ailleurs. Se versant le quatrième whisky de ce début de soirée, il ricana de son access prime time, en s’interrogeant sur les raisons de cette inhabituelle sobriété. L’hyperactivité du gnome questionneur en était sûrement la cause, à l’instar de la bruyante hypersomnie de sa fille. Tout se serrait donc autour de lui, qui n’aspirait qu’à saisir de deux mains fermes sa maladie, par les épaules, lui cracher au visage en hurlant : “Qu’as-tu à me tourmenter ainsi ?! J’irai de moi-même à la tombe !”.

 

L’étrange pathologie recouvrait de nombreux effets secondaires, réels ou somatisés. Les troubles visuels s’avéraient les plus gênants, au travers des lunettes qu’il ne quittait jamais, quelle que fut la circonstance. Certains matins, sa peau lui paraissait écailles larges et plates comme un toit d’ardoises entourant deux yeux rouges, lui rappelant ceux d’un lapin ukrainien atteints d’une myxomatose toute particulière. A hauteur de ces curieux globes oculaires, deux oreilles pointues venaient dresser leur sommet acéré vers le luminaire dorique de la salle de bains, savamment baignée d’une fragrance artificielle de jasmin.

 

A la névrose physique, lorsque personne à son grand désarroi ne relevait son état critique, venaient s’ajouter des troubles mnémoniques. Il s’imaginait être marié, l’avoir été, à Claudia Schiffer sans que la face abrutie de son fils la lui rappelât en aucune façon.

 

Le cinquième whisky ponctua le malaise croissant. Quel Dieu incohérent le suppliciait ainsi ? Il aurait voulu se lever pour le gifler et lui répéter la triste ritournelle du libre choix ultime qu’il destinait à son autre interlocutrice impitoyable, la maladie : “Eh ! Qu’as-tu à me tourmenter ainsi ?! J’irai de moi-même à la tombe !”.

 

Le sixième whisky l’étourdit un peu, et répondit à ses attentes d’oubli ; quelques secondes encore et la douleur fuirait devant l’afflux de pensées incontrôlées. La douleur n’est qu’illusion, comme la faim, le froid, le pain et le riz. L’érotisme dénué de toute vulgarité causé par la mise à l’écart provisoire de la souffrance montait en lui tel le léger ressac d’une mer calme sur la côte décharnée de Gavr’inis.

 

La vision fugace s’imposa de sa fille nue, debout et magique dans les rues de Bangkok, s’adressant à un touriste américain replet dont la concupiscence lui faisait encore vibrer les tympans. Elle était si menue du haut de ses douze ans. Au dessus de ses pieds enfantins couronnés d’étroites chevilles s’allongeaient deux mollets fins dont les courbes languissantes allaient s’épaississant vers le galbe juvénile des cuisses, à peine heurtées par l’intervention subreptice de genoux arrondis. Deux pommes fermes constituaient la base de la radieuse ellipse des reins cambrés et du dos altier, masqué en ses cimes par la longue chevelure brune.

 

Le quinquagénaire tant dispendieux que libidineux accepte l’offre et elle se retourne pour l’emmener au plus secret de l’alcôve sordide. A peine le temps de se graver la mémoire de son profil que deux seins naissants venaient miraculeusement équilibrer, qu’elle dévoila son côté face, pour lequel la poitrine se réduisait alors à deux petits boutons si masculins. La finesse de sa taille se trouvait contrebalancée par l’étroitesse de ses épaules et l’arrondi de son ventre adolescent.

 

Pourquoi, à ce saint instant où la rougeur incestueuse de ses yeux se décidait dans une fulgurance orgasmique à déceler le sexe glabre et fin de sa tendre fillette, dut s’interposer entre elle et lui le fameux tableau “L’origine du monde” de Gustave Courbet et que soudainement le jazz se mit à jouer virulemment ?

 

La représentation d’une vulve monstrueuse dominant la scène où quelques musiciens désoeuvrés rejouaient pour la septième fois, à la demande générale, “The girl from Ipanema”, rappela à l’homme assis l’ensemble de ses douleurs, substituant aux sensations érotiques les perfides morsures de la maladie.

 

Il n’y eut pas de whisky suivant, même dans l’espoir de repêcher avec avidité le souvenir disparu, car le numéro 7 de la suite avait été pris par les jazzmen, et le septième whisky n’aurait su, dans l’âme logiquement élevée et douloureuse de l’homme assis, porter le numéro 8, dans la simple mesure où le précédent était le sixième.

 

Instabilité émotionnelle et logique ontique font mauvais ménage.

 Savoir passer à autre chose s’avançait comme le seul mot d’ordre sensé. Il avait tant ri des naturalistes, des poètes prônant le changement et le départ, des femmes qui ne pensaient, dans leur futilité coutumière, qu’à “changer d’air”, “bouger”... Aujourd’hui, alors qu’il ignorait si la maladie incubait, , se déclarait, était réelle voire, il se rangeait indiciblement à l’opinion générale écologisante. D’un sourire jaune, il réprima un haut le coeur devant cet expédient des faux désespérés, mais il était écrit qu’il boirait la coulpe jusqu’à la lie : il partirait dès le lendemain.

 

Où et comment ? En équiplane, à dos de cazoar, en roulotte... En roulotte, son aversion innée pour le cheval l’incita à opter pour cette solution.

 

Le regard suppliant du petit monstre bondissant allié au fracas revenant de la chambre de sa fille le conforta dans sa décision. Après tout, Claudia tirerait fort bien la roulotte familiale...

commentaires

Incertitude

Publié le 29 Septembre 2005 par Luc dans Marseille (du 2-4-97 à février 1998)

 

Le tout se nimbe d’un voile obscur, et l’obligation de se résigner sonne comme un devoir. J’oublie la peur arrachée, mettant à nu le sang et la chair. Je tente d’oublier la bassesse de mes visées. J’ai récemment décidé de ne plus manger, non pour les motifs futiles d’une grève de la faim, fût-ce en faveur d’une juste cause, mais tout simplement par ennui. Quoiqu’il en soit, repensant sans nulle cesse à ma vie risible de ces derniers mois, je ne parviens toujours pas à réprimer les pulsions haineuses qui me secouent lorsque je songe à cet entourage ridicule.  

 

Si cette situation devait perdurer une portée de trop, il demeure en toute hypothèse la possibilité désolée de me supprimer.

  

 

Céder encore à la luxure après avoir vu des amis discutant de leurs nombreux projets d’avenir, dont certains étaient partagés par tous, sauf soi, lequel ne s’intègre dans aucun des plans du lendemain.  

 

L’environ s’éloigne, le naguère se faisant jadis, et ta froideur toujours plus insupportable... Ressentir maintenant les effluves de la fin, telles qu’elles furent il y a neuf ans de cela, avec ton antagoniste. Savoir désormais que la période des mesquineries, des secrets et de l’éloignement progressif va encore être vécue. J’avoue ne pas envier ce sort. Peut-être ferais-je mieux de te quitter à l’instant même... Seulement... Mon instinct conservateur me pousse à ne pas devoir gâcher pour cause de pressentiment ou d’action impromptue ce qui pourrait éventuellement rester entre nous.  

 

Donc j’attendrai... La putréfaction définitive de notre relation, jusqu’à ce que celle-ci te devienne tellement insupportable, malgré ta bêtise, qu’aucun autre choix que la rupture ne traversera ton maigre champ de vision. C’en est fait. Je ne l’ignore pas.

  

 

Il est quelquefois étonnant de se confronter, sinon à la vérité, du moins à l’efficacité de méthodes ou systèmes de pensée que l’on avait toujours réprouvés auparavant. Ainsi fut-il en ce soir embrumé de la communication. Qui saura combien j’ai exécré ces ignominies humanoïdes la prônant à tout-va, précisant que la solution à tout problème s’y trouvait sans l’ombre d’un doute. Gloire à la communication, juraient-ils avec toutes les apparences d’une secte, dans son omnipotence ! Qui saura combien j’ai haï, en apôtre de la raison et de la logique, leurs conseils de réactivité, de séminaires absurdes, d’esprit “RH branlette” ou mises au point, recadrements affligeants et continuels ! Qui le saura? Même plus moi en ce soir pluvieux désormais. Car il existait bel et bien un abcès, dont je parlais hier, que je me trouvais dans l’incapacité de crever par ma méthode habituelle, consistant en une attitude logique, plausible et parlante. 

 

Seulement... Plusieurs mois avaient passé quand l’inefficacité de mon oeuvre resplendit sourdement à la lumière noire : blanche éclatante, stérile... Alors ce soir, j’ai fini par parler, expliquer, reformuler, expliciter... Et cela a marché. J’ai maintenant trop peur de chercher plus loin, de m’interroger plus avant sur le pourquoi du succès de méthodes détestées. J’en resterai donc, après ce fugace écart, à mon bon vieux mutisme obstiné.
commentaires
<< < 100 110 120 130 140 141 142 143 144 145 146 147 > >>