Criminelle

Dans l’après-midi gris terminant sa course sous la chape de brouillard humide, j’avais éprouvé de l’anxiété quant à la soirée à venir, une prémonition confuse à la Cassandre…

J’arrivai pourtant dans le son des rires, mais sitôt qu’elle me vit, son visage s’assombrit, s’affaissa et devint de cire. Un froid voile de silence s’installa entre nous, dont les regards atermoyés n’osaient guère se croiser dans la transparence de la séparation, à la fois réelle et immatérielle. Les minutes s’écoulèrent sur une nervosité désormais palpable, laquelle finit par exploser en pleine violence, une étincelle mineure et un détonateur obsolète qui embrasèrent le monde entier… Sujet vain et futile, grave et lourd… Les mots échangés se révélèrent insensés, à un point tel que les oreilles durent se fermer aux paroles crachées.

Alors tu me tuas, avec toute la folie dont tu étais capable. Mes yeux brillaient de larmes contenues et la douleur me faisait gémir de pâles défenses purement formelles et rhétoriques. Tu n’eus pas pitié de mon agonie et continua ton travail chirurgical de maître boucher. Avec méthode, tu enfonçais très régulièrement tes arguments effilés dans la chair tendre de ma faiblesse. Ton hachoir s’abattait à un rythme mécanique de timbale wagnérienne sur les articulations hasardeuses de mes subterfuges.

Je terminai en morceaux.

« Tu es malade », dis-je par désespoir, puis ajoutai tout haut « Tu es criminelle » en complétant tout bas par « … de notre amour », vocifération sans autre fondement que le désespoir de te voir t’éloigner après m’avoir vidé et équarri.

Ma prescience était fondée, et le rêve ne pouvait durer. La destruction commence, une de plus, pour excuser mon impéritie, et justifier ma mort.