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Hontes

Souffrances, amour, désespoir, moquerie, musique et philosophie... La vie, quoi !

Le Couple (2.14)

Publié le 23 Mai 2008 par Luc in Le Couple (essai satirique)

La brave idiote : ktêma ais aei [1]

 

  Quelle femme ! Son histoire béate s’est toute faite sur l’inintelligence, la médiation, la soumission à l’autocratique mâle dominateur de clan ou de famille. Sur le dos, les cuisses largement écartées en attendant l’offrande du maître, l’œil quelque peu absent parfois, il est vrai… dût-il en déplaire à certains de ces messieurs méditerranéens…

 

  La première brave idiote fut incontestablement la petite Lucie [2], grotesque symbole de l’inutilité et australopithèque de sitcom de son état, un mètre au garrot, sex-symbol de son époque maudite où l’Epilady et la méthode Hadjila n’existaient pas. On imagine aisément sa vie torride, passée à chercher une nourriture infecte en attendant grommelante que son simiesque époux rentre bredouille de sa tentative de chasse pour l’honorer.

  La soumission de la brave idiote atteint parfois des dimensions insoupçonnées : si elle accepte le silence, la vacherie, l’humiliation,, elle va quelquefois plus loin encore, à l’image d’Alceste, fille de Pélias et d’Anaxibie ainsi que femme d’Admète, qui accepta, tout simplement, de mourir à la place de son mari qui avait oublié de sacrifier à Artémis (il exerçait en effet le métier d’expert en métrologie… Comprenne qui pourra…). La fin de l’histoire est moins drôle, puisque Alceste fut tirée des Enfers par le musculeux sans cervelle Héraclès, et devint alors une chienne (V. supra).

  La fidélité reste pourtant un trait essentiel de la brave idiote. Antigone, fille d’Œdipe et sœur malheureuse d’Etéocle et de Polynice, fut condamnée à mort pour avoir, malgré la défense du roi Créon, enseveli ladite Polynice qui venait de s’entretuer avec Etéocle dont la mère, Jocaste, ex-femme de Laïos, roi de Thèbes, avait épousé Œdipe, suite à quoi elle s’était suicidée. La naïveté de la brave idiote complique parfois singulièrement les situations les plus transparentes !

  Que dire de Léda, femme de Tyndare, qui fut aimée de Zeus, qui prit la forme d’un cygne pour la séduire : céder à un cygne ! cette saleté ! Faut-il être niaise, surtout qu’elle en eut Castor (pour les pattes palmées), Pollux (peut-être pour les poils ?), Hélène (pour les garçons ?) et Clytemnestre (et là, on ne sait pas très bien pourquoi…).

  Quant à la bounn’ virg’ Mareîe, je ne m’attarderai pas sur le cas de cette pauvre vieille qui accepta la cavalcade du premier charpentier venu, dont l’intelligence avoisinait à peine celle de l’âne sur lequel elle était constamment juchée, quand il ne lui prenait pas l’envie subite d’aller pleurer à la vue d’un mont fleuri d’oliviers, sans raison apparente…

  De même, Eponine, épouse de Sabinus, défait par Rome en compagnie d’Elien, à l’instar des Civilis et Velléda ou autres Julius Florus et Sacrovir, ne réclama-t-elle pas de partager la condamnation à mort de son mari en laissant deux orphelins dont le sort terrible devait consister dans le placement chez une famille d’accueil romaine ?

  La douce Burgonde Clotilde, qui convertit Clovis au catholicisme, ne nourrit-elle pas le sot espoir de voir son Sicambre de mari devenir bon et doux ? Syagrius, Chararic, Ragnacaire, Rigomaire, Sigebert de Cologne et, en sus de son propre fils, le soldat du vase de Soissons n’apprécièrent que moyennement ce subit attrait pour la non-violence !

 

  Plus récemment, outre la conne qui acquiesça aux avances du petit monsieur Thiers [3], bourreau de Paris, nous avons subi l’impériale, l’intersidérale et hallucinante stupidité de Chantal Goya. Ce « Jeu de la vérité » de 1985, qui ressembla plus à un enterrement qu’à autre chose, fut l’archétype d’une tragédie de la bêtise :

 

- Je suis une fée ! Je suis une fée !

Les fées sont avec moi, et les nains aussi, hein les enfants ?!

Allez ! Chantez tous avec moi !  -

 

  … le tout en dodelinant du chef dans une apoplexie paroxystique et hystérique. Le sourire se fit fou et l’âme floue lorsque le message qui émanait de ce pantin grimaçant était l’absence totale de gêne, contrairement au faciès dépité, aux lignes blanches de ses dents légendaires désormais masquées derrière des lèvres pincées, d’un Patrick Sabatier atterré (même lui !) par l’effroi du spectacle offert.

 

  On se trouve souvent baignant dans une sensation de dégoût, un peu comme après une relation sexuelle, à la vue de cette ineffable gentillesse, impossible dans le réel, qui touche aux cieux de l’idiotie. « Je suis une fée ! », oui, mais une fée conne qui ne brille que de la lueur de l’ahurissement. J’ai appris voici quelques années que Chantal avait signé chez AB Productions, c’est à dire chez Dorothée, son ancienne et fatale concurrente dans la vaste pédagogique de déstabilisation progressive et systématique de l’enfant : la brave idiote, nous les constatons avec les cas Goya et Alceste, a toujours la ressource de virer de bord après avoir été sauvée in extremis pour devenir une chienne… C’est rassurant… Cela dit, toutes n’y parviendront pas… Tenez, Mireille Mathieu par exemple.

 

  La vierge d’Avignon respire une honnêteté abrutie comme nous l’air délétère. Il s’agit d’un animal sensible : ce qui est bon relève de la Nature, disait en substance Rousseau : Mireille Mathieu devait donc pouvoir être bonne, mais elle n’a pas ce supplément de saleté ou d’âme qui fonde l’intelligence de la sensation, cette lie troublant le noble liquide qui dévoile l’ivresse hédoniste, qu’ont ou avaient Piaf, Jarboe ou Lhasa par exemple. Elle ne possède pas ce désespoir farouche qui renouvelle l’idée de vivre en jouxtant continûment de mort l’existence.

 

  Oui, elle a bien la sincérité, mais que devient le jour sans les mensonges les plus grossiers, la mythomanie ?

 

  Qu’est l’honnêteté si on ne la mêle pas subtilement d’hypocrisie ?

 

  Admirer l’acharnement à la perfection lorsqu’on tente de mentir, lorsque le réel est encore moins crédible ?

  Ne faut-il pas en ces cas bien plus d’inventivité, d’imagination, d’intuition, de créativité et de force, dans les buts de déjouer tous les pièges et reconstituer une réalité souvent mortelle d’ennui, de toucher au cheminement libre et conçu par la seule puissance intrinsèque de son esprit, pour exister par soi-même, plutôt que d’adopter une dérisoire franchise, irréfléchie et dont les fondements pourraient bien n’être que moraux, donc contingents ?

 

  Non, Mireille Mathieu, soutien de Nicolas Sarkozy (quelle innocence...), ne connaît rien de tout cela : la brave idiote reste insensible à ces raisonnements et fonctionne, avec tout le sens machinal qu’on peut prêter au terme, aveuglément, bornée comme une triste roulade. Elle ne sent ni le macadam ni les matins brouillés [4]. Sa tête s’emplit d’évanescences naturelles quand nous, honnêtes hypocrites, vivons dans le béton et jugeons insanes ces azalées, qui se portent magnifiquement cette année, penchées le long d’un balcon hérissant le flanc d’une tour.



[1] « Une possession [ou un cadeau !] pour toujours », Thucydide, Guerre du Péloponnèse, I, 22. 

[2] Je garde Lucie puisque Abel, Toumaï et Orrorin étaient, semble-t-il, de sexe masculin !

[3] C’est à dire la ville de Versailles.

[4] Image empruntée à François Hadji-Lazaro dans la chanson « Punkifiée », sur l’album « S/T » (Boucherie, BP 0001, 1987). J’avoue tout de même ma préférence pour la version live issue de l’album « La saga des garçons bouchers » (Boucherie, 842 798-1, 1990).

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